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07/04/1994 | FRANCE | N°92-82890

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 avril 1994, 92-82890


REJET du pourvoi formé par X..., partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 26 mars 1992, qui, dans la procédure suivie à sa requête contre Y... du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, a déclaré nulle la citation introductive d'instance.

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 55 de la loi du 29 juillet 1881, 565 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
>" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré nulle la citation délivrée le 28 décembre 1990...

REJET du pourvoi formé par X..., partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 26 mars 1992, qui, dans la procédure suivie à sa requête contre Y... du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, a déclaré nulle la citation introductive d'instance.

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 55 de la loi du 29 juillet 1881, 565 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré nulle la citation délivrée le 28 décembre 1990 au nom de X... à Y... au siège du journal Z... et constaté en conséquence la prescription de l'action publique ;

" aux motifs adoptés des premiers juges qu'"aucun élément de la procédure ne permet d'établir que Y... a eu connaissance de la citation irrégulièrement notifiée au siège du journal en temps opportun pour lui permettre d'offrir dans un délai de 10 jours fixé par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, la preuve de la vérité des faits diffamatoires ; qu'ainsi l'irrégularité constatée a bien porté atteinte aux droits de la défense et justifie l'annulation de l'acte qui en est entaché" (jugement p. 3, paragraphe 3) ;

" et aux motifs propres que "les premiers juges ont pris soin de noter que la lettre recommandée envoyée par (l'huissier) à Y... pour l'aviser de la remise de l'acte, avait été reçue par un employé du journal ; qu'ils en ont déduit à bon droit qu'il n'était pas établi que Y... avait eu connaissance de la citation en temps opportun pour être en mesure d'offrir de prouver la vérité des faits diffamatoires dans le délai de 10 jours prévu par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 ; que le jugement doit, dès lors, être approuvé en ce qu'il a constaté que l'irrégularité de la citation avait porté atteinte aux droits de la défense et en ce qu'il a accueilli l'exception de nullité, et partant, le moyen de prescription qui lui était soumis" (arrêt p. 5, paragraphe 4) ;

" alors que, d'une part, dans ses conclusions d'appel, X... faisait valoir que la vérité des faits diffamatoires ne pouvait être prouvée par Y... en l'espèce, et ceci en application du troisième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, les imputations litigieuses concernant sa vie privée ; que, faute d'avoir répondu à ce moyen déterminant de nature à établir que Y... ne pouvait valablement soutenir que l'irrégularité prétendue de la citation avait porté atteinte à ses intérêts au regard de l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

" alors que, d'autre part, aux termes de l'article 565 du Code de procédure pénale, "la nullité d'un exploit ne peut être prononcée que lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'il concerne" ; qu'il appartenait donc à Y... de prouver que la nullité prétendue de la citation avait porté atteinte à ses intérêts en l'empêchant d'offrir, dans le délai de 10 jours fixé par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, la vérité des faits diffamatoires ; qu'en relevant seulement "qu'aucun élément de la procédure" ne permettait d'établir ou "qu'il n'était pas établi" que M. Y... avait eu connaissance en temps utile de la citation pour pouvoir le faire, les juges du fond ont renversé la charge de la preuve et, partant, privé leur décision de base légale " ;

Attendu que, par exploit du 28 décembre 1990, X..., agissant en qualité de député des Hauts-de-Seine, a fait citer directement devant le tribunal correctionnel, du chef de " diffamation envers une personne publique ", sur le fondement de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, Y..., en qualité de directeur de la publication du journal Z..., en raison de propos tenus par celui-ci, le 21 novembre 1990, à 8 heures 15, dans une émission de la station radiophonique A... ;

Attendu que la citation ayant été délivrée au siège du journal, le prévenu en a invoqué la nullité, avant toute défense au fond ; que, pour accueillir cette exception, les juges relèvent que l'infraction imputée par X... à Y... n'a pas été matérialisée par un écrit publié dans le journal dont le prévenu était responsable, en qualité de directeur de la publication, mais par des paroles prononcées à titre personnel, dans une émission radiophonique ; qu'ils en déduisent que le siège de la société éditrice du journal ne pouvait être considéré comme le domicile de l'auteur des propos incriminés, de sorte qu'il appartenait à l'huissier de rechercher le domicile réel du prévenu, et à défaut de domicile ou de résidence connus, de se conformer aux prescriptions de l'article 559 du Code de procédure pénale ; qu'ils ajoutent que cette irrégularité a porté atteinte aux droits de la défense, dès lors qu'il n'est pas établi que le destinataire de l'acte, qui n'a pas été avisé personnellement de sa remise, ait eu connaissance de la citation en temps utile pour être en mesure d'offrir la preuve de la vérité des faits diffamatoires dans le délai de 10 jours imparti par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu qu'ainsi, la cour d'appel, qui a implicitement écarté les conclusions inopérantes de la partie civile, a justifié sa décision sans encourir aucun des griefs allégués ;

