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02/03/1994 | FRANCE | N°93-82580

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 mars 1994, 93-82580


REJET des pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Bastia, T... Françoise, veuve Q..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice légale de ses enfants mineures Frédérique et Lucienne, les consorts J..., le Sporting Club de Bastia, les consorts K..., les consorts L..., V... Jean-Michel, parties civiles, E... Raymond, A... Jean-Marie, U... Luc, B... Michel, Y... Yves-Noël, I... Etienne, S... Ange, C... Didier, X... Michel, F... Christian, G... Jean-François, O... Michel, prévenus,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la co

ur d'appel de Bastia du 23 avril 1993 qui a dit n'y avoir lieu à s...

REJET des pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Bastia, T... Françoise, veuve Q..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice légale de ses enfants mineures Frédérique et Lucienne, les consorts J..., le Sporting Club de Bastia, les consorts K..., les consorts L..., V... Jean-Michel, parties civiles, E... Raymond, A... Jean-Marie, U... Luc, B... Michel, Y... Yves-Noël, I... Etienne, S... Ange, C... Didier, X... Michel, F... Christian, G... Jean-François, O... Michel, prévenus,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bastia du 23 avril 1993 qui a dit n'y avoir lieu à suivre contre Jean-Claude de M..., Claude D..., Jean H..., Mireille P..., épouse K..., et Eugène Z..., a rejeté les moyens de nullité soulevés devant elle, a renvoyé devant le tribunal correctionnel Jean-Marie A..., Bernard XW..., Jean-François G..., Etienne I..., Ange S..., Luc U..., Michel B..., Michel X..., Christian F..., Raymond N... et Didier C... des chefs d'homicides et blessures involontaires, Michel O..., Etienne I..., Ange S... et Yves Y... des chefs de faux en écriture privée et d'usage de faux, et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Bernard XW... et partiellement irrecevables celles du Sporting Club de Bastia et de la Ligue Corse.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les arrêts de la chambre criminelle des 20 mai 1992 et 11 juin 1992 portant désignation de juridiction ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Vu l'article 574 du Code de procédure pénale ;
I. Sur les pourvois de Françoise T..., veuve Q..., des consorts J..., des consorts K... et des consorts L..., parties civiles :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui de ces pourvois ;
II. Sur les pourvois des prévenus : (sans intérêt) ;
III. Sur le pourvoi de Jean-Michel V..., partie civile : (sans intérêt) ;
IV. Sur le pourvoi du Sporting Club de Bastia, partie civile :
(sans intérêt) ;
V. Sur le pourvoi du procureur général :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'ayant appris le 23 avril 1992 que la rencontre devant opposer en demi-finale de la coupe de France le Sporting Club de Bastia (SCB) à l'Olympique de Marseille se disputerait le 5 mai 1992 au stade de Furiani, les dirigeants du SCB décidaient de substituer à la tribune " Nord " de ce stade une structure nouvelle de 10 000 places et prenaient l'initiative de démolir cette tribune dans la nuit du 25 au 26 avril ; qu'à l'issue de plusieurs réunions, la commission départementale de sécurité aurait émis le 30 avril 1992 un avis favorable au nouveau projet ; que le 5 mai 1992 quelques minutes avant le coup d'envoi de la rencontre, la nouvelle tribune mise en place s'est effondrée, précipitant dans le vide près de 4 000 personnes dont 15 trouvaient la mort et 1 939 furent blessées ;
Attendu que les expertises ordonnées auraient établi que l'effondrement de cette tribune était inéluctable en raison de l'importance des contraintes qu'elle devait supporter et d'erreurs de conception et de montage ; que la société de contrôle technique Socotec aurait limité son avis favorable à la résistance du sol par rapport aux charges qu'il devait supporter mais n'aurait pas étendu son contrôle à la structure de la tribune édifiée ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, pour contradiction et insuffisance de motifs et manque de base légale :
" 1° en ce que la chambre d'accusation a énoncé qu'il ne pouvait être reproché au maire de Furiani, qui possédait des compétences techniques moindres que le directeur de l'Equipement pour apprécier le régime juridique de la tribune, de ne pas s'être inquiété de ne pas avoir reçu la demande d'autorisation prévue à l'article R. 123-22 du Code de la construction et de l'habitation ;
" alors que le Code de la construction et de l'habitation attribue spécialement certains pouvoirs de police au maire à qui il incombe notamment de délivrer ou de refuser l'autorisation de faire procéder aux travaux après avis de la Commission de sécurité compétente, conformément à l'article R. 123-23 du Code de la construction et de l'habitation ;
" que, bien que n'ayant pu ignorer le caractère illicite de la construction de la tribune puisqu'aucune demande d'autorisation en ce sens ne lui avait été adressée, il n'a rien fait pour l'empêcher et s'est cantonné dans une inaction totale en n'indiquant pas à la commission de sécurité qu'il n'avait été saisi d'aucune demande, en ne s'adressant pas à la direction de l'Equipement avec qui il était pourtant lié par une convention, et en n'envisageant pas de mettre l'exploitant en demeure de régulariser sa situation ni de lui rappeler ses obligations ;
" qu'enfin, il ne s'est pas soucié de l'exécution par la direction de l'Equipement de la mission qui lui revenait aux termes de la convention du 20 mars 1984 liant l'Etat à la commune de Furiani et dont la chambre d'accusation souligne pourtant qu'elle était relative à l'ensemble de la procédure d'instruction des autorisations et actes relatifs à l'occupation du sol et notamment aux permis de construire ou autorisation d'édifier ;
" 2° en ce que la chambre d'accusation a énoncé que, en tout état de cause, si l'absence de dépôt de la demande d'autorisation par le pétitionnaire a empêché la procédure de se développer normalement, elle n'a pas eu de rôle causal. Que cette omission entachait d'illégalité la construction de la tribune, mais elle n'avait aucune incidence sur la vérification de la qualité du montage, dès lors qu'elle n'empêchait pas la commission de sécurité de se réunir. Que ce moyen ne peut être retenu à charge contre le maire, comme constituant en l'espèce une infraction prévue par les articles 319, 320 et R. 40 du Code pénal ;
