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15/06/1994 | FRANCE | N°92-16471

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 juin 1994, 92-16471


Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que les consorts de X..., héritiers d'Hélène de X..., font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 1992) d'avoir rejeté leur demande tendant à la suppression, dans un livre écrit par Jean-Jacques Y..., intitulé " passions ", de divers passages portant, selon eux, atteinte à la mémoire de leur mère ; qu'il est d'abord reproché à la cour d'appel d'avoir refusé de reconnaître la faute de l'auteur par violation du devoir d'objectivité qui incombe à l'historien, dès lors qu'il présentait comme vérité hi

storique ses opinions personnelles sur l'attitude, décrite comme complaisante...

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que les consorts de X..., héritiers d'Hélène de X..., font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 1992) d'avoir rejeté leur demande tendant à la suppression, dans un livre écrit par Jean-Jacques Y..., intitulé " passions ", de divers passages portant, selon eux, atteinte à la mémoire de leur mère ; qu'il est d'abord reproché à la cour d'appel d'avoir refusé de reconnaître la faute de l'auteur par violation du devoir d'objectivité qui incombe à l'historien, dès lors qu'il présentait comme vérité historique ses opinions personnelles sur l'attitude, décrite comme complaisante, d'Hélène de X... à l'égard des nazis en 1940, alors que, dans leurs conclusions, ils invoquaient des opinions contraires d'historiens, dont l'auteur a omis de faire état ; qu'il est encore fait grief aux juges d'appel d'avoir dénaturé le texte litigieux en jugeant qu'il ne décrivait pas Hélène de X... comme une espionne au service des nazis, alors que l'ouvrage mentionne les convictions de ce personnage, non dissimulées, et " qu'elle confronte régulièrement avec celles de son "grand ami" le maréchal Pétain " ;

Mais attendu qu'indépendamment des dispositions spéciales concernant la presse et l'édition, et eu égard au droit du public à l'information, l'auteur d'une oeuvre relatant des faits historiques engage sa responsabilité à l'égard des personnes concernées lorsque la présentation des thèses soutenues manifeste, par dénaturation, falsification ou négligence grave, un mépris flagrant pour la recherche de la vérité ; que, faisant une exacte application de ces principes, la cour d'appel a, sans dénaturation, retenu que Jean-Jacques Y... s'était borné à faire état, après d'autres, des opinions d'Hélène de X..., sans la présenter comme une espionne au service d'une puissance étrangère et que l'auteur n'avait pas agi avec inconséquence ou légèreté ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision et que les deux premières branches du moyen ne sont pas fondées ;

Mais sur la troisième branche du même moyen :

Vu l'article 1356 du Code civil ;

Attendu qu'aux termes de ce texte l'aveu judiciaire ne peut être révoqué à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait ;

Attendu qu'à la demande du conseil de Jean-Jacques Y..., le Tribunal lui a donné acte que l'épisode de son ouvrage relatif aux circonstances du décès d'Hélène de X..., décrit comme ayant été provoqué par la chute d'une valise remplie de lingots d'or, était le fruit d'une erreur dont l'auteur s'excusait ;

Attendu qu'en infirmant le jugement, sans avoir égard à cet aveu judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a infirmé la disposition du jugement donnant acte à Jean-Jacques Y... de l'aveu d'une erreur contenue dans un passage de son ouvrage, l'arrêt rendu le 19 mai 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 92-16471
Date de la décision : 15/06/1994
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Oeuvre littéraire - Oeuvre relatant des faits historiques - Dénaturation, falsification ou négligence grave - Mépris pour la recherche de la vérité - Responsabilité de l'auteur .

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Auteur - Oeuvre relatant des faits historiques - Dénaturation, falsification ou négligence grave - Mépris pour la recherche de la vérité

PRESSE - Livre - Oeuvre relatant des faits historiques - Dénaturation, falsification ou négligence grave - Mépris pour la recherche de la vérité - Responsabilité de l'auteur

Indépendamment des dispositions spéciales concernant la presse et l'édition et eu égard au droit du public à l'information, l'auteur d'une oeuvre relatant des faits historiques engage sa responsabilité à l'égard des personnes concernées lorsque la présentation des thèses soutenues manifeste, par dénaturation, falsification ou négligence grave, un mépris flagrant pour la recherche de la vérité.


Références :

Code civil 1356

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 mai 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 jui. 1994, pourvoi n°92-16471, Bull. civ. 1994 I N° 218 p. 159
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 I N° 218 p. 159

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Lesec.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Ancel.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.16471
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