REJET du pourvoi formé par :
- X... Alain,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 12 janvier 1994, qui, après l'avoir déclaré coupable d'infraction à la législation sur les stupéfiants, l'a dispensé de peine.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur les faits et la procédure :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, lors du contrôle frontalier d'un autocar en provenance de Belgique, Alain X... a été trouvé porteur de 20 g de résine de cannabis ; qu'il a été cité directement devant le tribunal correctionnel pour importation illicite de stupéfiants ;
Que le tribunal, accueillant une exception préjudicielle soulevée par la défense, a sursis à statuer afin de permettre au prévenu de saisir la juridiction administrative de la légalité de l'arrêté du 22 février 1990 portant classement du cannabis parmi les stupéfiants ;
Que, sur appel relevé par le ministère public, la cour d'appel, après avoir joint au fond les exceptions présentées par les avocats du prévenu, annulé le jugement et évoqué, a déclaré X... coupable du fait poursuivi et l'a dispensé de peine ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 385 et 386 du Code de procédure pénale, la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, un défaut de motifs et un défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a joint au fond l'examen des questions préjudicielles qu'avait accueilli le tribunal ;
" au motif que les incidents, c'est-à-dire les questions préjudicielles soulevées par les prévenus, "ont par application de l'article 459 du Code de procédure pénale été joints au fond et les conseils des prévenus ont, à l'occasion de l'examen au fond après les réquisitions du ministère public, été invités à s'expliquer tant sur les exceptions, ce qu'ils ont fait, que sur le fond, qu'ils n'ont pas souhaité aborder" ;
" alors que, d'une part, le texte de l'article 386 du Code de procédure pénale précise "qu'une exception préjudicielle est présentée avant toute défense au fond" et que son alinéa 3 ajoute que, "si l'exception n'est pas admise, les débats sont continués", ce qui implique l'impossibilité de joindre une exception au fond sans avoir tranché préalablement la question de sa recevabilité et de son bien-fondé, dès lors qu'elle est de nature à enlever aux faits qui servent de base à la poursuite, le caractère d'une infraction, ce qui était le cas en l'espèce ;
" alors que, d'autre part, dans des conclusions de donné acte régulièrement déposées devant la Cour, la défense des prévenus a fait valoir "la nécessité par la Cour d'examiner, avant toute défense au fond, lesdites questions préjudicielles et de statuer sur celles-ci par décision séparée" ; que "le président a, sans que la Cour se soit retirée pour délibérer, sans concertation avec ses conseils, seul décidé de joindre immédiatement les incidents au fond et de poursuivre les débats", et qu'en définitive la défense a "vainement tenté de s'opposer à la jonction au fond des incidents, et en particulier des questions préjudicielles soulevées, avant même qu'elles aient été débattues" et qu'elle a accepté de poursuivre les débats sans toutefois que cette acceptation puisse valoir renonciation par les prévenus des irrégularités ainsi commises ; mais que la Cour n'a pas fourni la moindre réponse à ces moyens et observations, violant ainsi grossièrement l'article 593 alinéa 2 du Code de procédure pénale et entachant sa décision d'un défaut de réponse à conclusions " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, les avocats du prévenu ayant déposé, avant toute défense au fond, des conclusions demandant à la cour d'appel de statuer par arrêt séparé sur diverses exceptions, les incidents ont été joints au fond ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure ;
Qu'en effet, la jonction des incidents au fond, prévue par l'article 459 du Code de procédure pénale, constitue une mesure d'administration judiciaire, applicable même dans le cas de l'article 386, qui n'est soumise à aucune forme particulière, qui n'a pas à être motivée et qui n'est susceptible d'aucun recours ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de l'article 55 de la Constitution, de l'article 4 du Code pénal (article 111-3 du nouveau Code pénal), des articles L. 627 et L. 628 du Code de la santé publique, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué, refusant de statuer sur la légalité de l'arrêté du ministre de la Santé du 22 février 1990 classant les substances stupéfiantes, a décidé que "l'herbe et la résine de cannabis apparaissent comme des substances stupéfiantes classées" et condamné les prévenus pour infraction à la législation sur les stupéfiants ;
