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22/03/1995 | FRANCE | N°94-81852

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 mars 1995, 94-81852


REJET du pourvoi formé par :
- X... Catherine, veuve Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur légal des biens de son fils mineur Alexandre Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, du 17 mars 1994 qui, dans la procédure suivie contre Bernard Z... pour homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 1382 du Code civil, du principe de la réparat

ion intégrale du préjudice, des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de proc...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Catherine, veuve Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur légal des biens de son fils mineur Alexandre Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, du 17 mars 1994 qui, dans la procédure suivie contre Bernard Z... pour homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 1382 du Code civil, du principe de la réparation intégrale du préjudice, des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a fixé le préjudice patrimonial de Mme Y... et de son fils mineur Alexandre aux sommes respectives de 587 312 francs et 100 522 francs ;
" aux motifs que le salaire de Patrick Y..., en projection annuelle compte tenu de l'augmentation intervenue à compter du 1er janvier 1992, s'élevait au jour du décès à 177 909 francs, somme dont il y a lieu de déduire les frais professionnels réels importants, s'élevant à 39 055 francs, que l'intéressé devait exposer et qu'il a mentionnés sur sa déclaration de revenus de 1991, souscrite le 20 février 1992, soit un revenu net avant impôt égal à 138 854 francs ; que Mme Y..., son épouse, percevait de son côté un salaire annuel de 128 584 francs ; que le revenu global du ménage était donc de 267 078 francs ; qu'il y a lieu de considérer que la part de ce revenu consommé par Patrick Y... personnellement, en présence d'une épouse et d'un enfant mineur était de 30 % ; que le revenu disponible pour Mme Y... pour Alexandre et pour les besoins communs s'élevait donc à 186 955 francs ; que Mme Y... percevant actuellement un salaire dont elle ne conteste pas, sans en préciser le montant exact, qu'il est au moins égal à celui perçu en 1991, soit 128 224 francs, le manque à gagner global pour la famille du fait du décès de Patrick Y... est égal à (186 955 francs 128 224 francs) 58 731 francs par an ;
" alors, d'une part, que la réparation due par l'auteur d'un fait dommageable doit être égale à la totalité du préjudice subi pour le calcul duquel seul le salaire net de la victime, correspondant aux sommes qu'elle percevait effectivement, doit être pris en considération, sans avoir égard au montant de l'impôt qu'elle aurait dû payer sur ses revenus ni davantage aux frais professionnels déductibles de ses revenus imposables ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait, pour fixer le préjudice patrimonial des ayants droit de la victime, déduire du salaire de celle-ci les frais professionnels figurant sur sa déclaration de revenus ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que l'auteur d'un délit étant tenu à la réparation intégrale du dommage qu'il a causé, l'indemnité nécessaire pour compenser le préjudice doit être calculée sur la valeur du dommage au jour de l'arrêt qui consacre la créance indemnitaire de la victime ; qu'il s'ensuit que, statuant sur les demandes de caisses de sécurité sociale et de la partie civile formées à la suite d'un accident mortel de la circulation dont a été victime un salarié laissant une veuve et un enfant, les juges doivent tenir compte de tous les éléments connus à la date de leur décision et notamment du salaire auquel cette victime aurait eu droit à cette date ; que dès lors, en prenant pour base de son évaluation le salaire perçu par la victime au jour de son décès, la cour d'appel a derechef violé le principe et les textes susvisés " ;
Attendu qu'en prenant en considération, pour le calcul du préjudice économique subi par Catherine X... et son fils mineur du fait du décès accidentel de leur conjoint et père, le salaire net de ce dernier à la date de son décès et avant impôt, mais déduction faite de ses frais professionnels réels, la cour d'appel, devant laquelle la partie civile n'avait pas demandé que le salaire dont elle faisait état fût actualisé, n'a fait qu'user, par des motifs exempts d'insuffisance, de son pouvoir souverain d'apprécier, dans les limites des demandes des parties, l'importance du préjudice né de l'infraction ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 31 et 33 de la loi du 5 juillet 1985, des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné in solidum Bernard Z... et la compagnie d'assurances GAN à payer à la compagnie Groupama la somme de 80 000 francs correspondant à l'évaluation du préjudice moral subi par Mme veuve Y... et débouté en conséquence cette dernière de sa demande tendant à leur condamnation à lui verser une indemnité en réparation de ce chef de préjudice personnel ;
