Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société BP France (société BP), propriétaire d'un fonds de commerce de station-service, a donné à la société Schneider l'exploitation de ce fonds sous forme de location-gérance en ce qui concerne la vente de lubrifiants et d'articles divers, et en qualité de mandataire pour la distribution des produits énergétiques ; qu'ultérieurement, la société Schneider a assigné la société BP en indemnisation des pertes essuyées à l'occasion de la gestion du mandat et en paiement de dommages-intérêts pour rupture du contrat ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que si les juges apprécient souverainement la commune intention des parties de déroger aux dispositions de l'article 2000 du Code civil, ils ne peuvent rechercher cette intention en méconnaissant les termes clairs et précis de la convention ;
Attendu que, pour dire que la société BP et la société Schneider ont dérogé aux dispositions supplétives édictées par l'article 2000 du Code civil et, par voie d'infirmation du jugement entrepris, rejeter la demande de la société Schneider en indemnisation de ses pertes, l'arrêt retient que les deux parties ont stipulé " le paiement d'une commission à caractère forfaitaire pour rémunérer le mandataire de ses peines et soins et pour couvrir toutes les charges supportées par lui en exécution du mandat " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la stipulation d'une commission forfaitaire sur la vente des produits énergétiques ne peut avoir pour objet de couvrir les pertes d'exploitation subies par le mandataire, dès lors qu'elle prévoit que celui-ci perçoit une commission forfaitaire au titre de ses " peines et soins " ainsi que de ses " charges ", sans prévoir qu'elle englobe les pertes essuyées à l'occasion de la gestion du mandat, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 2000 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande en indemnisation de ses pertes présentée par la société Schneider, l'arrêt se borne à retenir que celle-ci ne démontre pas la réalité des pertes qu'elle allègue, ces pertes étant " la résultante d'un excédent de charges par rapport aux recettes " ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les conditions de la vente des produits énergétiques étaient fixées par la société mandante, de telle sorte que le mandataire n'était maître ni des charges de l'exploitation, ni des recettes de celle-ci, et alors que, dans cette hypothèse, le mandataire, sauf le cas où une imprudence lui serait imputable, doit sortir indemne de sa gestion, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 624 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société Schneider en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de mandat, l'arrêt retient que cette demande est " fondée sur la non-indemnisation par la société BP des pertes dont il vient d'être démontré " qu'elles ne sont ni établies ni indemnisables ;
Attendu que l'arrêt ayant ainsi retenu le caractère indivisible des deux demandes présentées par la société Schneider, l'une en indemnisation de ses pertes, l'autre en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de mandat, la cassation de l'arrêt sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, celle sur le second moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.