Attendu que M. X... a été engagé le 3 novembre 1980, en qualité de conditionneur spécialisé, par la société Omnium scientifique et industriel de France (OSI) ; qu'il avait la qualité de délégué du personnel ; que lui reprochant des fautes, qualifiées de lourdes, qui auraient été commises au cours d'une grève du 24 au 27 novembre 1987, la société a mis à pied M. X... le 1er décembre 1987 et a entamé contre lui une procédure de licenciement ; qu'après un refus de l'inspecteur du Travail, l'autorisation de licenciement a été accordée, sur recours hiérarchique, par le ministre du Travail le 8 juillet 1988 ; que, par lettre du 21 juillet 1988, le salarié, s'appuyant sur les dispositions de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988, a demandé à son employeur de procéder à la levée des sanctions prises ou à prendre ; que, néanmoins, par lettre du 26 juillet 1988, la société a notifié à l'intéressé son licenciement pour faute lourde ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale à l'effet de voir constater la nullité de son licenciement et pour voir ordonner sa réintégration dans son emploi ; que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a constaté la nullité du licenciement et refusé d'ordonner la poursuite du contrat de travail ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, du pourvoi incident formé par la société OSI :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir constaté la nullité du licenciement alors que, selon la seconde branche du moyen, la cour d'appel relève que le licenciement était aussi fondé sur des faits non amnistiés survenus postérieurement au 22 mai 1988 ; qu'en se bornant, dès lors, pour annuler le licenciement, à affirmer que ces faits n'étaient pas suffisants pour justifier à eux seuls la qualification de faute lourde, sans préciser la nature de ces faits, ni rechercher si ceux-ci étaient intervenus en dehors de l'exercice du droit de grève et permettaient ainsi le licenciement sans qu'il soit justifié d'une faute lourde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du Code du travail ;
Mais attendu que le licenciement d'un salarié protégé ne peut être prononcé que pour les faits qui ont motivé l'autorisation administrative de licenciement ; que l'employeur ne pouvait, dès lors, pas invoquer dans sa lettre de licenciement des faits postérieurs au 22 mai 1988 et qui n'avaient pas été retenus à l'appui de la décision ministérielle du 8 juillet 1988 ; que le grief invoqué n'est pas fondé ;
Mais sur le pourvoi principal :
Sur le moyen relevé d'office après que les parties aient été invitées à présenter leurs observations :
Vu l'article L. 521-1 du Code du travail ;
Attendu que la cour d'appel, après avoir constaté que les faits reprochés au salarié étaient antérieurs au 22 mai 1988, qu'ils n'entraient pas dans le cadre de ceux exceptés du bénéfice de l'amnistie par l'alinéa 3 de l'article 14 de la loi du 20 juillet 1988, qu'ils étaient donc amnistiés et ne pouvaient servir de fondement au licenciement prononcé le 26 juillet 1988, a refusé d'ordonner la réintégration du salarié au motif qu'on ne pouvait contraindre l'une des parties à exécuter le contrat de travail contre son gré ;
Attendu, cependant, que tout licenciement prononcé contre un salarié gréviste, auquel une faute lourde ne peut être imputée, est nul de plein droit ; que l'intéressé est en droit d'obtenir que soit ordonnée la poursuite du contrat de travail qui n'a pas été valablement rompu ;
Qu'en statuant, comme elle l'a fait, alors qu'elle a relevé que les faits imputés à M. X... s'étaient produits au cours d'une grève et qu'ils avaient été amnistiés par l'article 14 de la loi du 20 juillet 1988 avant le prononcé du licenciement, auquel ils ne pouvaient plus servir de fondement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi principal formé par M. X... et sur la première branche du moyen unique du pourvoi incident de la société OSI :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 décembre 1990, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.