" alors que l'édification de la tribune sans autorisation a commencé le 28 avril 1992 pour s'achever le 4 mai 1992 ;
" que la commission de sécurité s'est réunie les 28 et 30 avril, les 4 et 5 mai 1992 et qu'aucun avis sur la solidité de la tribune n'a été remis par la Socotec ;
" que la chambre d'accusation ne pouvait, sans se contredire, affirmer que l'absence de dépôt de la demande d'autorisation n'avait aucune incidence sur la vérification de la qualité du montage et être retenue à charge contre le maire, dès lors que l'exercice par celui-ci de ses obligations résultant des dispositions des articles R. 123-23 (autorisation des travaux avant tout aménagement) R. 123-44 (communication au maire des procès-verbaux de la commission de sécurité et des comptes-rendus des vérifications de l'article R. 123-43) et R. 123-45 (autorisation par le maire de l'ouverture de l'établissement) aurait nécessité des délais qui auraient rendu impossible la tenue du match le 5 mai dans un laps de temps aussi court ;
" que la tribune, achevée le 4 mai, n'aurait pu être contrôlée avant cette date ;
" que les fautes du maire, résultant du non-exercice des pouvoirs qui sont les siens, ont donc créé les conditions ayant rendu possible la poursuite des travaux puis l'admission du public dans le stade et sont donc à l'origine de l'accident " ;
" 3° en ce que la chambre d'accusation a énoncé quant à la non-utilisation par le maire de ses pouvoirs de police pour empêcher l'ouverture au public de la tribune nord qu'il convient d'observer qu'il n'avait aucune raison le 5 mai de prendre un arrêté d'interdiction dans la mesure où ses représentants revenant de la réunion de la commission de sécurité lui avaient fait part de l'absence d'avis défavorable de ladite commission, avis qui n'est, par ailleurs, pas contesté dans son existence ;
" que s'il est exact que l'article R. 123-44 du Code de la construction et de l'habitation édicte que les procès-verbaux et comptes-rendus de vérifications prévus à l'article R. 123-43 du même Code sont communiqués au maire, il ajoute : " le maire, après avis de la commission de sécurité compétente, peut imposer des essais et vérifications supplémentaires " ;
" alors que, s'il est vrai, comme le relève la chambre d'accusation, que ses représentants lui ont fait part de l'absence d'avis défavorable de la commission de sécurité, il n'a toutefois reçu aucun avis écrit, procès-verbal et comptes-rendus des vérifications prévues à l'article R. 123-43 du Code de la construction et de l'habitation ;
" qu'il a malgré tout laissé le public occuper la tribune nord ;
" que, constatant que la tribune avait été construite sans son autorisation et que le stade avait été mis en exploitation alors qu'il n'avait pris aucune décision en ce sens, le maire de Furiani aurait dû faire cesser cette exploitation, au besoin en ordonnant la fermeture de l'établissement, mesure qui s'imposait d'autant plus qu'il n'avait reçu aucun avis écrit et définitif de la commission départementale de sécurité ;
" qu'enfin, si le maire n'a pas été en possession d'informations pouvant laisser craindre pour la solidité de la tribune nord, c'est précisément parce qu'il n'a pas lui-même respecté la réglementation qui lui donnait des pouvoirs d'information et de saisine, et parce que la commission de sécurité dont il était l'un des principaux membres et à laquelle il a été représenté à trois réunions n'a jamais cherché à connaître le sens de l'avis technique donné par l'organisme de contrôle ;
" qu'une telle circonstance imputable pour partie à ses carences et négligences ne saurait l'exonérer de sa responsabilité pénale " ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 319 et 320 du Code pénal :
" en ce que l'arrêt attaqué a énoncé qu'il se déduit de l'ensemble de l'analyse " qu'aucune faute en relation directe avec l'accident du 5 mai 1992 ne peut être reprochée à Eugène Z... " ;
" alors que les articles 319 et 320 du Code pénal qui punissent quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, aura involontairement été la cause d'un homicide ou de blessures, n'exigent pas, pour leur application, que cette cause soit directe ou immédiate ;
" qu'en se bornant à nier l'existence d'une faute en relation directe avec l'accident sans se prononcer sur le point de savoir si des fautes avaient été la cause même seulement indirecte ou partielle de l'accident et du dommage, la chambre d'accusation n'a pas donné une base légale à sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à suivre contre Eugène Z..., maire de Furiani, la chambre d'accusation relève d'abord que la procédure administrative afférente aux mesures de contrôle et de sécurité a été mise en oeuvre par les services de la préfecture et qu'en sa qualité de maire, l'inculpé n'a pas manqué de se faire représenter aux réunions de la commission de sécurité, bien qu'il n'y eût pas été invité, et de s'assurer, par ses représentants, de l'absence d'avis défavorable de ladite commission ;
Que les juges retiennent ensuite qu'il ne peut être reproché à Eugène Z..., qui possède une compétence technique moindre que le directeur départemental de l'Equipement, de ne pas s'être inquiété de n'avoir pas reçu la demande d'autorisation prescrite par l'article R. 123-23 du Code de la construction et de l'habitation, que l'inobservation des dispositions réglementaires prévues par les articles R. 123-43 et suivants de ce Code n'a pas eu d'incidence sur le contrôle de la qualité de l'ouvrage et qu'en l'état de l'avis de la commission de sécurité l'inculpé n'avait aucune raison de prendre un arrêté d'interdiction ou de prévoir des essais ou des vérifications complémentaires ;
Attendu qu'il résulte de ces motifs, exempts de contradiction et procédant d'une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause que l'information n'a fait apparaître aucun lien de causalité même indirect entre le comportement du maire et l'accident survenu ;
Que, dès lors la chambre d'accusation, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par le second moyen, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-82580
Date de la décision : 02/03/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Lien de causalité - Lien de causalité entre la faute de la victime et le dommage - Contrôle de la Cour de Cassation.

