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23/11/1994 | FRANCE | N°93-82968

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 novembre 1994, 93-82968


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Alain,
- la société Philip Morris France, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, chambre correctionnelle, du 6 mai 1993, qui, dans les poursuites exercées contre le premier pour publicité illicite en faveur du tabac, l'a condamné à 50 000 francs d'amende, a déclaré la seconde civilement responsable et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1

0 de la loi du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme et de l'art...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Alain,
- la société Philip Morris France, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, chambre correctionnelle, du 6 mai 1993, qui, dans les poursuites exercées contre le premier pour publicité illicite en faveur du tabac, l'a condamné à 50 000 francs d'amende, a déclaré la seconde civilement responsable et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 10 de la loi du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain X... coupable du délit de publicité interdite pour un produit du tabac ;
" aux motifs que, selon un constat d'huissier du 2 mai 1991, il apparaît que, sur un panneau publicitaire implanté avenue de Nevers à Bourges, était apposée une grande affiche publicitaire sur laquelle est indiquée, sur le capot et au dessus du conducteur, la marque Marlboro, affiche établie pour la publicité du circuit de Nevers Magny-Cours, pour le trophée Jean Bernigaud du 27 et 28 avril, championnat de France formule 3 ; que l'affiche se trouvait implantée ailleurs que sur le lieu de la compétition, au moins au 2 mai 1991, hors du temps de celle-ci ; qu'elle portait à deux reprises le nom de la marque Marlboro et les couleurs rouge et blanc pour les emblèmes au logo de Marlboro, à savoir la forme K en horizontal de couleur rouge sur le fond blanc ; que, de principe, l'emblème ou logo K horizontal, rouge sur fond blanc, le nom de Marlboro ne devait pas apparaître sur l'affiche annonçant le championnat de France de formule 3 sur le circuit de Magny-Cours, puisqu'à l'annexe à l'arrêté du 9 mars 1978 portant application de l'article 10, alinéas 3 et 4, de la loi du 9 juillet 1976, constitué d'une liste de manifestations sportives, au paragraphe " sport automobile ", il n'est visé, pour la formule 3, que le championnat d'Europe de Magny-Cours et non le championnat de France ; que la publicité de Marlboro, dont il n'est pas établi que ni lui, ni Philip Morris n'auraient participé au financement du prototype avant la publication de la loi du 9 juillet 1976 qui avait été engagé dans la manifestation sportive automobile énumérée à l'annexe susvisée, est donc illicite (cf. arrêt pp. 4-5) ;
" alors que les dispositions de l'article 10 de la loi du 9 juillet 1976, relatives à la publicité effectuée par un producteur de tabac à l'occasion ou au cours d'une manifestation sportive, sont sans application à la publicité faite par les organisateurs d'une manifestation sportive, dans le but d'annoncer celle-ci, quand bien même cette publicité reproduirait les signes distincts d'un produit du tabac ; qu'en déclarant illicite la publicité litigieuse, la cour d'appel, qui a constaté que l'affiche reproduisant le nom et les emblèmes de la marque Marlboro avait été établie dans le but d'annoncer le championnat de France de formule 3 qui devait avoir lieu le 27 et le 28 avril 1991 sur le circuit de Magny-Cours, a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'Alain X... et la société Philip Morris France, dont il est le président, sont poursuivis, la seconde comme civilement responsable, pour publicité illicite en faveur du tabac, en application des dispositions de l'article 10 de la loi du 9 juillet 1976, alors applicable, à la suite de la diffusion, à l'occasion du championnat de France de " formule 3 ", d'une affiche publicitaire annonçant le déroulement de cette compétition sur le circuit de Nevers Magny-Cours, les 27 et 28 avril 1991 ;
Attendu que, pour déclarer l'infraction constituée, les juges du second degré rappellent que l'article 10 de la loi précitée, qui prohibe le patronage des manifestations sportives par les producteurs, fabricants et commerçants du tabac ou de produits du tabac, interdit de faire apparaître, sous quelque forme que ce soit, à l'occasion de telles manifestations, le nom, la marque, ou l'emblème publicitaire d'un produit du tabac ; qu'ils précisent qu'il n'est dérogé à cette interdiction que pour les manifestations sportives réservées aux véhicules à moteur dont la liste est fixée par un arrêté du 9 mars 1978 ; que les juges, après avoir constaté que la compétition automobile annoncée ne figurait pas sur cette liste, retiennent que la publicité litigieuse, qui représente une voiture de course sur laquelle apparaît, à deux reprises, le nom Marlboro, accompagné de l'emblème rouge et blanc propre à cette marque de cigarettes, est illicite ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
