Joignant les pourvois n°s 92-13.707, formé par la société Générale de manutention portuaire, et 92-15.052, formé par la société Compagnie générale maritime, qui attaquent le même arrêt, et statuant en outre sur le pourvoi incident de la société Transports Gondrand au pourvoi principal formé par la société Générale de manutention portuaire ;
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 1992), que la société Atochem a confié à la société Gondrand le transport de Lannemezan au Havre de cent fûts d'un produit chimique de grande toxicité, ainsi que leur expédition par voie maritime après mise en conteneurs ; que la société Gondrand a chargé la société Compagnie générale maritime (le transporteur maritime) d'effectuer le transport transatlantique ; qu'au cours des opérations d'" empotage " et de manutention effectuées sur le port du Havre par la société Générale de manutention portuaire (l'entrepreneur de manutention), une fuite du produit, provenant de l'un des fûts et due au percement de la tôle par un élévateur, a été décelée, faisant apparaître la nécessité de le " dépoter " en sa totalité, de le neutraliser et de le " reconditionner " ; que la société Atochem a assigné la société Gondrand en indemnisation des frais entraînés par les opérations consécutives à l'incident ; que la société Gondrand a appelé en cause le transporteur maritime, lequel a lui-même assigné en garantie l'entrepreneur de manutention ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal n° 92-13.707 et sur le troisième moyen du pourvoi incident à ce pourvoi, rédigés en des termes identiques :
Attendu que le manutentionnaire et la société Gondrand reprochent à l'arrêt de les avoir respectivement condamnés à garantie en ce qui concernait les condamnations mises à la charge du transporteur maritime, en excluant toute limitation d'indemnité, alors, selon le pourvoi, que, selon les articles 28 et 54 de la loi du 18 juin 1966, la responsabilité de l'entrepreneur de manutention ne peut en aucun cas dépasser la somme fixée pour le transport de marchandises par le décret visé à l'article 28 ; que cette limitation légale de responsabilité s'applique quelle que soit la nature du préjudice en cause, et non pas seulement aux pertes et dommages subis par les marchandises ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 28 et 54 de la loi du 18 juin 1966 que la responsabilité de l'entrepreneur de manutention ne peut en aucun cas dépasser, pour les dommages subis par les marchandises, les montants fixés au A du paragraphe 5 de l'article 4 de la convention internationale de Bruxelles du 25 août 1924, modifiée par le Protocole du 21 décembre 1979 ; qu'ayant constaté que le chargeur avait demandé à être indemnisé des frais occasionnés par le dépotage, la neutralisation et le reconditionnement du produit et non des dommages subis par les marchandises, la cour d'appel a pu estimer que les dispositions de la Convention internationale limitatives de responsabilité susvisées, n'étaient pas applicables aux conséquences de l'avarie ; d'où il suit que ni l'un ni l'autre des moyens ne sont fondés ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal n° 92-15.052 :
Attendu que le transporteur maritime fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à garantir la société Gondrand des sommes mises à sa charge, alors, selon le pourvoi, qu'en vertu des articles 4 et 5 de la convention internationale du 25 août 1924 de Bruxelles, le transporteur maritime n'est " en aucun cas responsable des pertes ou dommages de marchandises ou concernant celles-ci " au-delà d'un seuil fixé par ledit texte ; que la cour d'appel, en dépit de ses conclusions, a estimé qu'il ne pouvait opposer la limitation de responsabilité prévue par les articles 4 et 5 de la Convention et 28 de la loi du 18 juin 1966, aux motifs que ces textes ne visent que les pertes et dommages subis par les marchandises ; qu'en en déduisant sa condamnation à payer au chargeur les frais occasionnés par le dépotage, la neutralisation et le reconditionnement du produit dont partie avait fui, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le transporteur maritime était responsable, ainsi que le manutentionnaire, des conditions défectueuses d'empôtage et de chargement des fûts contenant la marchandise litigieuse, la cour d'appel a pu décider que le transporteur maritime ne pouvait, s'agissant de frais occasionnés par la neutralisation et le reconditionnement du produit toxique dangereux dont une partie avait fui, se prévaloir de la limitation de responsabilité relativement aux " dommages aux marchandises ou concernant celles-ci ", telle que prévue à l'article 4 modifié de la Convention internationale susvisée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident au pourvoi principal n° 92-13.707 : (sans intérêt) ;
Et sur le deuxième moyen du pourvoi incident :
Attendu que la société Gondrand reproche en outre à l'arrêt de l'avoir condamnée à réparer intégralement le préjudice subi par la société Atochem, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article 8 des conditions générales du contrat de transport liant la société Atochem à elle-même, dans tous les cas où la responsabilité du " transitaire " serait engagée pour quelque cause et à quelque titre que ce soit, elle est strictement limitée à la réparation du dommage matériel résultant de la perte ou de l'avarie, à l'exclusion de tous autres dommages-intérêts, sans pouvoir en aucun cas excéder ni la somme prévue par les conventions internationales, lois, tarifs, ou règlements éventuellement applicables à l'envoi considéré, ni à défaut, et en tout état de cause sans pouvoir excéder 90 francs par kilo avec maximum de 1 800 francs par colis perdu, avarié ou spolié, que cette clause s'applique non seulement lorsque le commissionnaire est recherché pour faute personnelle, mais également lorsqu'il s'est substitué en tant que garant du transporteur qu'il s'est substitué, que la cour d'appel, en rejetant cette clause limitative de responsabilité, a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la clause limitant l'obligation d'indemnisation du commissionnaire de transport, concernait le seul dommage matériel résultant de la perte ou des avaries supportées par la marchandise, la cour d'appel a pu estimer que les indemnités réclamées étant la conséquence d'une faute de manutention et qu'elles n'étaient donc pas destinées à réparer le dommage résultant de ces pertes ou avaries la clause litigieuse n'était pas applicable ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE tant les pourvois principaux nos 92-13.707 et 92-15.052 que le pourvoi incident.