" aux motifs que le premier juge a fait une exacte appréciation, méritant d'être confirmée, du préjudice moral subi par la veuve en le fixant à 80 000 francs ; que la compagnie Groupama, assureur de Patrick Y... pour son véhicule automobile, a versé à sa veuve la somme de 376 000 francs à titre d'avance sur l'indemnité due par le tiers responsable et l'assureur de celui-ci en réparation de son préjudice ; que Mme Catherine X..., veuve Y..., a signé le 20 mai 1992 une quittance subrogative de ce versement ; que, selon Mme Y..., la compagnie Groupama ne pourrait exercer son recours subrogatoire que dans la limite de la part d'indemnité soumise au recours des tiers payeurs, après imputation de la créance de ceux-ci et n'aurait donc aucun recours pour la somme allouée en réparation du préjudice moral ; mais que la limitation de l'assiette du droit de recours telle qu'elle résulte de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 ne s'applique qu'aux recours subrogatoires mentionnés aux articles 29 et 32 de cette loi, concernant les prestations, salaires, accessoires ou charges versés par les tiers payeurs, non au recours subrogatoire à la fois légal et conventionnel, de l'assureur ayant versé à la victime une avance sur indemnité ; que le 3e alinéa de l'article 33 de la loi du 5 juillet 1985, qui prévoit expressément ce recours de l'assureur, permis devant les juridictions répressives par l'article 388-1 du Code de procédure pénale, lui assigne une limitation spécifique, différente de celle édictée par l'article 31 précité, tenant non pas à la nature du préjudice auquel correspond l'indemnité ou la part d'indemnité sur laquelle il peut s'exercer mais au montant du solde subsistant sur l'indemnité globale après imputation des créances prioritaires des tiers payeurs visés à l'article 29 ; que la quittance subrogative signée par Mme Y... ne précise pas la nature du préjudice que la somme de 376 000 francs versée a pour objet d'indemniser et ne mentionne donc pas que cette somme correspondrait exclusivement au préjudice de caractère personnel ; qu'il suit de là que la compagnie Groupama, placée dans la même situation que la personne au droit de laquelle elle est subrogée, est fondée à recourir, contre le tiers responsable et son assureur, dans la triple limite de la somme qu'elle a versée à Mme Y..., de l'indemnité globale mise à la charge du tiers responsable et du solde de cette indemnité globale subsistant après imputation de la créance des tiers payeurs ; que ce solde étant égal au montant du préjudice moral, soit 80 000 francs, puisque la créance de la CMSA absorbe intégralement la part d'indemnité sur laquelle elle peut exercer son propre recours, la compagnie Groupama est fondée à réclamer 80 000 francs à Bernard Z... et à son assureur, le GAN ; qu'en conséquence, Mme Y... ne peut plus elle-même réclamer la somme susvisée, qu'elle a reçue de Groupama, désormais subrogée dans ses droits de ce chef ;
" alors que, selon l'article 33 de la loi du 5 juillet 1985, le recours subrogatoire de l'assureur qui a versé à la victime une avance sur indemnité du fait de l'accident peut, lorsqu'il est prévu par contrat, être exercé contre l'assureur de la personne tenue à réparation, dans la limite du solde subsistant après paiement aux tiers visés à l'article 29 de la loi ; que toutefois ce recours ne peut être exercé que sur les indemnités autres que celles allouées au titre du préjudice moral ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
" alors, au surplus que, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision, l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivalant à leur absence ; qu'après avoir relevé que la quittance subrogative ne précisait pas l'objet de l'indemnité sur laquelle l'assureur avait versé une avance, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, affirmer ensuite que Mme Y... avait reçu de l'assureur la somme de 80 000 francs correspondant à son préjudice moral " ;
Attendu que les juges d'appel étaient saisis par la société Groupama, assureur de la victime, d'une demande tendant à obtenir, en vertu d'une quittance subrogative signée par la veuve de celle-ci et sur le fondement de l'article 33, alinéa 3, de la loi du 5 juillet 1985, le remboursement, dans la limite du solde disponible revenant à l'intéressée en réparation de son préjudice tant patrimonial que moral, d'un capital de 376 000 francs versé à cette dernière à titre d'avance sur son indemnisation ; que Catherine X... s'est opposée à cette prétention en soutenant que le recours de l'assureur ne pouvait s'exercer que dans la limite de la part d'indemnité soumise au recours des tiers payeurs, après imputation de la créance de ceux-ci, à l'exclusion de la somme destinée à réparer son préjudice moral ;
Attendu que, pour faire droit à la demande de la société Groupama, la cour d'appel retient que la limite assignée par le texte précité au recours de l'assureur de la victime ne se confond pas avec celle assignée au recours des tiers payeurs par l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 ; qu'elle ajoute qu'il ne résulte pas de la quittance subrogative que le capital versé à titre d'avance sur indemnité correspondrait exclusivement au préjudice découlant de l'atteinte à l'intégrité physique de la victime ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;
Qu'en effet il résulte des dispositions combinées des articles 31 et 33, alinéa 3, de la loi du 5 juillet 1985 que l'assureur de la victime d'une infraction, qui, ayant versé à celle-ci ou à ses ayants droit une avance sur l'indemnisation de l'ensemble de leur préjudice, est admis à intervenir en application de l'article 388-1 du Code de procédure pénale, peut exercer son recours subrogatoire sans autre limite que le solde subsistant après paiement aux tiers visés à l'article 29, de la loi précitée et qui, en pareil cas, comprend non seulement l'indemnité complémentaire leur revenant, le cas échéant, au titre de l'atteinte à l'intégrité physique, mais encore la part d'indemnité de caractère personnel échappant au recours des tiers payeurs ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-81852
Date de la décision : 22/03/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ASSURANCE - Assurance dommages - Garantie - Garantie " avance sur indemnité " - Victime d'un accident de la circulation - Subrogation conventionnelle de l'assureur - Recours - Conditions.