Que, d'une part, la partie poursuivante, qui s'estime diffamée à raison de sa qualité et de ses fonctions, n'est pas recevable à invoquer l'exclusion de la preuve de la vérité des faits diffamatoires concernant sa vie privée ;

Que, d'autre part, s'il résulte des articles 7 à 13 et 42 de la loi du 29 juillet 1881, ainsi que de l'article 5 de la loi du 1er août 1986, que le directeur de la publication d'un journal peut, par dérogation aux articles 555 et suivants du Code de procédure pénale, être cité au siège de l'entreprise éditrice, c'est seulement à raison des écrits ou images publiés par l'organe de presse dont il est responsable, en cette qualité ;

Que la délivrance de la citation, en dehors des conditions fixées par les textes susvisés, est nécessairement de nature à porter atteinte aux droits de la défense, en entravant l'exercice des droits reconnus au prévenu par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 ; que c'est à la partie poursuivante qu'il appartient de démontrer l'absence éventuelle d'effet de l'irrégularité constatée ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-82890
Date de la décision : 07/04/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Exclusion - Caractère limitatif.

1° La partie poursuivante, qui s'estime diffamée à raison de sa qualité et de ses fonctions, n'est pas recevable à invoquer l'exclusion de la preuve de la vérité des faits diffamatoires concernant sa vie privée(1).

2° PRESSE - Procédure - Citation - Nullité - Directeur de la publication - Citation au siège du journal - Paroles prononcées à titre personnel dans une émission radiophonique.

2° S'il résulte des articles 7 à 13 et 42 de la loi du 29 juillet 1881, ainsi que de l'article 5 de la loi du 1er août 1986, que le directeur de la publication d'un journal peut, par dérogation aux articles 555 et suivants du Code de procédure pénale, être cité au siège de l'entreprise éditrice, c'est seulement à raison des écrits ou images publiés par l'organe de presse dont il est responsable, en cette qualité(2). Tel n'est pas le cas lorsque le directeur de la publication s'est exprimé, à titre personnel, dans une émission radiophonique.

3° PRESSE - Procédure - Citation - Nullité - Citation au siège du journal - Intérêts de la partie concernée - Droit de rapporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires.

3° EXPLOIT - Nullité - Conditions - Intérêts de la partie concernée.

3° La délivrance de la citation au siège du journal, en dehors des cas où elle est exceptionnellement autorisée, étant nécessairement de nature à porter atteinte aux droits de la défense, en entravant l'exercice des droits reconnus au prévenu par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, c'est à la partie poursuivante qu'il appartient de démontrer l'absence éventuelle d'effet de l'irrégularité constatée(3).


Références :

1° :
2° :
2° :
3° :
Code de procédure pénale 555 et suivants
Loi du 29 juillet 1881 art. 35
Loi du 29 juillet 1881 art. 55
Loi du 29 juillet 1881 art. 7 à 13, art. 42
Loi 86-897 du 01 août 1986 art. 5

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 mars 1992

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1979-12-17, Bulletin criminel 1979, n° 360, p. 974 (cassation). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1900-05-31, Bulletin criminel 1900, n° 201, p. 321 (rejet) ; Chambre criminelle, 1990-05-02, Bulletin criminel 1990, n° 165, p. 427 (cassation partielle) ; Chambre criminelle, 1992-09-29, Bulletin criminel 1992, n° 291, p. 791 (rejet) ; Chambre criminelle, 1993-01-12, Bulletin criminel 1993, n° 14, p. 28 (cassation sans renvoi). CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1993-01-12, Bulletin criminel 1993, n° 14, p. 28 (cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 avr. 1994, pourvoi n°92-82890, Bull. crim. criminel 1994 N° 143 p. 315
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 143 p. 315

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumont, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Libouban.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocats : M. Copper-Royer, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.82890
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