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09/11/1993 | FRANCE | N°92-86598

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 novembre 1993, 92-86598


REJET du pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 12 novembre 1992, qui, pour infraction à la loi relative à l'information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier, l'a condamné à 1 000 francs d'amende, a dit que la mention de la condamnation serait exclue du bulletin n° 2 du casier judiciaire et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1, 3, 17, 18, 19 et 33 de la loi n° 79

-596 du 13 juillet 1979, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contrad...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 12 novembre 1992, qui, pour infraction à la loi relative à l'information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier, l'a condamné à 1 000 francs d'amende, a dit que la mention de la condamnation serait exclue du bulletin n° 2 du casier judiciaire et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1, 3, 17, 18, 19 et 33 de la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'infraction à la loi relative à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier et l'a condamné à une amende et à des dommages-intérêts envers les parties civiles ;
" aux motifs que les dispositions de la loi du 13 juillet 1979 s'appliquent aux prêts qui sont consentis en vue de financer notamment les dépenses relatives à la construction, la réparation, l'amélioration ou l'entretien des immeubles à usage d'habitation, lorsque le montant des dépenses est supérieur à la somme de 140 000 francs ; que le refus par l'architecte de restituer l'acompte versé par les époux Y... est susceptible de constituer l'infraction prévue et réprimée par l'article 33, sous réserve que la loi soit applicable à l'opération conclue entre les époux Y... et le demandeur ; qu'en réalité, seul l'article 19 de la loi du 13 juillet 1979 permet de douter de l'intention du législateur d'assimiler l'intervention d'un architecte à une dépense relative à la construction et de lui faire application du statut protecteur instauré par ce texte ; cet article prévoit que dans l'hypothèse d'une dépense relative à la construction, la condition suspensive de l'article 17 ne pourra résulter, en l'absence d'un contrat signé des deux parties, que d'un avis donné par le maître de l'ouvrage par écrit, avant tout commencement d'exécution des travaux, indiquant qu'il entend en payer le prix, même en partie, avec l'aide d'un ou plusieurs prêts ; que cette disposition déroge à l'alinéa 2 de l'article 18 qui édicte qu'en l'absence de mention relative au financement du prix dans le contrat principal, ce dernier est considéré comme conclu sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt ; que le législateur a entendu écarter le jeu de cette présomption dans le domaine des petits contrats de travaux pour la conclusion desquels il n'est pas d'usage de recourir à un acte écrit ; que le contrat d'architecte étant habituellement conclu en la forme écrite, on peut se demander légitimement si le législateur a voulu inclure ce type de prestation de service parmi les dépenses relatives à la construction ; que cette incertitude est relative dans la mesure où il apparaît clairement que l'esprit de la législation de 1979 consiste à protéger les particuliers candidats à une opération de construction dans le cadre de la signature d'un contrat de construction ou d'un contrat de prestations annexes, mais faisant partie intégrante du budget de construction pour le cas précisément où le financement nécessaire ne serait pas accordé, que si les dispositions dérogatoires de l'article 19 sont mal adaptées à l'économie du contrat d'architecte, celles de l'article 20 sont applicables au contrat de maîtrise d'oeuvre ; que si cette fonction n'est pas spécialement réservée aux architectes, elle relève des attributions habituelles de ces professionnels, que cette disposition instaure une interdépendance, au stade de leur exécution, entre le contrat de prêt et l'opération financée lorsque cette dernière consiste en un contrat de promotion, de construction, de maîtrise d'oeuvre ou d'entreprise ; que les quatre opérations visées par l'article 20, et spécialement la maîtrise d'oeuvre, figurent nécessairement parmi celles qui sont énumérées à l'article 1er et qui délimitent, d'une manière générale, le champ d'application de la loi, qu'il serait singulier que le législateur ait entendu lier la maîtrise d'oeuvre et le prêt destiné à la financer au stade de leur exécution et n'ait pas voulu assurer l'interdépendance de ces mêmes conventions