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22/11/1994 | FRANCE | N°93-10150

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 novembre 1994, 93-10150


Attendu, selon les énonciations de l'ordonnance attaquée (premier président de la cour d'appel de Paris, 6 novembre 1992), que le 20 juin 1988 Mme Simone Achalme, usufruitière d'un immeuble évalué à 50 millions de francs, et ses trois enfants, Mme X..., Mme Pinchart et M. Achalme, nus-propriétaires, ont consenti à M. Alaoui une promesse de vente comportant le versement par celui-ci d'une indemnité d'immobilisation de 4 400 000 francs, avec la garantie du Comptoir des entrepreneurs ; que, l'option n'ayant pas été levée en temps utile, les consorts Achalme ont donné mandat à M. Ba

duel, avocat, de réclamer à M. Alaoui et à la caution l'indemn...

Attendu, selon les énonciations de l'ordonnance attaquée (premier président de la cour d'appel de Paris, 6 novembre 1992), que le 20 juin 1988 Mme Simone Achalme, usufruitière d'un immeuble évalué à 50 millions de francs, et ses trois enfants, Mme X..., Mme Pinchart et M. Achalme, nus-propriétaires, ont consenti à M. Alaoui une promesse de vente comportant le versement par celui-ci d'une indemnité d'immobilisation de 4 400 000 francs, avec la garantie du Comptoir des entrepreneurs ; que, l'option n'ayant pas été levée en temps utile, les consorts Achalme ont donné mandat à M. Baduel, avocat, de réclamer à M. Alaoui et à la caution l'indemnité d'immobilisation ; qu'un jugement du 1er décembre 1989 a accueilli leur demande ; qu'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 mai 1990, réformant, a condamné M. Alaoui à payer cette indemnité, mais a débouté les consorts Achalme de leur action dirigée contre le Comptoir des entrepreneurs ; que, par décision du juge des tutelles du 25 avril 1990, Mme X... avait été placée sous le régime de la curatelle ; que M. Baduel, après avoir encore occupé pour les consorts Achalme dans une procédure de saisie d'un immeuble de leur débiteur, a soumis à leur signature un projet de convention fixant ses honoraires en fonction du montant de la condamnation prononcée ; que, sur intervention du bâtonnier, ce projet a été modifié, et que les parties, Mme X... étant assistée de son curateur, ont signé une convention fixant à 960 000 francs les honoraires de l'avocat ; que cette convention a été entérinée par le bâtonnier, qui a en outre décidé que les consorts Achalme devraient les intérêts de cette somme à compter du 6 février 1991, ainsi qu'une somme de 200 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que, sur le recours exercé par Mme X... et le nouveau curateur qui lui avait été désigné, M. Y..., le premier président a confirmé la décision du bâtonnier en ce qu'elle avait fixé le montant des honoraires et, l'infirmant pour le surplus, a dit n'y avoir lieu à paiement d'intérêts ni à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... et M. Y..., ès qualités, reprochent au premier président d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que la décision d'une nature singulière rendue par le bâtonnier saisi d'une contestation d'honoraires n'a pas de caractère juridictionnel, en sorte que le recours formé devant le premier président donne plénitude de juridiction à ce dernier qui ne peut légalement ni confirmer ni infirmer en tout ou en partie la décision du bâtonnier, ne pouvant que rejeter le recours, en donnant au besoin force exécutoire à ladite décision, ou l'accueillir en tout ou en partie, ce qui entraînera nécessairement une annulation pour le tout, obligeant le premier président à se prononcer sur le bien-fondé du recours en tous ses aspects ; qu'en procédant différemment et en croyant pouvoir confirmer pour partie et infirmer pour partie la décision du bâtonnier, le premier président a violé les articles 12 du nouveau Code de procédure civile, 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ainsi que les principes qui gouvernent l'acte juridictionnel ;

