Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par le Crédit lyonnais que sur le pourvoi principal formé par la banque Worms :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 octobre 1991), que la société " Bank of Scotland " a demandé à sa correspondante en France, la banque Worms, de recevoir pour son compte un certain nombre d'actions émises à l'occasion d'une augmentation de capital de la société Data Dattel communication (société Dattel) et de virer, en contrepartie de cette acquisition, la somme de 2 330 550 francs sur le compte de la société Dattel au Crédit lyonnais ; que par suite d'une erreur, l'opération a été exécutée à deux reprises par la banque Worms, une première fois le 7 janvier 1986 et une seconde fois le 9 janvier ; que le 23 mars 1986, la société " Bank of Scotland ", ayant relevé l'erreur commise a demandé à la banque Worms de créditer son compte de la somme correspondante, ce qui a été fait le 30 juillet 1986 ; que la société Dattel a été mise en redressement judiciaire le 28 avril 1986 puis en liquidation judiciaire le 2 juin 1986 ; que le 8 août 1986, elle a fait sommation au liquidateur de lui restituer la somme de 2 330 350 francs ; qu'elle a ensuite assigné tant le liquidateur que le Crédit lyonnais en répétition de l'indu et a déclaré, en ce qui concerne le Crédit lyonnais, fonder également son action sur la responsabilité selon elle encourue par cette banque ; que la cour d'appel a débouté la banque Worms de sa demande dirigée contre le liquidateur et, retenant pour moitié la responsabilité du Crédit lyonnais, l'a condamné à payer à la banque Worms la somme de 1 165 175 francs ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la banque Worms fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré éteinte sa créance en répétition de l'indu contre le liquidateur alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'article 119 du décret du 27 décembre 1985 qu'à compter de la publication au BODACC du jugement prononçant la liquidation judiciaire du débiteur court un nouveau délai de déclaration des créances de 15 jours ; qu'ainsi, en décidant qu'était forclose la banque Worms qui avait effectué sa déclaration de créance le jour de la publication au BODACC du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société Dattel, la cour d'appel a violé par refus d'application le texte susvisé ;
Mais attendu, qu'aux termes de l'article 119, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985, le Tribunal, lorsqu'il prononce la liquidation judiciaire, peut ordonner, dans les limites compatibles avec le délai de forclusion prévu à l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985, l'allongement du délai de déclaration des créances qui court à compter de la publication du jugement de liquidation au BODACC, l'insertion mentionnant, dans ce cas, l'allongement du délai de déclaration des créances ; qu'il s'ensuit qu'à défaut par le Tribunal d'avoir usé de la faculté qui lui est ainsi reconnue, le prononcé du jugement de liquidation judiciaire est sans influence sur le délai de déclaration des créances ;
Attendu qu'ayant relevé que le jugement prononçant le redressement judiciaire de la société Dattel avait été publié au BODACC le 27 mai 1986, que la banque Worms n'avait déclaré sa créance que le 26 juin 1986 soit après l'expiration du délai de 15 jours prévu par l'article 66, alinéa 1er, du décret du 27 décembre 1985 dans sa rédaction applicable en la cause, que le jugement de liquidation judiciaire n'avait pas ordonné l'allongement du délai de déclaration des créances, et que la banque Worms n'avait pas exercé d'action en relevé de forclusion dans le délai d'un an à compter du jugement d'ouverture, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que la créance invoquée à l'encontre de la société Dattel était éteinte ; d'où il suit que le moyen est sans fondement ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
Attendu que la banque Worms reproche encore à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action en répétition de l'indu exercée contre le Crédit lyonnais, alors, selon le pourvoi, que la répétition de l'indu peut être demandée à un créancier de l'accipiens qui a frauduleusement bénéficié du paiement ; qu'ainsi en déduisant le rejet de la demande du défaut de qualité d'accipiens du Crédit lyonnais tout en relevant que celui-ci, en pleine connaissance du caractère indu du paiement réalisé par elle, avait porté au crédit du compte de la société Dattel le montant de ce paiement dans le but de limiter ses pertes inhérentes à un compte déficitaire la cour d'appel a omis de tirer de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient et a violé l'article 1376 du Code civil :
Mais attendu, selon l'arrêt, que le virement litigieux avait pour destinataire la société Dattel, que le Crédit lyonnais n'a agi que comme mandataire de celle-ci en inscrivant à son compte le montant de ce virement, lequel " a amélioré la position du titulaire du compte ", ce dont il résulte que la société Dattel en a été le premier bénéficiaire ; que dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que le Crédit lyonnais n'était pas celui qui avait reçu ce qui ne lui était pas du ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.