La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/1994 | FRANCE | N°93-83967

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 octobre 1994, 93-83967


REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Marie,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, chambre correctionnelle, en date du 18 mai 1993 qui, pour homicide involontaire et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 319 du Code pénal, de l'article 11 g du décret du 10 juillet 1913 portant règlement d'administration publique pour l'

exécution des dispositions du livre II du Code du travail, violation des art...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Marie,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, chambre correctionnelle, en date du 18 mai 1993 qui, pour homicide involontaire et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 319 du Code pénal, de l'article 11 g du décret du 10 juillet 1913 portant règlement d'administration publique pour l'exécution des dispositions du livre II du Code du travail, violation des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :
" aux motifs adoptés des premiers juges que le 11 décembre 1990, Guy Y..., la victime, avait été affecté seul sur le site de la résidence de la Vallée de l'Helpe, immeuble d'habitation de 10 étages comportant 4 entrées principales ; que son intervention consistait à remplacer à chaque étage le temps d'appel de l'ascenseur par un bouton d'appel dit "antivandale" ; que ce travail devait se faire principalement à l'intérieur de la gaine de circulation de la cabine ; que, pour pouvoir accéder à l'intérieur de cette gaine, la victime avait dû ouvrir les portes palières à l'aide d'une clé spéciale ; que pour l'intervention sur les boutons d'appel situés du premier jusqu'au dernier étage, Guy Y... avait dû monter sur le toit de la cabine ; que cependant, en raison du fond de cuvette de la gaine d'ascenseur qui empêchait la cabine de descendre au-dessous du rez-de-chaussée, Guy Y... avait dû intervenir sur le bouton du rez-de-chaussée, cependant que la cabine était nécessairement située au-dessus de lui ; qu'il avait ouvert la porte palière du rez-de-chaussée après avoir fait tomber la cabine entre le rez-de-chaussée et le premier étage à une hauteur peu élevée afin de pouvoir brancher sa baladeuse sur la prise électrique située sur le plancher de la cabine ; qu'il y a lieu de relever que la prise électrique était alimentée par un circuit indépendant des trois sectionneurs électriques situés au rez-de-chaussée sur la cabine d'ascenseur et au 9e étage ; qu'une fois glissé dans la gaine de l'ascenseur sous la cabine et à la hauteur du rez-de-chaussée, Guy Y... avait certainement neutralisé le pêne de sécurité qui maintenait la porte palière ouverte ; qu'en effet, en position normale d'ouverture, la porte palière interdisait l'accès au bouton d'appel côté gaine d'ascenseur ; qu'ainsi, Guy Y... après avoir neutralisé le pêne de sécurité, s'était hissé à hauteur du bouton d'appel à l'intérieur de la gaine d'ascenseur et avait maintenu la porte palière à moitié ouverte en la bloquant soit avec un pied soit avec un tournevis ; que la porte palière s'était soudainement refermée, probablement par un glissement soit du pied soit du tournevis entraînant le mouvement de la cabine dont un appel avait certainement été préenregistré avant l'intervention de Guy Y... qui, surpris, s'était retrouvé coincé entre le mur de la gaine et le plancher de la cabine dont la pression inexorable entraînait sa mort ; qu'il est reproché au prévenu d'avoir enfreint les dispositions réglementaires prévues à l'article 11 g du décret du 10 juillet 1913 qui faisaient obligation au chef d'entreprise de prévoir la présence d'un surveillant qualifié chargé d'assurer la sécurité de Guy Y... dès lors que celui-ci pour les besoins de son intervention avait dû neutraliser le système de sécurité, en l'espèce un pêne de sécurité ; qu'en vain, le prévenu fait plaider sa relaxe au motif principal que le décret du 10 juillet 1913 ne s'appliquerait qu'aux ascenseurs placés dans les locaux professionnels des employeurs assujettis aux dispositions du Code du travail et non pas aux locaux d'habitation qui relèveraient d'autres textes non visés par la citation ; que les dispositions légales et réglementaires du Code du travail en matière d'hygiène et de sécurité s'appliquent non seulement aux locaux où l'activité professionnelle de l'employeur s'exerce habituellement, mais aussi, à tous chantiers extérieurs sur lesquels les préposés de l'employeur interviennent sur les instructions de celui-ci ; que le moyen subsidiaire par lequel le prévenu fait plaider sa relaxe au motif que l'accident mortel trouvait sa cause dans l'omission par la victime de couper l'alimentation électrique au cours de son intervention cependant qu'elle avait reçu la formation nécessaire à ce sujet mais qu'à partir du moment où Guy Y..., pour pouvoir travailler à l'intérieur de la gaine d'ascenseur devait neutraliser le pêne qui empêchait la fermeture de la porte palière, la présence d'un surveillant qualifié à ses côtés, et placé à l'intérieur de la gaine, s'imposait car celui-ci aurait pu lui-même maintenir cette porte palière à moitié ouverte, ce qui aurait permis à Guy Y... de pouvoir travailler en toute sécurité, et qu'ensuite ce surveillant qualifié, s'il ne l'avait fait lui-même aurait imposé à Guy Y... de couper l'électricité ; qu'à ce sujet, en raison de la présentation du sectionneur situé sur la cabine, il a été constaté qu'il était difficile de connaître la position du courant, au motif propre des juges du second degré qu'il y a doute sur le point de savoir si Guy Y... avait coupé l'électricité ;
