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01/02/1995 | FRANCE | N°92-21382

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 février 1995, 92-21382


Sur les deux premiers moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 octobre 1992), que la société Marne et Champagne, propriétaire de trois domaines vinicoles sis en Gironde, les a, par décisions de son conseil d'administration des 24 février 1983 et 28 février 1984 et suivant convention verbale, donnés à bail à ferme aux trois sociétés civiles d'exploitation agricole (SCEA) Château des Tours, Château Le Couvent et Château Haut-Brignon, en même temps qu'elle leur donnait verbalement en location, pour un an, renouvelable par tacite reconduction, le maté

riel d'exploitation et de vinification nécessaire ; que ces trois sociét...

Sur les deux premiers moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 octobre 1992), que la société Marne et Champagne, propriétaire de trois domaines vinicoles sis en Gironde, les a, par décisions de son conseil d'administration des 24 février 1983 et 28 février 1984 et suivant convention verbale, donnés à bail à ferme aux trois sociétés civiles d'exploitation agricole (SCEA) Château des Tours, Château Le Couvent et Château Haut-Brignon, en même temps qu'elle leur donnait verbalement en location, pour un an, renouvelable par tacite reconduction, le matériel d'exploitation et de vinification nécessaire ; que ces trois sociétés ont payé le fermage et la location du matériel, selon une facturation distincte, jusqu'au 20 février 1986, date à laquelle la société bailleresse, a, suivant trois actes notariés, donné à bail à ferme à chacune de ces sociétés pour 25 ans, le domaine qu'elle exploitait déjà ; qu'à partir de cette date, les sociétés locataires ont cessé de payer le loyer concernant le matériel, au motif qu'il était compris dans le prix du fermage ; que le 14 février 1989, la société bailleresse a délivré congé aux sociétés locataires pour défaut de paiement de la location du matériel, puis a saisi le tribunal de commerce de Bordeaux en condamnation des sociétés preneuses au paiement de la location du matériel ; que, par arrêt du 6 juillet 1989, la cour d'appel de Bordeaux, a jugé que la juridiction commerciale était incompétente pour connaître des locations de matériels, accessoires du bail rural et a désigné le tribunal paritaire des baux ruraux comme juridiction compétente ; que les trois sociétés locataires ont assigné la société Marne et Champagne aux fins d'annulation du congé ;