Mais attendu qu'en confirmant pour partie la décision qui lui était déférée et en l'infirmant pour le surplus, le premier président n'a fait qu'user, dans leur plénitude, des pouvoirs juridictionnels qui lui sont conférés par le décret précité, sans méconnaître aucun des textes ou principes dont la violation est alléguée ; d'où il suit que le moyen est sans fondement ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir statué comme elle a fait alors, selon le moyen, d'une part, que, sauf renonciation expresse ou transaction non équivoque, une convention d'honoraires peut toujours, quel que soit le moment de sa signature, être déférée au bâtonnier et, sur recours, au premier président, et ce, pour voir arbitrer, eu égard aux règles et principes qui gouvernent la matière, des honoraires jugés excessifs par le client, spécialement lorsqu'il s'agit d'honoraires considérables et réclamés à un majeur sous curatelle ; qu'en décidant le contraire, le premier président a violé les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 et omis d'user des pouvoirs que lui confère la loi ; et alors, d'autre part, que Mme X... et son curateur insistaient dans leurs écritures sur le fait que la convention, rédigée de manière anormale, avait été signée par des personnes mal informées des honoraires habituellement pratiqués pour ce type de contentieux, ce qui était de nature à caractériser l'erreur ou du moins la confusion du signataire en curatelle ; que cette donnée était de nature à conférer au premier président le pouvoir d'appréciation et éventuellement de modération qu'il tire des articles 174 et suivants du décret précité ; qu'en refusant d'user desdits pouvoirs au motif lapidaire que la convention avait été signée en toute connaissance de cause, sans s'expliquer davantage, alors que, si l'avocat avait effectivement obtenu des décisions du tribunal et de la cour d'appel, on ne savait pas ce qu'il en était de leur exécution, le premier président a derechef violé les mêmes textes et méconnu son office ;

Mais attendu que, sauf si elle est affectée d'une cause de nullité dont il appartient à celui qui l'invoque de rapporter la preuve, la convention d'honoraires soumise par l'avocat à son client et acceptée par celui-ci fait la loi des parties ; que l'ordonnance attaquée énonce que le curateur de Mme X... avait pris soin de solliciter l'avis du bâtonnier lorsque M. Baduel avait soumis aux consorts Achalme un premier projet prévoyant des honoraires proportionnels au montant du litige ; qu'elle ajoute que les intéressés, compte tenu de la réponse selon laquelle ce mode de calcul ne pouvait être admis, la fixation des honoraires devant correspondre aux diligences de l'avocat et à l'efficacité de ses interventions, ont signé en toute connaissance de cause la seconde convention dont les termes ne comportent pas les caractères d'un pacte " de quota litis " ; qu'elle en déduit que cette seconde convention ne peut qu'être appliquée sans qu'il soit nécessaire de l'interpréter dès lors que ses clauses ne présentent aucune ambiguïté quant à l'intention des parties et à la clarté de leurs engagements réciproques ; qu'en l'état de ces motifs, qui répondent aux conclusions selon lesquelles le consentement de Mme X... aurait été surpris, le premier président, qui n'a pas méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être davantage accueilli que le précédent ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 93-10150
Date de la décision : 22/11/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° AVOCAT - Honoraires - Montant - Contestation - Modification de la décision du bâtonnier - Pouvoirs juridictionnels du premier président.

1° En confirmant pour partie une décision d'un bâtonnier rendue en matière de contestation d'honoraires, et en l'infirmant pour le surplus, le premier président n'a fait qu'user dans leur plénitude, des pouvoirs juridictionnels qui lui sont conférés par le décret du 27 novembre 1991.

2° AVOCAT - Honoraires - Montant - Fixation - Accord des parties - Force obligatoire - Exception - Nullité de la convention - Preuve - Charge.

2° PREUVE (règles générales) - Charge - Applications diverses - Avocat - Honoraires - Accord des parties - Nullité - Preuve.

2° Sauf si elle est affectée d'une cause de nullité dont il appartient à celui qui l'invoque de rapporter la preuve, la convention d'honoraires soumise par l'avocat à son client et acceptée par celui-ci fait la loi des parties.


Références :

1° :
Décret 91-1197 du 27 novembre 1991

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 novembre 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 nov. 1994, pourvoi n°93-10150, Bull. civ. 1994 I N° 338 p. 243
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 I N° 338 p. 243

Composition du Tribunal
Président : Président : M. de Bouillane de Lacoste.
Avocat général : Avocat général : Mme Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Bouillane de Lacoste.
Avocat(s) : Avocats : MM. Blondel, Boullez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:93.10150
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