" au motif que la Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, publiée par le décret du 2 mai 1969, et le protocole portant amendement à cette Convention, publié par décret du 4 novembre 1975, qui, de par l'article 55 de la Constitution, sont des normes supérieures à la loi applicable en droit interne donnant à ces textes une force incriminatrice permettant à elle seule d'asseoir une condamnation, dès lors qu'il existe un texte répressif dans l'ordre national portent classement du cannabis et de sa résine parmi les substances stupéfiantes ; que l'article L. 627 du Code de la santé publique prévoit quant à lui des pénalités à l'encontre de ceux qui auront contrevenu aux dispositions des règlements d'administration publique prévus à l'article L. 626 dudit Code et concernant les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants par voie réglementaire, une aggravation étant notamment prévue en cas d'importation ; que le décret n° 88-1232 du 29 décembre 1988 pris en application de cet article qui, dans ses visas, fait expressément référence au décret n° 69-446 du 2 mai 1969 portant publication de la Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, ainsi qu'au décret n° 75-1076 du 4 novembre 1975 portant publication du protocole portant amendement de la Convention unique précitée, signé à Genève le 25 mars 1972 introduit, de son côté, au chapitre "substances stupéfiantes" de la partie réglementaire du Code de la santé :
un article R. 5173 portant interdiction de l'importation des stupéfiants sans autorisation spéciale ;
un article R. 5181 du Code de la santé publique qui, dans son alinéa 1, énonce l'interdiction de la production, de la mise sur le marché, de l'emploi et de l'usage du cannabis, de sa plante et de sa résine, des préparations qui en contiennent ou de celles qui sont obtenues à partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine :
" que force est donc de constater que l'herbe et la résine du cannabis apparaissent comme des substances stupéfiantes classées comme telles, tant au niveau de la norme internationale qu'au niveau de la norme réglementaire, dont l'importation est prohibée, et que le texte de répression qu'est l'article L. 627 du Code de la santé publique trouve son soutien tant dans l'une que dans l'autre de ces normes, cela sans même qu'il soit nécessaire de se pencher sur l'arrêté du 22 février 1990, pris pour l'application de l'article R. 5171 du Code de la santé publique, dont la légalité, la régularité de son élaboration ou l'opportunité seraient en cause ;
" alors que, d'une part, la rédaction des articles L. 628 et L. 627 du Code de la santé publique exige que toute infraction à la législation sur les stupéfiants soit précédée du classement d'une substance parmi la liste des substances stupéfiantes, et que cette opération préalable ne saurait être confondue avec la combinaison des articles R. 5181 et R. 5173 du Code de la santé publique qui se rapportent à des opérations particulières résultant dudit classement (importation, production, mise sur le marché, emploi et usage), ainsi que le faisaient valoir les conclusions des prévenus laissées sans réponse ;
" alors que, d'autre part, la Convention unique, norme de droit international, n'est pas d'applicabilité directe en droit français, et que, par voie de conséquence, le classement du cannabis par cette Convention n'a aucune influence directe sur le classement français des substances stupéfiantes ; qu'au surplus, et à supposer même que ladite Convention soit d'applicabilité directe, elle ne saurait en aucun cas constituer une norme de droit pénal, susceptible de servir de base à une incrimination nationale, à moins que le législateur n'ait renvoyée expressément la définition de l'infraction à cette Convention, ce qu'il n'a pas fait ; qu'en définitive la référence à la Convention unique, pour définir la liste des substances stupéfiantes et les incriminations des articles L. 627 et L. 628 du Code de la santé publique et des sanctions dont le classement a pour conséquence des peines d'emprisonnement de dix à vingt ans, constitue une violation flagrante et grossière du principe de légalité criminelle, tel qu'il est affirmé par la Constitution, la Convention européenne des droits de l'homme et le Code pénal " ;
Attendu que, pour déclarer Alain X... coupable d'importation illicite de stupéfiants, la cour d'appel retient notamment que le classement de la résine de cannabis comme stupéfiant, au sens de l'article L. 627 du Code de la santé publique alors applicable, résulte des articles R. 5173 et R. 5181 introduits dans la partie réglementaire de ce Code par le décret du 29 décembre 1988, en conformité avec la Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, publiée par décret le 22 mai 1969 ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que l'article L. 627 susvisé du Code de la santé publique, qui punit de peines correctionnelles ceux qui auront contrevenu aux dispositions des règlements d'administration publique concernant les substances ou plantes classées comme stupéfiants par voie réglementaire, laisse au gouvernement le soin de déterminer les modalités de ce classement, les juges du second degré ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Et attendu que la décision est justifiée tant au regard des articles L. 626 et L. 627 du Code de la santé publique alors applicables qu'au regard des articles 222-36 et 222-41 du Code pénal en vigueur depuis le 1er mars 1994, et que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.