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07/04/1994 | FRANCE | N°91-86115

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 avril 1994, 91-86115


CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 25 octobre 1991, qui, après rejet de l'exception de nullité de la citation, l'a condamnée à 12 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles pour diffamation publique envers un particulier.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 29, 30, 31 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble violat

ion des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exce...

CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 25 octobre 1991, qui, après rejet de l'exception de nullité de la citation, l'a condamnée à 12 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles pour diffamation publique envers un particulier.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 29, 30, 31 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation soulevée par la prévenue ;
" aux motifs, adoptés, que la validité de la citation dépend de la concordance entre la qualification retenue et le visa des textes dont l'application est requise ; que M. Y... ayant fait citer X... pour diffamation envers lui, sans faire état d'une qualité attachée à sa personne permettant d'envisager une qualification supérieure à celle de diffamation envers un particulier, le visa de l'article 32 de la loi du 29 juillet 1881 qui prévoit cette infraction est régulier, le tribunal ne pouvant alors faire application que des peines prévues par l'article 32, paragraphe 1er ;
" alors que les imputations litigieuses doivent s'apprécier d'après leur objet même et la nature du fait sur lequel elles portent, la victime n'ayant pas elle-même la possibilité de s'abstenir de viser la fonction ou la qualité dans lesquelles elle a été visée si le texte incriminé en fait état ; que M. Y... avait été mis en cause dans l'article critiqué, qui doit être apprécié dans son contexte et dans son ensemble, à raison de la déposition qu'il avait faite en sa qualité de témoin dans un procès correctionnel ; que cette mise en cause, à la supposer diffamatoire, relevait nécessairement des dispositions des articles 31 et 30 de la loi du 29 juillet 1881 ; que la citation visant la diffamation envers un simple particulier et les articles 29 et 32 de la loi, était donc nulle et que la cour d'appel aurait dû constater cette nullité " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... du chef de diffamation envers M. Y... à une peine d'amende outre des réparations civiles ;
" aux motifs que ne saurait être retenue l'affirmation de X... selon laquelle, dans la phrase "Enfin il se défendit comme un beau diable, le Y... afin de prouver qu'il était honnête homme ce dont personne n'a jamais douté, du moins jusqu'à ce jour", le pronom "il" se rapportait à M. Y..., et non à M. Z..., personne qui avait demandé à M. Y... de témoigner pour lui dans un procès correctionnel ; que cette phrase insinue que M. Y... s'était comporté à l'audience de telle manière que l'on pouvait désormais mettre en doute sa probité ;
" alors, d'une part, qu'un propos prétendument diffamatoire doit s'apprécier dans son contexte ; qu'il résulte de l'ensemble de l'article dont est extraite la phrase litigieuse que M. Y... venait témoigner pour M. Z... dont il attestait la moralité et l'honnêteté ; que le pronom "il" désignait donc M. Z..., l'honnêteté de M. Y... lui-même n'ayant jamais été mise en cause par l'auteur de l'article ; qu'ainsi, la diffamation alléguée n'était pas constituée ;
" alors, d'autre part, que la phrase litigieuse qui, même interprétée comme le font les juges du fond, n'implique en aucune manière que l'honnêteté de M. Y... soit mise en doute, puisque "personne n'en a jamais douté", ne portait aucune atteinte à l'honneur ou à la considération de ce dernier, et n'était donc pas diffamatoire " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en matière d'infraction à la loi sur la liberté de la presse, la citation introductive d'instance fixe définitivement la nature et l'étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification ; qu'il s'en déduit qu'au cas où il résulte des débats que les faits auraient dû recevoir une autre qualification que celle retenue dans la prévention, les juges ne peuvent que prononcer la relaxe du prévenu ;
Attendu qu'il appartient à la Cour de Cassation de contrôler les appréciations des juges du fond en ce qui touche les éléments du délit de diffamation tels qu'ils se dégagent de l'écrit visé dans la citation ;
Attendu qu'il appert du jugement dont l'arrêt attaqué adopte les motifs que Y... a fait citer devant le tribunal correctionnel, sous la prévention de délit de diffamation prévu et réprimé par les articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, X..., directrice de la publication de l'écrit périodique "A..." à la suite de la diffusion dans le numéro 7 dudit périodique daté de novembre 1990 du compte rendu d'un procès en diffamation entre Z... et X... relatant la déposition faite par M. Y..., témoin cité à la requête de Z..., notamment en ces termes :
" Enfin, il se défendit comme un beau diable le Y... afin de prouver qu'il était honnête homme, ce dont personne n'a jamais douté jusqu'à ce jour " ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la citation introductive d'instance présentée avant toute défense au fond et fondée sur une erreur de qualification des faits, les juges déclarent que dans le dispositif de cet exploit, Y... demande la condamnation de X... pour diffamation envers lui-même sans faire état d'une qualité attachée à sa personne permettant d'envisager une qualification supérieure à celle de diffamation envers un particulier ; qu'il précise que le texte dont il demande l'application est celui de l'article 32 de la loi du 29 juillet 1881 qui prévoit effectivement cette infraction ; que selon l'article 53 de la loi susvisée, la validité de l'exploit introductif d'instance dépend de la concordance qui doit exister entre la précision des faits, la qualification retenue et le visa du texte qui lui est applicable ; qu'il s'ensuit que la citation critiquée doit être considérée comme régulière ;
Que, pour déclarer X... coupable du délit visé dans la prévention, le jugement et l'arrêt confirmatif relèvent que l'article de presse contenant la phrase incriminée est illustré d'une caricature paraissant représenter M. Y... et accompagné de la légende : " Je suis un honnête homme, déclare M. Y..., témoin de Z... " ; que, non seulement le numéro 7 de "A...", mais aussi partie de celui qui rendait compte du précédent procès, critiquaient violemment Z... dont la malhonnêteté était déjà affirmée ; qu'ils énoncent ensuite que le rédacteur de l'article, en écrivant que l'honnêteté de la personne en cause n'a été mise en doute que le jour même de l'audience ne pouvait viser Z..., comme le prétendait le prévenu ; que l'utilisation de l'article " le " devant le nom propre du plaignant a été fait dans une intention de dérision et de mépris confirmant l'imputation de malhonnêteté faite à Y... à l'égard duquel il est insinué qu'il s'est conduit, lors de sa déposition à l'audience de telle façon qu'on pouvait désormais mettre en doute son intégrité et sa probité ;
Mais attendu que si la cour d'appel a, à bon droit, déclaré valable la citation répondant, en la forme, aux exigences de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 et s'il lui appartenait de relever les éléments intrinsèques et extrinsèques de nature à donner à la phrase incriminée replacée dans son contexte son véritable sens, elle n'a pas tiré les conséquences légales de son appréciation de laquelle il résulte, ainsi que la Cour de Cassation est en mesure de s'en assurer, que les faits, objet de la plainte, étaient constitutifs du délit de diffamation publique envers un témoin à raison de sa déposition tel qu'il est prévu et réprimé par l'article 31, alinéa 1er, de la loi susvisée ; que l'erreur de qualification, si elle est sans influence sur la validité de la citation, fait obstacle en revanche à toute condamnation dès lors qu'aucune infraction de droit commun n'est susceptible d'être relevée ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Caen, du 25 octobre 1991, en toutes ses dispositions ;
Et attendu qu'il ne reste plus rien à juger ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-86115
Date de la décision : 07/04/1994
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Diffamation - Personnes et corps protégés - Témoins - Témoin cité par la partie civile au titre de l'offre de preuve contraire.