Il résulte des dispositions combinées des articles 31 et 33, alinéa 3, de la loi du 5 juillet 1985 que l'assureur de la victime d'une infraction, qui, ayant versé à celle-ci ou à ses ayants droit une avance sur l'indemnisation de l'ensemble de leur préjudice, est admis à intervenir en application de l'article 388-1 du Code de procédure pénale, peut exercer son recours subrogatoire sans autre limite que le solde subsistant après paiement aux tiers visés à l'article 29 de la loi précitée et qui comprend, en pareil cas, non seulement l'indemnité complémentaire leur revenant, le cas échéant, au titre de l'atteinte à l'intégrité physique, mais encore la part d'indemnité de caractère personnel échappant au recours des tiers payeurs. (1)(1).


Références :

Code de procédure pénale 388-1
Loi 85-677 du 05 juillet 1985 art. 29, art. 31, art. 33 al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers (chambre correctionnelle), 17 mars 1994

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1989-06-13, Bulletin criminel 1989, n° 253, p. 632 (cassation partielle). CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1989-05-10, Bulletin criminel 1989, n° 184, p. 473 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 mar. 1995, pourvoi n°94-81852, Bull. crim. criminel 1995 N° 119 p. 344
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 119 p. 344

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Simon, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Galand.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Blin.
Avocat(s) : Avocats : MM. Cossa, Vincent, la SCP Defrénois et Levis.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.81852
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