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07/12/1993 | FRANCE | N°93-81120

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 décembre 1993, 93-81120


REJET du pourvoi formé par :
- X... Alain,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 4 février 1993, qui, pour délit de blessures involontaires et infraction aux règles d'hygiène et de sécurité du travail, l'a condamné à 8 000 francs d'amende dont 4 000 francs avec sursis, a ordonné l'affichage et la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 319, 320 du Code pénal, L. 233-5, L. 263-2, R. 233-96 du

Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de m...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Alain,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 4 février 1993, qui, pour délit de blessures involontaires et infraction aux règles d'hygiène et de sécurité du travail, l'a condamné à 8 000 francs d'amende dont 4 000 francs avec sursis, a ordonné l'affichage et la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 319, 320 du Code pénal, L. 233-5, L. 263-2, R. 233-96 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à 3 mois et d'infraction à la réglementation sur la sécurité du travail ;
" aux motifs qu'il est constant que la victime a eu le tort de ne pas repasser en mode " manuel " avant d'entreprendre le nettoyage ; qu'une telle précaution aurait évité l'accident ; qu'en effet, dans ce cas, le heurt du contacteur de porte n'aurait pas entraîné une remise en marche ; que pourtant l'intéressé connaissait cette consigne ; que les experts nationaux désignés par le juge d'instruction n'ont pas relevé de faute au niveau de la formation du salarié ; qu'en effet, Michel Y... travaillait depuis 6 semaines sur cette machine après avoir été mis au courant par un chef d'équipe, avoir travaillé un moment en double sur une machine similaire et avoir reçu la consigne de passer en marche " manuel " avant chaque opération de nettoyage ; que les premiers juges, s'ils ne l'ont pas dit expressément, n'ont pas retenu l'infraction relative à la formation, abandonnée dans le dispositif du jugement ; que, toutefois, la machine n'était pas conforme à la réglementation en matière de sécurité du travail ; qu'en effet l'article R. 233-96 du Code du travail prévoit que les dispositifs, équipements et composants de commande des machines et appareils doivent être conçus, construits et disposés de manière à interdire toute possibilité de mise en marche des machines autrement que par une action volontaire sur les organes de service prévus à cet effet ; que l'article L. 233-5 du Code du travail dispose qu'il est interdit de mettre en vente, de vendre, d'importer, de louer, de céder à quelque titre que ce soit ou d'utiliser des appareils, machines et éléments de machines qui ne sont pas construits, disposés, protégés ou commandés dans des conditions assurant la sécurité et l'hygiène des travailleurs ; que la responsabilité de l'application des dispositions relatives à la sécurité des travailleurs appartient au chef d'entreprise ; que celui-ci est tenu de veiller personnellement à la stricte et constante exécution des dispositions édictées par le Code du travail ou les règlements pris pour son application ; que par l'effet de délégation de pouvoirs, le demandeur, en sa qualité de chef d'établissement, était chargé de cette mission ; que la violation de l'article R. 233-96 du Code du travail établit sa faute personnelle, même s'il bénéficie de larges circonstances atténuantes tenant notamment au fait que le vice de la machine avait échappé tant à l'inspection du Travail, qu'à la caisse régionale d'assurance maladie et au comité d'hygiène et de sécurité ; que cette faute a, par ailleurs, joué un rôle dans la survenance de l'accident ;
" alors que, d'une part, le chef d'entreprise n'est responsable que de sa faute personnelle ; qu'il appartient à la poursuite d'établir à la charge de l'employeur une faute génératrice de l'accident ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'accident est dû à l'inobservation des consignes de sécurité par la victime, cause exclusive de l'accident ; qu'en effet, Y... n'a pas mis la machine en mode " manuel " avant d'entreprendre le nettoyage, qu'une telle précaution aurait évité l'accident, circonstance propre à exclure la faute du demandeur ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient nécessairement ;
