ARRÊT N° 4
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme Z..., ès qualités, que sur le pourvoi incident de la société Fina France ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal et sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi incident, réunis
Vu les articles 1328 du Code civil, 853, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile et 175 du décret du 27 décembre 1985, ensemble l'article 98 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu que la déclaration des créances au passif du redressement judiciaire du débiteur équivaut à une demande en justice que le créancier peut, selon les deux derniers textes susvisés, former lui-même ; que, dans le cas où le créancier est une personne morale, cette déclaration faite à titre personnel, si elle n'émane pas des organes habilités par la loi à la représenter, peut encore être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte, sans que ce pouvoir soit soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi ; qu'il peut enfin être justifié de l'existence de la délégation de pouvoirs, jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance, par la production des documents établissant la délégation, ayant ou non acquis date certaine ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels ayant été mise en redressement judiciaire, la société anonyme Fina France a adressé, dans les délais, au représentant des créanciers des déclarations de créance ; que le juge-commissaire a admis au passif les créances ainsi déclarées ;
Attendu que, pour infirmer cette ordonnance et décider que les créances étaient éteintes comme ayant été déclarées irrégulièrement et n'ayant pas fait l'objet d'une action en relevé de forclusion dans le délai d'un an à compter de la décision d'ouverture, l'arrêt, après avoir énoncé que la déclaration de créance, qui s'analyse en une demande en justice, doit être faite pour une société par le président du conseil d'administration, le président du directoire, le directeur général unique, le directeur général spécialement habilité ou le gérant, et, à défaut, par un avocat, un avoué ou par un mandataire muni d'un pouvoir spécial ayant date certaine, établi avant l'expiration du délai de déclaration des créances, retient qu'en l'espèce n'ont été produits lors des débats que des délégations générales de pouvoirs sans dates certaines ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'étaient produits devant elle un procès-verbal du conseil d'administration de la société Fina France donnant à M. X... " les pouvoirs judiciaires avec faculté de substitution pour un objet déterminé " ainsi qu'un document par lequel M. X... déléguait à Mme Y... le pouvoir " d'établir et de signer les bordereaux de déclaration de créances ", la cour d'appel, peu important l'absence de date certaine, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dès lors qu'elle ne relève pas que M. X... et Mme Y... n'étaient pas des préposés de la société Fina France ;
Et sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches, du pourvoi incident :
Vu l'article 455 du nouveau de Code de procédure civile ;
Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient encore que le signataire des déclarations de créance n'est pas identifié ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Fina France qui soutenait que Mme Y... était l'auteur des déclarations de créance litigieuses comme l'indiquaient les bordereaux joints à celles-ci, la cour d'appel, peu important le caractère lisible ou non de la signature portée sur la déclaration, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt n° 34 rendu le 7 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.