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15/06/1994 | FRANCE | N°92-15174

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 juin 1994, 92-15174


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que par acte notarié du 17 septembre 1984, M. Y..., chirurgien orthopédiste, exerçant à la clinique Saint-Augustin, a cédé à M. X..., chirurgien de même spécialité, 142 parts sociales sur les 424 qu'il détenait dans la société à responsabilité limitée Clinique Saint-Augustin, moyennant le prix de 820 000 francs ; que, le même jour, les deux praticiens signaient, par actes sous seings privés, deux autres conventions ; que la première dite " convention d'utilisation du service de chirurgie orthopédique " avait pour objet de

définir les conditions d'utilisation de ce service et les activités ...

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que par acte notarié du 17 septembre 1984, M. Y..., chirurgien orthopédiste, exerçant à la clinique Saint-Augustin, a cédé à M. X..., chirurgien de même spécialité, 142 parts sociales sur les 424 qu'il détenait dans la société à responsabilité limitée Clinique Saint-Augustin, moyennant le prix de 820 000 francs ; que, le même jour, les deux praticiens signaient, par actes sous seings privés, deux autres conventions ; que la première dite " convention d'utilisation du service de chirurgie orthopédique " avait pour objet de définir les conditions d'utilisation de ce service et les activités des deux chirurgiens dans la clinique ; que la seconde, qualifiée de " cession de droits incorporels " stipulait que moyennant le paiement d'une indemnité d'intégration de 480 000 francs, M. Y... cédait à son confrère les droits incorporels transmissibles découlant de la précédente convention ; qu'aux termes de cet acte de cession, M. X... devenait " copropriétaire indivis au prorata du temps d'utilisation et des activités prévues dans la convention d'utilisation du service, des droits incorporels attachés à celle-ci " ; que M. X... a assigné M. Y... en annulation, pour absence de cause, de la cession de droits incorporels ; que l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 février 1992) a fait droit à cette demande ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'annulation de la cession de droits incorporels, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en se déterminant par des motifs qui laissent incertain le fondement juridique de la décision, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la conformité de sa décision aux règles de droit et n'a pas légalement justifié sa décision ; alors, d'autre part, que les conventions passées entre la société et l'un de ses gérants ou associés et non approuvées ne sont pas nulles, de sorte qu'en retenant, pour prononcer la nullité de l'accord conclu entre les deux praticiens, que cet accord était inopposable à la société et que la convention précédemment conclue entre celle-ci et M. Y... était nulle en raison du défaut d'approbation par les associés, l'arrêt a violé l'article 50 de la loi du 24 juillet 1966 ; alors, en outre, qu'en déduisant de l'absence d'un contrat écrit entre la clinique et M. Y... que ce dernier ne disposait d'aucun droit d'utilisation des installations de la clinique dans laquelle il exerçait, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que l'arrêt constate que le contrat litigieux conférait à M. X... le droit d'utiliser le matériel professionnel appartenant à M. Y... ainsi qu'un droit de préférence en cas de cession par celui-ci de tout ou partie de son cabinet ou des parts sociales lui appartenant ; que l'obligation mise à la charge de M. X... de payer une indemnité d'intégration n'était donc pas dénuée de contrepartie, de sorte qu'en prononçant l'annulation de cette obligation, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales s'en évinçant nécessairement au regard de l'article 1131 du Code civil, et a violé l'article 1118 du même code ;

Mais attendu que l'arrêt retient que M. Y... ne rapporte pas la preuve qu'il bénéficiait d'une convention d'exclusivité pour l'exercice de la chirurgie orthopédique au sein de la clinique Saint-Augustin et qu'à la date du contrat, le droit d'y exercer résultait de la seule qualité d'associé de la société exploitant cet établissement ; qu'il relève que les accords passés entre les deux chirurgiens pour l'utilisation des installations de la clinique concernaient des biens ou des droits qui aux termes des statuts de la société clinique Saint-Augustin, appartenaient à cette dernière et qu'ils lui étaient donc inopposables ; que l'arrêt ajoute que le matériel professionnel appartenant à M. Y... et dont le droit d'utilisation a été cédé à M. X... par la convention litigieuse était d'une importance extrêmement limitée et enfin que le droit de préférence en cas de vente de leurs parts sociales, que se sont mutuellement reconnus les praticiens ne peut s'analyser, comme le soutient M. Y..., en un engagement de non-concurrence de sa part au bénéfice de son confrère ; que la cour d'appel qui, au vu de l'ensemble de ces circonstances par elle souverainement appréciées, a estimé que l'obligation de M. X... au paiement d'une indemnité d'intégration n'avait aucune contrepartie réelle, les droits cédés étant dépourvus de toute valeur sérieuse, en a justement déduit que le contrat de cession de droits incorporels était nul pour absence de cause ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision et qu'en aucune de ses branches le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt d'avoir dit que la nullité de la convention de cession de droits incorporels ne s'étendait pas aux deux autres conventions signées le même jour, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué et des termes de l'acte que les droits, objets de la convention de cession, étaient ceux conférés à M. X... par la convention d'utilisation du service de chirurgie orthopédique, dont la cour d'appel a estimé qu'ils étaient dénués de valeur réelle, si bien qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales s'en évinçant nécessairement au regard des articles 1134 et 1131 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée par les conclusions de M. Y..., si les trois actes ne formaient pas, dans l'intention des parties, un tout indivisible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1131 du Code civil ;

Mais attendu que, recherchant la commune intention des parties, l'arrêt retient que si la convention d'utilisation du service orthopédique de la clinique est étroitement liée et indivisible de la cession des parts sociales dans la mesure où M. Y... ayant conservé la qualité d'associé, il convenait de prévoir le déroulement au sein de la clinique de leurs activités respectives relatives à la même spécialité chirurgicale, il n'en est pas de même de la cession de droits incorporels, qui ne correspondait à la cession d'aucun droit que M. X... ne détenait déjà du fait de la transmission des parts sociales ; que la cour d'appel a ainsi procédé à la recherche prétendument omise et légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 92-15174
Date de la décision : 15/06/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin chirurgien - Médecin d'une clinique - Contrat avec un confrère - Cession de parts sociales - Autre convention portant sur des droits incorporels - Clause stipulant le paiement d'une indemnité d'intégration - Droits cédés dénués de toute valeur - Absence de cause .

CONTRATS ET OBLIGATIONS - Cause - Absence - Médecin chirurgien - Médecin d'une clinique - Contrat avec un confrère - Cession de parts sociales - Autre convention portant sur des droits incorporels - Clause prévoyant le paiement d'une indemnité d'intégration - Droits cédés dénués de toute valeur

POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Médecin chirurgien - Indemnité d'intégration - Absence de cause - Droits cédés dénués de toute valeur

Une cour d'appel qui, au vu des circonstances souverainement appréciées, estime que l'obligation d'un médecin au paiement d'une " indemnité d'intégration " n'avait aucune contrepartie réelle, les droits cédés étant dépourvus de toute valeur sérieuse, en déduit justement que le contrat de cession de droits incorporels, prévoyant le paiement de cette indemnité, était nul pour absence de cause.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 18 février 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 jui. 1994, pourvoi n°92-15174, Bull. civ. 1994 I N° 215 p. 157
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 I N° 215 p. 157

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Lesec.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Gié.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.15174
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