Attendu que les SCEA et M. Y..., porteur de la totalité des parts sociales, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à obtenir la production en original des procès-verbaux de délibération du conseil d'administration de la société bailleresse des 24 février 1983, 28 février 1984, 28 février 1986 et 30 octobre 1987 et de refuser d'instruire l'incident de faux, relatif à ces deux derniers procès-verbaux, alors, selon le moyen, 1° que la partie à laquelle une copie d'un acte sous seing privé est opposée, est toujours en droit d'exiger la production de l'original, de sorte que le juge ne peut refuser ladite communication en original, sous prétexte que la copie présenterait toutes les garanties de conformité à l'original, ou encore que la consultation de l'original au siège de la partie adverse était possible ; qu'en refusant d'ordonner la production en original des procès-verbaux de délibération litigieux, l'arrêt attaqué a violé l'article 1334 du Code civil ; 2° que lorsqu'un écrit sous seing privé produit en cours d'instance est argué de faux, il appartient au juge de vérifier l'écrit contesté, ce qui suppose la production en original de l'écrit ; qu'en refusant d'ordonner la production en original des procès-verbaux des délibération du 26 février 1986 et du 30 octobre 1987 qui étaient argués de faux, l'arrêt attaqué a violé les articles 1334 du Code civil et 287 du nouveau Code de procédure civile ; 3° que les trois SCEA et François Y... arguaient de faux les procès-verbaux de délibération des 26 février 1986 et 30 octobre 1987, et demandaient à la cour d'appel d'instruire l'incident de faux, en examinant les originaux des procès-verbaux litigieux et en procédant à l'audition des prétendus signataires de ces actes, " notamment " de M. X..., PDG de la société ; qu'en énonçant que les trois SCEA et M. François Y... n'auraient argué de faux que " les délibérations du conseil d'administration postérieures à celui du 26 février 1986 " et n'auraient demandé que l'audition de M. X..., la cour d'appel a méconnu la portée de l'incident de faux et dénaturé les conclusions d'appel et d'incident des trois SCEA, le 4 juillet 1991, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; 4° que lorsqu'un écrit sous seing privé produit en cours d'instance est argué de faux ou lorsque la partie à qui on l'oppose en dénie l'écriture ou la signature, le juge doit procéder lui-même à l'examen de l'écrit litigieux, à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte ; qu'en l'espèce, c'est sur le fondement des deux procès-verbaux argués de faux que la cour d'appel a condamné les trois SCEA et M. Y... au paiement de prétendus loyers de matériels, et a prononcé la résiliation des conventions de location de matériels ; que dès lors, elle devait obligatoirement, et préalablement, instruire l'incident de faux et procéder comme il est dit aux articles 287 à 295 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en refusant d'instruire l'incident de faux, l'arrêt attaqué a violé les articles 299 et 287 à 295 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les contrats de location du matériel résultaient des délibérations du conseil d'administration de la société Marne et Champagne des 24 février 1983 et 28 février 1984, non arguées de faux, la cour d'appel, qui a retenu que les trois SCEA dont l'intégralité des parts sociales étaient détenues par M. François Y..., ne pouvaient exiger la production d'originaux d'actes auquel celui-ci avait participé en tant que directeur général et administrateur de la société bailleresse, dès lors que des copies des délibérations des conseils d'administration certifiées par le président-directeur général et le commissaire aux comptes, conformément aux dispositions des articles 87 et 151 du décret du 23 mars 1987, leur avaient été communiquées, a, par ces seuls motifs, et sans dénaturation, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les SCEA et M. Y... font grief à l'arrêt de constater l'existence de conventions de location de matériels d'exploitation et de vinification, distinctes des baux ruraux établis le 20 janvier 1986 et de les condamner à payer à la société Marne et Champagne les loyers arriérés et les indemnités d'immobilisation du matériel loué et non restitué pour les années 1986 à 1991, alors, selon le moyen, 1° qu'un contrat particulier hors fermage, relatif à la location du cheptel mort, n'est possible que lorsque le bailleur a, en cours de bail, réalisé des investissements dépassant ses obligations légales, ou lorsque des investissements ont été imposés au bailleur par une personne morale de droit public, étant précisé qu'en dehors de ces hypothèses, toute redevance supplémentaire en sus du fermage est illégale ; qu'en l'espèce, les matériels litigieux garnissaient déjà les lieux lors de la prise d'effet des baux authentiques ce qui n'était pas contesté de sorte qu'aucun investissement en cours de bail n'avait été réalisé par la bailleresse ; qu'il ne pouvait, dès lors, y avoir de convention hors fermage stipulant un prix supplémentaire pour la location du matériel ; qu'en estimant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 411-12 et R. 411-8 du Code rural ; 2° que le " contrat type " établi par arrêté préfectoral précise qu'en cas de " location " et non pas de " remise ", des matériels, machines, outils, tracteurs, équipements et matériel de chai ou de cuvier, il sera dressé un contrat particulier hors fermage ; que la libre location d'un cheptel mort hors fermage est donc soumise à l'établissement d'un contrat écrit à peine de nullité ; qu'en se fondant, pour retenir l'existence d'un tel contrat, sur la persistance prétendue après le 20 janvier 1986, de conventions verbales, la cour d'appel a violé le titre VIII du " contrat type " résultant de l'arrêté préfectoral du 16 juin 1978 ; 3° que les conventions verbales de location de matériels distinctes des baux ruraux initiaux étaient conclues pour la durée d'une année et renouvelables par tacite reconduction, ainsi qu'il résulte des délibérations du conseil d'administration du bailleur en date des 24 février 1983 et 28 février 1984 ; qu'en affirmant que ces contrats ont subsisté, en tant que tels, après le 20 janvier 1986, date de la conclusion des trois baux à ferme à long terme, sans s'interroger sur la question de savoir si, à cette date, les conventions verbales litigieuses n'étaient pas expirées, faute de tacite reconduction au-delà du 20 janvier 1986, ainsi que le soutenaient les trois SCEA, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 411-11 du Code rural et de l'article 1134 du Code civil ; 4° que l'économie des conventions initiales comprenait la location, à titre précaire, des terres et bâtiments d'exploitation, la location distincte des matériels et un accord relatif au rachat par le bailleur de la production des preneurs ; qu'il résulte de la délibération du 26 février 1986, émanant du bailleur lui-même, que cet accord n'a pas été repris au moment du remplacement des baux ruraux précaires par des baux à ferme à long terme ; que les trois SCEA faisaient, par ailleurs, valoir que la bailleresse avait laissé passer 2 années culturales sans exiger de loyer distinct pour les matériels (le dernier paiement étant de fin 1985, et aucun paiement distinct n'ayant été exigé en 1986 et 1987), ce qui était,