1° Le témoin cité à la requête de la partie civile, au titre de l'offre de preuve contraire prévue par l'article 56 de la loi du 29 juillet 1881, entre dans la catégorie des témoins protégés par l'article 31 de ladite loi(1). La diffamation commise envers le témoin, à raison de sa déposition, ne peut constituer une diffamation envers un particulier(2).

2° PRESSE - Procédure - Citation - Portée - Propos dénoncés - Objet de la poursuite.

2° En matière d'infraction à la loi sur la liberté de la presse, la citation introductive d'instance fixe définitivement la nature et l'étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification(3). Il s'en déduit qu'au cas où il résulte des débats que les faits auraient dû recevoir une autre qualification que celle retenue dans la prévention, les juges ne peuvent que prononcer la relaxe du prévenu(4).


Références :

1° :
2° :
Loi du 29 juillet 1881 art. 31, art. 56
Loi du 29 juillet 1881 art. 53

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen (chambre correctionnelle), 25 octobre 1991

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1906-03-15, Bulletin criminel 1906, n° 133, p. 233 (cassation). CONFER : (1°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1901-12-05, Bulletin criminel 1901, n° 304, p. 565 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1906-12-21, Bulletin criminel 1906, n° 463, p. 851 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1907-06-21, Bulletin criminel 1907, n° 275, p. 435 (rejet). CONFER : (2°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1970-01-03, Bulletin criminel 1970, n° 8, p. 14 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1982-06-22, Bulletin criminel 1982, n° 169, p. 470 (cassation sans renvoi) ;

Chambre criminelle, 1991-01-04, Bulletin criminel 1991, n° 7, p. 17 (cassation). CONFER : (2°). (4) Cf. Chambre criminelle, 1951-05-24, Bulletin criminel 1951, n° 144, p. 254 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1969-03-12, Bulletin criminel 1969, n° 120 (2), p. 293 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1974-05-22, Bulletin criminel 1974, n° 196 (2), p. 498 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 avr. 1994, pourvoi n°91-86115, Bull. crim. criminel 1994 N° 142 p. 311
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 142 p. 311

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumont, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Libouban.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Fossaert-Sabatier.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, M. Odent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:91.86115
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