" et aux motifs adoptés des premiers juges que la présence du surveillant qualifié était nécessaire pour éviter tout risque de remise en service de la cabine, mais aussi pour éviter d'autres risques, comme le fait pour Guy Y... de se retrouver enfermé seul dans la gaine d'ascenseur suite à la fermeture de la porte palière ; qu'ainsi, même si l'électricité était coupée, Guy Y... courait d'autres risques du fait de la neutralisation du pêne de sécurité ; que l'employeur qui ne pouvait ignorer que Guy Y... travaillait après neutralisation du pêne de sécurité a donc laissé Guy Y... courir divers risques dont un s'est réalisé ; qu'au demeurant, la faute de la victime qui n'a pas coupé le courant n'est pas la cause exclusive de l'accident ;
" alors, d'une part, qu'il résulte de l'article 11 du décret du 10 juillet 1913 que les appareils élévateurs dont la cabine ou la plate-forme se déplacent entre des glissières ou guides verticaux seront installés ou aménagés de manière que les travailleurs ne soient pas exposés à tomber dans le vide, à être heurtés par un objet fixe ou en cas de chute d'un objet, à être atteints par celui-ci ; que de telles dispositions prises pour l'application du titre II du Code du travail, ne visent que les élévateurs situés dans des établissements industriels et commerciaux et leurs dépendances, seuls soumis aux dispositions du livre II du Code du travail ; qu'il en est d'autant plus ainsi qu'il n'incombe pas aux sociétés intervenant pour l'entretien d'un élévateur, d'installer sur celui-ci les dispositifs imposés par le décret du 10 juillet 1913 ;
" alors, d'autre part, que la présence d'un surveillant qualifié n'est imposée que lorsque les travaux d'entretien ou de réparation nécessitent la neutralisation des dispositifs de sécurité visés aux articles 11, 11 a et 11 b du décret ; que, l'article 11 vise l'aménagement des élévateurs, de manière à ce que les travailleurs ne soient pas exposés à tomber dans le vide et à être heurtés par un objet fixe ou non, notamment au cas de chute de celui-ci ; que, l'article 11 a visé les dispositifs destinés à éviter que les portes puissent s'ouvrir tant que l'appareil n'occupe pas une position telle que les accidents envisagés soient évités ; que l'article 11 b vise les installations ne comportant pas de porte ou des portes d'un type spécial ; qu'il résulte de l'arrêt que Guy Y... n'intervenait pas sur des dispositifs visés aux articles 11, 11 a, 11 b du décret du 10 juillet 1913, mais pour installer des boutons "antivandales" " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et du procès-verbal de l'inspecteur du Travail, base de la poursuite, qu'alors qu'il effectuait des travaux d'entretien à l'intérieur de la cage de l'ascenseur d'un immeuble, un salarié de l'entreprise Otis a été écrasé par la cabine ;
Attendu qu'ayant constaté que l'ouvrier était seul pour effectuer un travail nécessitant la neutralisation d'un dispositif de sécurité, à savoir l'ouverture de la porte palière alors que la cabine de l'ascenseur n'était pas au niveau de cette porte, l'inspecteur du Travail a relevé, à l'encontre du chef d'entreprise, une infraction à l'article 11 g du décret du 10 juillet 1913 modifié, portant règlement d'administration publique pour l'exécution des dispositions du livre II du Code du travail, article aux termes duquel " lorsque des travaux d'entretien ou de réparation nécessitent la neutralisation des dispositifs de sécurité visés aux articles 11 a et 11 b, ces travaux seront effectués en présence d'un surveillant qualifié qui est chargé d'assurer la sécurité " ;
Attendu que Jean-Marie X..., employeur, a été poursuivi de ce chef ainsi que pour homicide involontaire ; qu'il a soutenu que le décret du 10 juillet 1913 ne s'appliquait pas aux ascenseurs situés dans des locaux autres que ceux de l'entreprise et qu'en tout état de cause les travaux à effectuer ne nécessitaient pas la neutralisation des dispositifs de sécurité ;
Attendu que, pour réfuter cette argumentation et retenir la culpabilité du prévenu, la cour d'appel, adoptant les motifs des premiers juges, retient que les dispositions légales et réglementaires du Code du travail en matière de sécurité s'appliquent " non seulement aux locaux où l'activité professionnelle de l'employeur s'exerce habituellement mais aussi à tous chantiers extérieurs sur lesquels les préposés de l'employeur interviennent sur instructions de celui-ci " et que, dès lors que la victime, pour pouvoir travailler, " devait neutraliser le pêne qui empêchait la fermeture de la porte palière, la présence d'un surveillant qualifié, placé à l'extérieur, s'imposait " ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges ont fait l'exacte application de la loi ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-83967
Date de la décision : 11/10/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Travaux effectués par une entreprise sur un appareil élévateur extérieur à l'entreprise - Décret du 10 juillet 1913 - Domaine d'application.

Les dispositions légales ou réglementaires du Code du travail prises pour la sécurité des travailleurs s'appliquent non seulement aux locaux où s'exerce habituellement l'activité professionnelle de l'employeur mais aussi à tous les chantiers extérieurs sur lesquels les préposés de l'employeur interviennent sur instructions de celui-ci.


Références :

Décret du 10 juillet 1913 art. 11 al. 9

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai (chambre correctionnelle), 18 mai 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 oct. 1994, pourvoi n°93-83967, Bull. crim. criminel 1994 N° 325 p. 793
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 325 p. 793

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Libouban.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Batut.
Avocat(s) : Avocats : MM. Ryziger, Capron.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:93.83967
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award