selon elles, révélateur de ce que l'économie des conventions entre les parties avait été complètement modifiée le 20 janvier 1986 ; qu'en excluant toute volonté de novation, sans rechercher si l'abandon de l'accord portait sur le rachat de la production des preneurs, et l'attitude de la bailleresse ayant renoncé à exiger un loyer distinct pour les matériels postérieurement au 20 janvier 1986 n'étaient pas caractéristiques de la volonté de novation des parties, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1271 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la volonté de nover ne se présume pas et que les baux notariés du 20 janvier 1986 et les inventaires annexés mentionnaient seulement les terres et les bâtiments et ne faisaient aucune référence au matériel, ce qui ne pouvait laisser aucun doute quant à l'étendue des baux contractés, la cour d'appel, qui a retenu que les sociétés locataires ne rapportaient pas la preuve de la commune volonté des parties de mettre fin au contrat de louage de matériel et que le prix des fermages prévus par les actes notariés restaient sensiblement identiques à ceux prévus antérieurement et n'englobaient pas le prix de la location du matériel, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que les trois SCEA et M. Y... font grief à l'arrêt attaqué de les condamner à payer à la société Marne et Champagne diverses sommes au titre des loyers arriérés, en tenant compte d'une augmentation des loyers prévue par une délibération du conseil d'administration du 26 février 1986, alors, selon le moyen, que le prix du bail doit être fixé d'accord entre les parties ; que l'augmentation des loyers des matériels, décidée unilatéralement par délibération du conseil d'administration du 26 février 1986, notifiée aux preneurs le 1er février 1989, était inopposable aux trois SCEA ; qu'en décidant, néanmoins, que celles-ci devaient les loyers tels que fixés en 1983 et 1984, " avec l'augmentation prévue selon délibération du conseil d'administration du 26 février 1986 ", l'arrêt attaqué a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que les sociétés locataires et M. Y... n'ayant formulé, dans leurs conclusions d'appel, aucune critique à l'encontre des jugements des tribunaux paritaires des baux ruraux qui les avaient condamnés à payer des loyers arriérés sur la base de l'augmentation prévue par la délibération du conseil d'administration du 26 janvier 1986, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu que les SCEA et M. Y... font grief à l'arrêt de prononcer la résiliation des contrats de location de matériels consentis par la société Marne et Champagne aux trois sociétés locataires pour défaut de paiement des loyers, alors, selon le moyen, 1° que la cassation intervenant sur les troisième et quatrième moyens de cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a accueilli la demande de la société Marne et Champagne en paiement de loyers arriérés de matériels d'exploitation, et condamné les trois SCEA au paiement de sommes à ce titre, entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt en ce qu'il a prononcé la résiliation des contrats de location de matériels consentis par la société Marne et Champagne aux trois SCEA, pour défaut de paiement des loyers, par application des articles 624 et 625 du nouveau Code de procédure civile ; 2° que le fait que la location du matériel ait été définitivement jugée accessoire au bail à ferme emporte nécessairement application à cette location du statut du fermage ; qu'il n'est pas contesté, en l'espèce, que les congés délivrés, le 1er février 1989, n'ont pas respecté les formes imposées par les dispositions d'ordre public du Code rural ; qu'en refusant d'annuler ces congés, l'arrêt attaqué a donc violé les articles L. 411-1, L. 411-47, L. 411-53 et L. 411-54 du Code rural ; 3° que juger que la location des matériels était accessoire au bail à ferme, revenait à juger que la location des matériels suivait le régime du bail à ferme et était, comme le contrat principal, soumise au statut du fermage ; qu'en estimant le contraire, l'arrêt attaqué a également méconnu la portée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 6 juillet 1989, et violé l'article 1351 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que les précédents moyens étant rejetés, le moyen est devenu sans portée en ce qu'il est tiré d'une cassation par voie de conséquence ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant, sans violer l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 6 juillet 1989, dès lors que son objet et sa cause étaient différents, retenu, à bon droit, que le contrat de location de matériel devait être analysé comme un contrat de louage de choses conférant au preneur un droit de jouissance relevant des règles de droit commun et que les actes délivrés aux trois sociétés locataires en vue de la résiliation des contrats de location du matériel n'étaient donc pas soumis aux conditions de forme prévues par le Code rural, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 92-21382
Date de la décision : 01/02/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS - Qualification - Conventions de location de matériels d'exploitation de domaines vinicoles - Conventions distinctes des baux ruraux - Constatations suffisantes .

BAIL RURAL - Bail à ferme - Qualification - Conventions de location de matériels d'exploitation de domaine vinicoles - Conventions distinctes des baux ruraux - Constatations suffisantes

Justifie légalement sa décision de constater l'existence de conventions de location de matériels d'exploitation, distinctes des baux ruraux, la cour d'appel qui relève que la volonté de nover ne se présume pas et que les baux ruraux et les inventaires annexés mentionnaient seulement les terres et les bâtiments et ne faisaient aucune référence au matériel.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 28 octobre 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 fév. 1995, pourvoi n°92-21382, Bull. civ. 1995 III N° 37 p. 24
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 III N° 37 p. 24

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Beauvois .
Avocat général : Avocat général : M. Baechlin.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Peyre.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, M. Barbey.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:92.21382
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