Que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 15 de la loi du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme et de l'article 593 du Code de procédure pénale, violation des règles de la preuve, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain X... coupable de publicité interdite pour un produit du tabac ;
" aux motifs qu'en l'espèce, l'organisateur de la compétition paraît bien être celui qui a payé l'éditeur de l'affiche ; que l'annonce de la compétition, sa date, son lieu de déroulement avec toutes photos attractives de véhicules de compétition eussent suffi pour avertir tous les amateurs, spectateurs d'une telle compétition, si l'organisateur avait agi pour son seul compte ; que la présence des nom et emblème ou logo Marlboro sur l'affiche est à l'avantage, au profit du fabricant de la marque Philip Morris, qui est celui pour le compte duquel, au profit de qui, à l'avantage duquel la publicité a été faite ; que X... est au fait des conséquences de la loi et de ses interdits ; que tout le " marketing " publicitaire de Marlboro est fondé sur la compétition automobile ; que si la société d'exploitation du circuit a accepté le patronage de Philip Morris France, fabriquant et commercialisant Marlboro, non poursuivi, Philip Morris France (et son représentant légal qui détermine la politique publicitaire de la personne morale) est la personne pour le compte de qui la publicité irrégulière a été effectuée (cf. arrêt pp. 6-7) ;
" 1° alors que seul le producteur de tabac qui a commandé la publicité irrégulière peut être regardé comme la personne pour le compte de laquelle a été effectuée la publicité au sens de l'article 15 de la loi du 9 juillet 1986 relative à la lutte contre le tabagisme et peut être poursuivi comme auteur principal ; qu'en déclarant X..., président-directeur général de la société Philip Morris France, coupable du délit de publicité illicite, au seul motif que la société Philip Morris France avait retiré un profit indirect de la publicité dont elle a constaté qu'elle avait été commandée par l'organisateur de la compétition sportive, qui avait payé l'éditeur de l'affiche, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 2° alors que c'est à l'autorité poursuivante qu'il incombe de faire la preuve que le producteur de tabac a commandé la publicité illicite, pour le compte duquel celle-ci a été effectuée au sens de la loi du 9 juillet 1976 ; qu'en énonçant que la production par X... de la société Philip Morris France de la facture adressée par la société chargée de la publicité à l'organisateur de la course au titre de la publicité litigieuse ne permettait pas d'exclure que la publicité ait été effectuée pour le compte de la société Philip Morris France, la cour d'appel a, en outre, inversé la charge de la preuve en violation des textes visés au moyen ;
" 3° alors qu'en se bornant à retenir, pour déclarer X... coupable de l'infraction, que la publicité commandée par l'organisateur de la compétition sportive avait profité à la société Philip Morris, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que X... avait commandé la publicité en cause, ni que cette publicité avait été faite avec son accord et qu'il l'avait acceptée, ni même qu'il en ait eu connaissance, n'a pas caractérisé l'élément moral du délit, violant ainsi, en tout état de cause, les textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 5 de la loi du 10 janvier 1991, portant abrogation de l'article 15 de la loi du 9 juillet 1976 ;
Attendu, d'une part, que, sauf lorsque la loi en dispose autrement, nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ;
Attendu, d'autre part, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, qui, poursuivi comme auteur principal, affirmait, au soutien de sa relaxe, n'avoir pas participé matériellement à l'infraction, la cour d'appel relève que la société qu'il préside, en ce qu'elle assure la promotion publicitaire des cigarettes Marlboro, qu'elle axe essentiellement sur la compétition automobile, a tiré profit de la représentation des nom et emblème de cette marque sur l'affiche litigieuse ; qu'elle en conclut que, bien que cette affiche ait été commandée et payée par l'organisateur de la manifestation sportive à l'occasion de laquelle elle a été diffusée, la société Philip Morris France constitue " la personne pour le compte de qui la publicité irrégulière a été effectuée ", au sens de l'article 15 de la loi du 9 juillet 1976 ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, par suite de l'abrogation de l'article 15 de la loi précitée, la responsabilité pénale du prévenu ne pouvait être recherchée qu'à raison de son fait personnel, dans les conditions du droit commun, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes et principes susénoncés ;
Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 6 mai 1993, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-82968
Date de la décision : 23/11/1994
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° SANTE PUBLIQUE - Tabagisme - Lutte contre le tabagisme - Manifestation sportive - Interdiction de faire apparaître le nom - la marque ou l'emblème publicitaire d'un produit du tabac - Domaine d'application.

