Attendu que M. X..., engagé le 23 février 1954, en qualité d'agent hautement qualifié de fabrication, par la société Usines de Navarre, a été plusieurs fois en arrêt de maladie et, en dernier lieu, à compter du 24 septembre 1985 ; que, le 12 juillet 1988, la caisse primaire d'assurance maladie lui a notifié son classement en invalidité deuxième catégorie avec effet au 23 septembre 1988 ; que l'employeur a pris acte de la rupture du contrat de travail avec effet au 26 septembre 1988 ;
Sur les premier et deuxième moyens réunis :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon les moyens, que la cour d'appel n'a pas motivé sa décision sur son refus d'application des articles L. 122-32-2 à L. 122-32-5 du Code du travail et de l'article 30 de la convention collective de la métallurgie de l'Eure, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que la cour d'appel aurait dû retenir un lien existant entre la maladie professionnelle du salarié et les motifs de sa mise en invalidité ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur la décision de la caisse primaire d'assurance maladie pour écarter les dispositions des articles L. 122-32-1 et L. 122-32-5 du Code du travail, car cette décision succincte et imprécise n'analyse pas les motifs de la mise en invalidité et que les arrêts de maladie successifs du salarié sont en relation avec sa maladie professionnelle ; qu'il appartient à l'employeur de justifier, soit que le salarié n'est pas en maladie professionnelle au moment du licenciement, soit d'une faute grave de l'intéressé ou de l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie ;
Mais attendu que, par une décision motivée, la cour d'appel, procédant à une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu qu'il n'était pas établi que le classement en invalidité deuxième catégorie du salarié et l'arrêt de travail qui l'a précédé résultaient de la maladie professionnelle dont était atteint le salarié ; que, dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté l'application des règles légales et conventionnelles relatives aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le troisième moyen, en ce qui concerne l'indemnité de préavis :
Vu l'article 30, alinéa 4, de la convention collective de la métallurgie de l'Eure ;
Attendu qu'en application de ce texte, les absences résultant de la maladie ou d'accident, y compris les accidents du travail, ne constituent pas une rupture du contrat de travail, et que l'employeur qui aura pris acte de la rupture du contrat par force majeure pour nécessité de remplacement, devra verser au salarié une indemnité égale à celle qu'il aurait perçue s'il avait été licencié sans que le délai de préavis ait été observé ;
Attendu que, pour rejeter la demande du salarié en paiement d'une indemnité de préavis, la cour d'appel énonce que l'intéressé, placé en invalidité deuxième catégorie, était incapable d'exercer une profession quelconque et ne pouvait bénéficier des dispositions de la convention collective dès lors qu'il n'était pas temporairement malade, mais définitivement hors d'état de travailler ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la rupture avait été prononcée en raison de l'inaptitude physique du salarié ayant pour cause la maladie, ce dont il découlait que l'intéressé avait droit à l'indemnité prévue à l'article 30, alinéa 4, de la convention collective applicable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen, en ce qui concerne l'indemnité de licenciement :
Vu l'article L. 122-9 du Code du travail ;
Attendu que la cour d'appel, pour rejeter la demande du salarié en paiement d'une indemnité de licenciement, énonce que le salarié n'était pas temporairement malade, mais définitivement hors d'état de travailler, et que, pour ce motif et non la nécessité de pourvoir à son remplacement, l'employeur a pris acte de la rupture ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la résiliation par l'employeur du contrat de travail du salarié atteint d'une invalidité lui interdisant toute activité s'analyse en un licenciement qui ouvre droit à l'indemnité légale de licenciement ou, si elle est plus favorable et si la convention collective ne l'exclut pas, à l'indemnité conventionnelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions rejetant la demande du salarié en paiement d'indemnités de préavis et de licenciement, l'arrêt rendu le 10 janvier 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.