La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/1993 | FRANCE | N°88-42652

France | France, Cour de cassation, Chambre mixte, 10 décembre 1993, 88-42652


Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Lyon, 31 mars 1988), que la société Rexroth-Sigma a décidé, en raison du faible niveau de la charge de travail, de fermer l'entreprise du 26 décembre 1986 au 4 janvier 1987 et d'imputer cette fermeture sur le solde des congés payés, au titre de la cinquième semaine, étant précisé que les salariés ne disposant plus de jours de congés disponibles seraient indemnisés comme chômeurs partiels et qu'il serait tenu compte des engagements antérieurs pris individuellement par certains salariés pour leur solde de congés ; q

ue M. X... et quatre autres salariés ont, en avril 1987, saisi le ...

Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Lyon, 31 mars 1988), que la société Rexroth-Sigma a décidé, en raison du faible niveau de la charge de travail, de fermer l'entreprise du 26 décembre 1986 au 4 janvier 1987 et d'imputer cette fermeture sur le solde des congés payés, au titre de la cinquième semaine, étant précisé que les salariés ne disposant plus de jours de congés disponibles seraient indemnisés comme chômeurs partiels et qu'il serait tenu compte des engagements antérieurs pris individuellement par certains salariés pour leur solde de congés ; que M. X... et quatre autres salariés ont, en avril 1987, saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant au paiement, au titre du chômage partiel, des jours de fermeture de fin d'année imputés sur la cinquième semaine de congés payés ; qu'ils ont été déboutés ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche : (sans intérêt) ;

Et sur le moyen unique, pris en ses autres branches :

Attendu qu'il est encore reproché au conseil de prud'hommes d'avoir statué comme il l'a fait alors, selon le moyen, d'une part, qu'en cas de suspension temporaire d'activité imputable à la conjoncture économique, à des difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie, à un sinistre, à des intempéries de caractère exceptionnel, à une transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise, ou à toute autre circonstance de caractère exceptionnel, les salariés qui restent liés à leur employeur par un contrat de travail bénéficient d'une allocation spécifique dite de " chômage partiel " ; qu'un employeur ne peut imputer des journées chômées sur les congés payés institués en vue d'assurer un repos aux travailleurs en considération de leur travail effectif ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la société Rexroth-Sigma avait décidé de fermer l'entreprise en raison de la conjoncture économique, le conseil de prud'hommes n'a pu estimer qu'elle était fondée à imputer cette période de chômage partiel sur les congés payés des salariés, sans violer les dispositions des articles L. 223-1 et D. 223-5 du Code du travail ; alors, d'autre part, que le conseil de prud'hommes a posé comme postulat que le congé principal des salariés avait eu une durée de 4 semaines, ce qui les obligeait nécessairement à fractionner la " cinquième semaine par rapport aux quatre premières " ; qu'en s'abstenant de rechercher si telle était bien la situation des intéressés, qui demandaient respectivement le paiement de 2, 5, 3, 3 et 4 jours de congés affectés à la fermeture de fin d'année, le conseil de prud'hommes n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 223-8 du Code du travail ; et alors, enfin, qu'un employeur ne peut modifier en cours d'exercice le régime des congés payés, de sorte que certains salariés se trouveraient privés des droits accordés à d'autres ; qu'en cas de fermeture d'un établissement pour mise en congé annuel du personnel, les travailleurs qui ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier de la totalité de ce congé peuvent prétendre individuellement aux allocations pour privation partielle d'emploi, compte tenu des journées ou des indemnités compensatrices de congés payés dont ils auraient pu bénéficier pendant la période de référence ; qu'en faisant application de ces dispositions qui ne concernent que des salariés ne pouvant bénéficier du maximum des droits à congés payés, à l'espèce où il n'était aucunement contesté que les salariés avaient droit à la totalité de leur congé annuel, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 351-52 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

Mais attendu, de première et troisième parts, que le jugement retient exactement que, sous réserve du respect des dispositions légales, la fixation de la date des congés payés constitue une prérogative de l'employeur ; que le conseil de prud'hommes relève aussi à bon droit que l'employeur a pu prévoir que la cinquième semaine de congés serait prise pendant la fermeture de l'entreprise et qu'il importe peu que cette fermeture ait été décidée pour tenir compte de la conjoncture économique, dès lors que les salariés n'ayant pas épuisé leurs droits à congés n'ont subi aucune perte de salaires et ne peuvent donc être indemnisés au titre du chômage partiel ;

Et attendu, de deuxième part, qu'il ne résulte ni des conclusions ni du jugement qu'il a été soutenu devant les juges du fond que le congé principal n'a pas eu une durée de 4 semaines ;

Qu'il s'ensuit que, pour partie irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.MOYEN ANNEXE

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat aux Conseils pour MM. X..., Clape, Guy, Polselli et Guillard.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté des salariés de leurs demandes en paiement de jours de congés affectés à une fermeture de fin d'année décidée par l'employeur ;