1° L'article 10 de la loi du 9 juillet 1976, qui prohibe le patronage des manifestations sportives par les producteurs, fabricants et commerçants du tabac, interdit de faire apparaître, sous quelque forme que ce soit, à l'occasion de telles manifestations, le nom, la marque ou l'emblème publicitaire d'un produit du tabac. Dès lors, est illicite, au regard de ce texte, la publicité annonçant le déroulement d'une compétition automobile, sur laquelle figure le nom et l'emblème d'une marque de cigarettes.

2° SANTE PUBLIQUE - Tabagisme - Lutte contre le tabagisme - Manifestation sportive - Interdiction de faire apparaître le nom - la marque ou l'emblème publicitaire d'un produit du tabac - Exceptions - Compétition automobile - Liste fixée par arrêté du 9 mars 1978.

2° Il est dérogé aux prescriptions de l'article 10 de la loi du 9 juillet 1976, prohibant le patronage sportif par les producteurs, fabricants et commerçants du tabac, pour les manifestations sportives réservées aux véhicules à moteur dont la liste est fixée par un arrêté du 9 mars 1978 ; cette liste est limitative.

3° SANTE PUBLIQUE - Tabagisme - Lutte contre le tabagisme - Manifestation sportive - Interdiction de faire apparaître le nom - la marque ou l'emblème publicitaire d'un produit du tabac - Responsabilité pénale - Distributeur du produit - Abrogation de l'article 15 de la loi du 9 juillet 1976 - Effet - Instance en cours.

3° Par suite de l'abrogation de l'article 15 de la loi du 9 juillet 1976, le distributeur français de cigarettes, objet d'une propagande ou d'une publicité irrégulière ou d'un acte interdit, ne saurait être déclaré pénalement responsable qu'à raison de son fait personnel, dans les conditions du droit commun. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, tout en constatant que la publicité illicite a été commandée et payée par un tiers, entre en voie de condamnation à l'encontre du dirigeant d'une société de distribution de tabac, en raison du profit que celle-ci a pu tirer de l'infraction(1).


Références :

2° :
3° :
Loi 76-616 du 09 juillet 1976 art. 10
Loi 76-616 du 19 juillet 1976 art. 15
Loi 91-32 du 10 janvier 1991 art. 5

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (chambre correctionnelle), 06 mai 1993

CONFER : (3°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1994-01-19, Bulletin criminel 1994, n° 30, p. 55 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1994-01-19, Bulletin criminel 1994, n° 31, p. 59 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 nov. 1994, pourvoi n°93-82968, Bull. crim. criminel 1994 N° 376 p. 919
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 376 p. 919

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Souppe, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Libouban.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Verdun.
Avocat(s) : Avocats : MM. Guinard, Cossa.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:93.82968
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