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06/04/1994 | FRANCE | N°92-12844

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 avril 1994, 92-12844


Attendu que, suivant acte notarié du 3 septembre 1885, Antoine X... de l'Estoille et son épouse ont fait donation à la commune d'Arcon d'une maison avec jardin et d'une parcelle de terre à charge pour elle de les affecter à une école d'enseignement primaire ; que les immeubles donnés furent utilisés à usage d'école jusqu'en 1977, date à laquelle une décision administrative en ordonna la fermeture ; que M. Dominique de Y..., aux droits des donateurs, se prévalant de la désaffectation des biens donnés et de leur mauvais entretien, a assigné la commune en révocation de la donatio

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Attendu que, suivant acte notarié du 3 septembre 1885, Antoine X... de l'Estoille et son épouse ont fait donation à la commune d'Arcon d'une maison avec jardin et d'une parcelle de terre à charge pour elle de les affecter à une école d'enseignement primaire ; que les immeubles donnés furent utilisés à usage d'école jusqu'en 1977, date à laquelle une décision administrative en ordonna la fermeture ; que M. Dominique de Y..., aux droits des donateurs, se prévalant de la désaffectation des biens donnés et de leur mauvais entretien, a assigné la commune en révocation de la donation et en dommages-intérêts ; que la commune a formé reconventionnellement une demande en révision des charges ; que l'arrêt attaqué, rejetant la demande de la commune, a prononcé la révocation de la donation et débouté M. X... de l'Estoille de sa demande de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches du pourvoi principal :

Attendu que la commune d'Arcon fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en révision de la charge de la donation, alors, selon le moyen, que, d'une part, le gratifié doit justifier de l'exécution des charges assortissant la donation entre la date de cette donation et celle où l'exécution des charges est devenue extrêmement difficile et qu'il résulte des constatations des juges du fond que la commune a exécuté la charge entre 1885, date de la donation, et 1977, date à laquelle l'exécution de la charge est devenue impossible ; qu'en énonçant que la commune ne pouvait demander la révision de la charge au motif qu'elle ne justifiait pas de ses diligences pour l'exécuter, la cour d'appel a violé l'article 900-5 du Code civil, et alors, d'autre part, que l'action en révision des charges, lorsque leur exécution devient extrêmement difficile, est à plus forte raison ouverte lorsque cette exécution est impossible voire illicite ; que, par suite, en rejetant la demande au motif que l'exécution de la charge était devenue impossible, la cour d'appel a violé l'article 900-2 du Code civil ; alors, en outre, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la donataire a présenté trois solutions différentes pour respecter la volonté du donateur, de sorte qu'en énonçant qu'aucun projet n'avait été présenté pour l'affectation du bien donné, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé l'article 900-4 du Code civil et alors, enfin, qu'il appartient au juge de fixer, au besoin d'office, les nouvelles charges ; qu'en refusant de prononcer une telle mesure au motif que la commune ne présentait aucun projet précis, la cour d'appel a, une nouvelle fois violé ce texte ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt constate que la commune gratifiée a laissé le local vacant depuis la fermeture de l'école en 1977 et qu'elle ne justifie d'aucune diligence pour exécuter ses obligations entre cette date et l'assignation en révocation de la donation du 8 avril 1987 ; que la cour d'appel en a justement déduit que la condition exigée par l'article 900-5, alinéa 2, du Code civil pour pouvoir prétendre à la révision des charges n'était pas remplie ; qu'elle a, par ces seuls motifs et abstraction faite de celui justement critiqué par la deuxième branche du moyen, selon lequel l'impossibilité d'exécution de la charge n'entrerait pas dans le champ d'application de l'article 900-2 du Code civil, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 954 du Code civil ;

Attendu que pour débouter M. X... de l'Estoille de sa demande de dommages-intérêts en raison du défaut d'entretien, par la commune, des biens donnés, l'arrêt retient qu'il ne saurait être reproché à celle-ci de ne pas avoir entretenu un bien dont elle ne pouvait plus user depuis 1977 et sur lesquels ses droits étaient en discussion ;

Qu'en statuant ainsi, alors que par l'effet de la révocation, la donataire, indépendamment de toute faute de sa part, était tenue de restituer le bien donné dans l'état où il se trouvait au jour de la donation et, éventuellement, de rembourser au disposant ou à son successeur universel les dépenses que nécessitait la remise du bien en cet état, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il déboute M. de Y... de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 19 décembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 92-12844
Date de la décision : 06/04/1994
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° DONATION - Donation avec charges - Révision judiciaire des charges - Condition.

1° DONATION - Donation avec charges - Révocation - Conditions - Exécution de la charge devenue impossible - Absence de diligences postérieures du donataire pour exécuter ses obligations - Constatations suffisantes.

1° Justifie légalement sa décision, la cour d'appel qui, pour rejeter la demande en révision des charges formée par une commune, donataire d'une maison avec l'obligation de l'affecter à une école d'enseignement primaire, et prononcer la révocation de la donation, retient que la commune, qui a laissé le local vacant depuis la fermeture de l'école en 1977 et qui ne justifie d'aucune diligence pour exécuter ses obligations entre cette date et l'assignation en révocation de la donation, délivrée 10 ans plus tard, ne remplit pas la condition exigée par l'article 900-5, alinéa 2, du Code civil pour pouvoir prétendre à la révision des charges.

2° DONATION - Donation avec charges - Révision judiciaire des charges - Cas d'ouverture à l'action en révision - Impossibilité d'exécution de la charge.

2° L'impossibilité d'exécution, par suite d'un changement de circonstances, de la charge dont une donation est assortie, permet au gratifié, comme dans les cas où l'exécution en est devenue pour lui extrêmement difficile ou sérieusement dommageable, d'en demander en justice la révision.

3° DONATION - Révocation - Effets - Restitution - Restitution de la chose - Restitution de la chose dans son état au jour de la donation.

3° DONATION - Révocation - Effets - Restitution - Restitution de la chose - Dépréciation - Dépenses de remise en état - Charge.

3° Par l'effet de la révocation de la donation, le donataire, indépendamment de toute faute de sa part, est tenu de restituer le bien donné dans l'état où il se trouvait au jour de donation et éventuellement, de rembourser au disposant ou à son successeur universel, les dépenses qu'a nécessité la remise du bien en cet état.


Références :

Code civil 954

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 19 décembre 1991

A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 1, 1974-05-14, Bulletin 1974, I, n° 140, p. 119 (rejet) ; Chambre civile 1, 1990-12-18, Bulletin 1990, I, n° 298, p. 208 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 avr. 1994, pourvoi n°92-12844, Bull. civ. 1994 I N° 140 p. 102
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 I N° 140 p. 102

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Lesec.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Gié.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Gauzès et Ghestin, la SCP Nicolay et de Lanouvelle.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.12844
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