AUX MOTIFS que la fixation de la période et des dates de congés constitue une prérogative de l'employeur ; qu'il est également libre de choisir la formule du roulement ou de la fermeture d'établissement ; que l'article L. 223-8, alinéa 1er, du Code du travail prévoit une dissociation obligatoire entre la cinquième semaine de congés payés et le congé principal ; que la période légale prévue à l'alinéa 3 de cet article concerne le seul congé principal ; que la société Rexroth-Sigma a donc pu, dans le cadre de sa prérogative patronale et eu égard à la conjoncture économique, décider d'attribuer aux salariés la cinquième semaine de congés payés pendant la semaine du 26 décembre 1986 au 4 janvier 1987 et de procéder durant cette période à la fermeture totale de l'entreprise ; que l'obligation pour l'employeur d'obtenir soit l'avis conforme des délégués du personnel, soit l'agrément des salariés eux-mêmes ne concerne que le fractionnement facultatif du congé principal ; qu'en toute hypothèse, le litige opposant les parties ne s'inscrit pas dans le cadre d'un fractionnement de cette cinquième semaine de congé, la société Rexroth-Sigma n'ayant nullement procédé à un " émiettement " de cette cinquième semaine, mais seulement respecté l'article L. 223-3, alinéa 1er ; que la société Rexroth-Sigma a ainsi légitimement décidé de fermer l'établissement pendant une semaine qui correspond de surcroît aux congés scolaires et fêtes de fin d'année, sans recourir à l'avis conforme des délégués du personnel ; qu'enfin, la dualité de régime qui a pu en résulter pour les salariés trouve sa justification dans l'application des dispositions de l'article L. 351-52 du Code du travail ;

ALORS, d'une part, qu'en cas de suspension temporaire d'activité imputable à la conjoncture économique, à des difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie, à un sinistre, à des intempéries de caractère exceptionnel, à une transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise, ou à toute autre circonstance de caractère exceptionnel, les salariés qui restent liés à leur employeur par un contrat de travail bénéficient d'une allocation spécifique dite de " chômage partiel " ;

Qu'un employeur ne peut imputer des journées chômées sur les congés payés institués en vue d'assurer un repos aux travailleurs en considération de leur travail effectif ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la société Rexroth-Sigma avait décidé de fermer l'entreprise en raison de la conjoncture économique, le conseil de prud'hommes n'a pu estimer qu'elle était fondée à imputer cette période de chômage partiel sur les congés payés des salariés, sans violer les dispositions de l'article L. 223-1 et D. 223-5 du Code du travail ;

ALORS, d'autre part, que : (sans intérêt) ;

ALORS, en toute hypothèse, que le conseil de prud'hommes a posé comme postulat que le congé principal des salariés avait eu une durée de 4 semaines ce qui les obligeait nécessairement à fractionner la " cinquième semaine par rapport aux quatre premières " ; qu'en s'abstenant de rechercher si telle était bien la situation des exposants, qui demandaient respectivement le paiement de 2, 5, 3, 3 et 4 jours de congés affectés à la fermeture de fin d'année, le conseil de prud'hommes n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 223-8 du Code du travail ;

ET ALORS, enfin, qu'un employeur ne peut modifier en cours d'exercice le régime des congés payés de sorte que certains salariés se trouveraient privés des droits accordés à d'autres ; qu'en cas de fermeture d'un établissement pour mise en congé annuel du personnel, les travailleurs qui ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier de la totalité de ce congé peuvent prétendre individuellement aux allocations pour privation partielle d'emploi, compte tenu des journées ou des indemnités compensatrices de congés payés dont ils auraient pu bénéficier pendant la période de référence ; qu'en faisant application de ces dispositions qui ne concernent que des salariés ne pouvant bénéficier du maximum des droits à congés payés, à l'espèce où il n'était aucunement contesté que les salariés avaient droit à la totalité de leur congé annuel, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 351-52 du Code du travail et 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre mixte
Numéro d'arrêt : 88-42652
Date de la décision : 10/12/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Chambre mixte

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION - Congés payés - Période de congés - Cinquième semaine de congés payés - Imputation sur une période de fermeture de l'entreprise liée à la conjoncture économique - Conditions - Absence de perte de salaires .

TRAVAIL REGLEMENTATION - Congés payés - Période de congés - Cinquième semaine de congés payés - Date de départ - Fixation par l'employeur - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Etendue - Congés payés - Période de congés - Date de départ - Fixation

Sous réserve du respect des dispositions légales la fixation de la date des congés payés constitue une prérogative de l'employeur et celui-ci peut prévoir que la cinquième semaine de congés payés, qui doit être dissociée des quatre autres, sera prise pendant la fermeture de l'entreprise, peu important que celle-ci ait été décidée pour tenir compte de la conjoncture économique, dès lors que les salariés n'ayant pas épuisé leurs droits à congés payés n'ont subi aucune perte de salaires et ne peuvent donc être indemnisés au titre du chômage partiel.


Références :

Code du travail L223-8

Décision attaquée : Conseil de prud'Hommes de Lyon, 31 mars 1988


Publications
Proposition de citation : Cass. ch. mixte., 10 déc. 1993, pourvoi n°88-42652, Bull. civ. 1993 CH. M. N° 2 p. 2
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1993 CH. M. N° 2 p. 2

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec, président doyen remplaçant le Premier Président empêché .
Avocat général : Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Lassalle.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, M. Delvolvé.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:88.42652
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award