CASSATION - Décisions susceptibles - Chambre d'accusation - Arrêt de non-lieu - Pourvoi du ministère public - Homicide et blessures involontaires - Lien de causalité - Motif erroné mais surabondant

JUGEMENTS ET ARRETS - Motifs - Motifs surabondants - Homicide et blessures involontaires - Lieu de causalité

Il appartient à la Cour de Cassation de contrôler la qualification du lien de causalité entre la faute et le dommage d'après les faits souverainement constatés par les juges du fond. Ainsi doit être rejeté le pourvoi du procureur général qui fait grief à la chambre d'accusation d'avoir justifié un non-lieu prononcé du chef d'homicide et blessures involontaires, en énonçant qu'il n'existait pas de lien direct entre la faute reprochée à l'inculpé et les dommages subis par les victimes, alors que les constatations de l'arrêt attaqué établissent que l'information n'a fait apparaître aucun lien de causalité même indirect, entre le comportement de cet inculpé et l'accident survenu, le motif critiqué étant erroné mais surabondant. (1).


Références :

Code pénal 319, 320

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia (chambre d'accusation), 23 avril 1993

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1980-01-07, Bulletin criminel 1980, n° 10, p. 24 (cassation), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1989-01-24, Bulletin criminel 1989, n° 27 (1), p. 83 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 mar. 1994, pourvoi n°93-82580, Bull. crim. criminel 1994 N° 85 p. 184
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 85 p. 184

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Galand.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Jean Simon.
Avocat(s) : Avocats : MM. Bouthors, Foussard, la SCP Waquet, Farge et Hazan, Mme Luc-Thaler, M. Brouchot, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, MM. Choucroy, Roger, la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:93.82580
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