au moment de leur conclusion ; qu'ainsi, il faut considérer que le contrat de maîtrise d'oeuvre signé le 28 avril 1990 est générateur d'une dépense relative à la construction au sens de l'article 1er de la loi du 13 juillet 1979 ; qu'en outre, le seuil de 140 000 francs à partir duquel les dépenses relatives à la construction sont soumises aux dispositions de la loi du 13 juillet 1979, doit tenir compte de l'ensemble des dépenses envisagées globalement ; qu'en l'espèce, le demandeur ne pouvait ignorer que le montant global des dépenses de construction envisagées par les époux Y... excédaient la somme de 140 000 francs, car l'ordre de service du 28 avril 1990 faisait expressément référence à la somme minimale de 400 000 francs ; que de plus, même si elles sont mal adaptées à l'économie du contrat de maîtrise d'oeuvre ou d'architecte, les dispositions de l'article 19 ne font aucune distinction entre les diverses dépenses relatives à la construction et doivent être appliquées aux honoraires de ce dernier ; que toutefois, la présomption établie par l'alinéa 2 de l'article 18 n'est écartée que si les dépenses liées à la construction n'ont pas fait l'objet d'un contrat signé des deux parties ainsi que le précise l'article 19 d'une manière non équivoque ; qu'ainsi l'intervention du demandeur ayant fait l'objet d'un ordre de service écrit et signé des deux parties le 28 avril 1990, cette dernière condition n'est pas remplie et la présomption de l'alinéa 2 de l'article 18 n'a pas été valablement écartée ; que le prévenu apparaît mal venu de se retrancher derrière une prétendue ambiguïté du texte de loi applicable qui n'est pas de nature à le décharger de la responsabilité pénale encourue ;
" alors que, d'une part, il n'appartient pas au juge de suppléer au silence de la loi et de prononcer des peines en dehors des cas limitativement prévus par le législateur ; qu'en l'espèce, l'article 33 de la loi du 13 juillet 1979 punit exclusivement : le prêteur, le vendeur ou le bailleur ; que, par suite, manque de base légale, la décision qui condamne l'architecte qui a exécuté un travail, le maître de l'ouvrage n'étant pas visé par la loi ;
" alors, d'autre part, que l'ensemble des contrats visés par la loi du 13 juillet 1979 sont des contrats immobiliers ; que le contrat d'architecte n'entre pas dans les prévisions du texte ; que la Cour qui reconnaît que l'article 19 de la loi susvisé " permet de douter de l'intention du législateur d'assimiler à une dépense relative à la construction " le contrat d'architecte, établit le caractère ambigu du texte, ce qui suffit à écarter son application en vertu du principe d'interprétation stricte de la loi pénale ; que la Cour invoque à tort les dispositions de l'article 20, applicable à la suspension de l'exécution du contrat de prêt, texte étranger au litige ; qu'il n'appartient pas à la Cour, de raisonner par voie d'analogie et de suppléer au silence de la loi et qu'ainsi le contrat signé le 28 avril 1990 n'est pas générateur d'une dépense relative à la construction au sens de l'article 1er ;
" alors, en outre, que le seuil de 140 000 francs à partir duquel les dépenses relatives à la construction sont soumises aux dispositions de la loi du 13 juillet 1979 doit être apprécié pour chacun des contrats indépendamment des autres marchés passés par le maître de l'ouvrage avec les divers corps de métier ; que la Cour qui, pour écarter la volonté exprimée par le législateur dans les travaux préparatoires de prendre en considération les contrats dans leur individualité invoque le non-respect par le gouvernement de sa parole se fonde sur des motifs étrangers au litige, insusceptibles de fonder en droit la condamnation prononcée ;
" alors, enfin, que le contrat du 28 avril 1990 ne comportant aucune indication relative à la demande d'un prêt, seul l'article 19 devait s'appliquer, la condition suspensive de l'obtention d'un prêt ne pouvant être opposable au maître de l'ouvrage ; que la Cour qui, pour écarter l'application de l'article 19 énonce, tout à la fois, que ses dispositions sont mal adaptées au contrat d'architecte et que les diverses dépenses relatives à la construction doivent être appliquées aux honoraires d'architecte, a statué par des motifs contradictoires et hypothétiques " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les époux Y... ont confié une mission dite d'architecture, en vue de la construction d'une maison individuelle sur un terrain qu'ils devaient acquérir, à Michel X..., agréé en architecture ; que ce dernier a soumis à leur approbation un projet de construction et a diffusé des appels d'offre auprès de divers artisans puis a arrêté le coût total de l'opération à la somme de 568 500 francs que les époux Y... ont approuvé ; que ceux-ci ont sollicité un prêt de 695 000 francs du Crédit agricole mais que ce prêt leur a été refusé en raison de l'insuffisance de leur revenus ;
