REJET du pourvoi formé par :
- X... Danièle, épouse Y...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Agen, du 2 novembre 1994, qui, dans l'information suivie contre elle du chef d'abus de confiance, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré la constitution de partie civile des plaignantes irrecevable et a renvoyé le dossier devant le magistrat instructeur.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, du 30 janvier 1995, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 5, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de Yolande Z... et Noémie Z..., et renvoyé le dossier au juge d'instruction d'Auch ;
" aux motifs que, pour demander l'infirmation de l'ordonnance il est soutenu, dans le mémoire déposé au soutien des appelantes, que Danièle Y..., qui n'a pas la qualité de prévenue mais seulement celle de mise en examen, n'aurait pas, à ce stade de la procédure, la possibilité de soulever la règle electa una via, qui ne peut être invoquée que par le prévenu et, en conséquence, seulement devant le tribunal ;
" que, par ailleurs, la constitution de partie civile est toujours possible, dans la mesure où elle n'a d'autre objet que de provoquer une déclaration de culpabilité et qu'en l'espèce l'action des plaignantes devant la juridiction est différente de celle engagée devant le juge d'instruction, qui vise à faire constater le délit d'abus de confiance ;
"... que l'article 1er du Code pénal dispose que l'action publique, pour l'application des peines, qui est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi, peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée ;
" que la plainte déposée par Noémie Z..., épouse B..., et Yolande Z..., divorcée A..., entre les mains du juge d'instruction d'Auch le 15 juillet 1993 pour abus de confiance, qui était accompagnée d'une constitution de partie civile et pour laquelle elles ont versé le 10 septembre 1993 la consignation fixée par ordonnance du 23 août 1993, a produit, pour la mise en mouvement de l'action publique, les mêmes effets qu'un réquisitoire du procureur de la République ;
" que, dès lors, même à supposer que Noémie Z... et Yolande Z... ne puissent pas demander réparation de leur préjudice devant la juridiction répressive par application de l'article 5 du Code de procédure pénale, cette circonstance est sans effet sur l'action publique dès lors que celle-ci a été régulièrement mise en mouvement ;
" qu'il s'ensuit que son appel sera accueilli et l'ordonnance infirmée " (arrêt attaqué p. 2, deux derniers paragraphes, et p. 3, paragraphes 1, 2, 3 et 4) ;
" alors que " la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive " ; qu'en l'espèce, Noémie Z... et Yolande Z... avaient porté leur action devant la juridiction civile ; qu'il n'était pas dénié que l'instance introduite ultérieurement devant la juridiction pénale concernait les mêmes parties, avait la même cause et le même objet ; que la chambre d'accusation ne pouvait donc déclarer recevable la constitution de partie civile de Noémie Z... et Yolande Z... sans violer la règle una via electa ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, saisi de la plainte avec constitution de partie civile, suivie de consignation, de Yolande Z... et Noémie Z..., épouse B..., contre Danièle X..., épouse Y..., du chef d'abus de confiance, le juge d'instruction, passant outre aux réquisitions de non-informer du parquet, a, par ordonnance du 11 octobre 1993, prescrit l'ouverture d'une information ; que, sur appel du ministère public, la chambre d'accusation a confirmé cette décision, par arrêt du 2 février 1994 ;
Attendu que, mise en examen du chef dénoncé, le 22 février suivant, Danièle X... a, lors de son interrogatoire de première comparution, invoqué l'exception d'irrévocabilité de l'option civile prévue à l'article 5 du Code de procédure pénale ; que, par ordonnance du 14 juin 1994, le juge d'instruction a accueilli cette exception et déclaré la constitution de partie civile des plaignantes irrecevable ; que ces dernières ont relevé appel de la décision ;
Attendu que, pour écarter l'exception invoquée par l'inculpée puis infirmer l'ordonnance entreprise, la chambre d'accusation, après avoir relevé l'existence entre les parties d'une instance civile, préalable au dépôt de la plainte, et tendant à la restitution des mêmes objets que ceux dont le détournement était allégué dans la plainte, énonce que cette circonstance, si elle met obstacle à ce que les victimes demandent réparation de leur préjudice devant la juridiction répressive, demeure sans effet sur l'action publique, régulièrement mise en mouvement par leur plainte avec constitution de partie civile ;
Attendu que c'est à juste titre que le demandeur fait grief à la chambre d'accusation d'avoir statué ainsi alors qu'en l'état des réquisitions de non-informer du ministère public, la mise en mouvement de l'action publique était nécessairement subordonnée à la recevabilité de la constitution de partie civile des plaignantes ;
Attendu, cependant, que cette erreur de droit est sans incidence sur la solution du litige dès lors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'instance civile invoquée au soutien de l'exception, en ce qu'elle ne tend qu'à la restitution de divers biens remis en dépôt, a un objet différent de l'action en réparation du dommage découlant de l'abus de confiance constitué par le détournement de ces mêmes biens et ne saurait, en conséquence, motiver l'application, en l'espèce, de l'article 5 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, par ces motifs substitués à ceux des juges du fond, la décision se trouve justifiée ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.