" alors, d'autre part, que le lien de causalité entre la faute du prévenu et l'accident doit être certain ; que la seule réalisation de l'accident ne saurait présumer ni l'existence d'une faute ni celle d'un lien de causalité ; qu'en l'espèce, dès lors qu'il est établi que la société Eram Industrie a acheté la machine à la société Lorenzin représentée, en France, par la société GSA qui lui a délivré un certificat de conformité, que la machine a fonctionné durant 5 ans sans aucun accident, que le vice de la machine avait échappé tant à l'inspection du Travail qu'à la caisse régionale d'assurance maladie et au comité d'hygiène et de sécurité, la cour d'appel ne pouvait déclarer le prévenu coupable de blessures involontaires en l'absence de toute faute en relation avec l'accident ;
" alors, enfin, que même en matière d'infraction d'imprudence, l'erreur invincible exclut la responsabilité de l'auteur ; que la Cour ne pouvait, sans se contredire, entrer en voie de condamnation après avoir elle-même constaté que le vice de la machine avait échappé tant à l'inspection du Travail, qu'à la caisse régionale d'assurance maladie et au comité d'hygiène et de sécurité ; qu'il n'était pas possible, dans ces conditions, de faire grief à l'employeur de ne pas avoir découvert un vice que n'avaient pu déceler des professionnels parfaitement avertis ; que la Cour a donc privé de tout fondement légal la qualification de la faute retenue à l'encontre du demandeur " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, dans une usine de la société Eram Industrie, un salarié, affecté au fonctionnement d'une presse servant à la fabrication de semelles de chaussures, a entrepris de débarrasser celle-ci des coulures de matière plastique ; qu'après avoir ouvert le carter de protection, et coupé ainsi l'alimentation électrique de la machine, il a, en procédant à son nettoyage, heurté le contacteur de porte, de sorte que l'appareil s'est remis en marche et que l'ouvrier a été blessé au bras gauche ;
Attendu que pour déclarer Alain X..., directeur de l'établissement, coupable de blessures involontaires et d'infraction aux articles L. 233-5 et R. 233-96 du Code du travail, visés à la prévention, la cour d'appel retient, tant par motifs propres qu'adoptés, que si le salarié a commis une faute en ne plaçant pas la machine en mode manuel, il n'en demeure pas moins que celle-ci n'était pas équipée de manière à interdire sa remise en marche par un geste involontaire, en l'espèce l'appui imprévu d'une partie du corps sur un interrupteur sensible ; que cette méconnaissance des prescriptions de l'article R. 233-96 précité constitue une faute personnelle à la charge du prévenu, en relation de causalité avec le dommage subi par la victime ; qu'il ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en se prévalant de l'absence d'observations de l'administration du Travail ou des organismes de sécurité ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Que les juges ont à bon droit fait application en l'espèce de l'article L. 233-5 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1991, ainsi que de l'article R. 233-96 dudit Code, lequel, bien qu'abrogé par le décret n° 92-767 du 29 juillet 1992, demeure applicable, en vertu de l'article R. 233-1-1 du même Code, issu du décret n° 93-41 du 11 janvier 1993, aux équipements de travail et moyens de protection mis en service dans l'entreprise antérieurement au 15 janvier 1993 ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-81120
Date de la décision : 07/12/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Equipements de travail et moyens de protection - Infraction à l'article R. 233-96 ancien du Code du travail - Article R. 233-1-1 nouveau du Code du travail - Portée.

Selon l'article R. 233-1-1 du Code du travail, issu du décret n° 93-41 du 11 janvier 1993 entré en vigueur le 15 janvier, les équipements de travail et moyens de protection utilisés dans les établissements visés à l'article L. 231-1 du Code précité doivent être maintenus en état de conformité avec les règles techniques de conception et de construction applicables lors de leur mise en service dans l'établissement. Il en résulte que ces équipements de travail et moyens de protection restent soumis aux dispositions du Code du travail antérieures à la loi du 31 décembre 1991 et aux décrets des 29 juillet 1992 et 11 janvier 1993.


Références :

Code du travail L233-5 (rédaction antérieure Loi 91-1414 du 31 décembre 1991)
Code du travail R233-1-1 (décret 93-41 du 11 janvier 1993)
Code du travail R233-96 (rédaction antérieure Décret 92-767 du 29 juillet 1992)

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers (chambre correctionnelle), 04 février 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 déc. 1993, pourvoi n°93-81120, Bull. crim. criminel 1993 N° 375 p. 938
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 375 p. 938

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Galand.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Batut.
Avocat(s) : Avocat : M. Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:93.81120
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