Attendu que les époux Y..., ayant alors renoncé à leur projet, ont demandé à Michel X... de leur restituer l'acompte de 18 976 francs qu'ils lui avaient versé ; que celui-ci s'y est refusé et leur a réclamé un solde d'honoraires de 20 291, 80 francs ; que, sur plainte des époux Y..., Michel X... est poursuivi pour infraction aux articles 17 et 33 de la loi du 13 juillet 1979 ;
Attendu que, pour écarter les moyens de défense du prévenu et le déclarer coupable de cette infraction, la juridiction du second degré retient que l'acompte sur honoraires versé à Michel X... entre dans les prévisions de l'article 1er de la loi du 13 juillet 1979 qui vise sans distinction toutes les dépenses relatives à la construction d'un immeuble à usage d'habitation et que les dispositions de ladite loi sont applicables en l'espèce, le montant des dépenses engagées, qui doivent être évalués globalement, excédant la somme de 140 000 francs fixé en application du texte précité ;
Attendu que les juges énoncent que la présomption établie par l'alinéa 2 de l'article 18 de la loi selon laquelle, à défaut de précision dans l'acte, et si un prêt a été demandé, le contrat est considéré comme conclu sous la condition suspensive prévue à l'article 17, s'applique à l'acte signé par Michel X... et par les époux Y... ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, qui établissent que la convention conclue par les époux Y... et Michel X... était relative à une opération de construction, et dès lors que l'intervention de l'architecte n'est pas exclue des prévisions de la loi, la cour d'appel, abstraction faite des motifs hypothétiques mais surabondants critiqués par les 2e et 3e branches du moyen, a justifié sa décision, sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1, 3, 17, 18, 19 et 33 de la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'écarter l'application de la loi du 13 juillet 1979 au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
" aux motifs que l'article 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'interdit pas à l'Etat signataire de réglementer de manière contraignante l'exercice d'une profession dès lors que les contraintes ainsi créées sont motivées par la protection d'un intérêt social supérieur et ne sont pas abandonnées à la volonté discrétionnaire du cocontractant ; qu'à supposer qu'un architecte ne puisse refuser d'exécuter sa mission habituelle, une telle sujétion ne serait que le corollaire normal de l'obligation faite au maître de l'ouvrage de recourir à ses services ou encore l'une des applications de l'interdiction du refus de prestation de service dont la légitimité n'est pas discutable ; que la gratuité éventuelle de l'intervention de l'architecte se justifie, quant à elle, par la nécessité de protéger le candidat à la construction recourant à un crédit et, loin d'être laissé à l'arbitraire du client, dépend d'une circonstance indépendante de sa volonté, à savoir la décision de l'établissement de crédit ;
" alors que les dispositions de la loi du 13 juillet 1979 sont en contradiction avec celles de l'article 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elles imposent à une personne l'accomplissement d'un travail à la fois obligatoire et gratuit ; qu'en refusant, néanmoins, d'écarter l'application de la loi du 13 juillet 1979 au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a méconnu l'article 4 susvisé " ;
Attendu que, pour écarter les prétentions du prévenu qui soutenait que les dispositions de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1979 étaient contraires à l'article 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prohibant le travail forcé et obligatoire, la juridiction du second degré retient que ce texte n'interdit pas aux Etats signataires d'établir une réglementation contraignante en vue de la protection d'un intérêt social, dès lors que le caractère contraignant de ladite réglementation n'est pas abandonné à la volonté discrétionnaire de celui qui contracte ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel n'a pas encouru le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-86598
Date de la décision : 09/11/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Loi du 13 juillet 1979 - Domaine d'application - Opérations concernant des immeubles à usage d'habitation - Convention conclue avec un architecte - Condition suspensive de l'obtention d'un prêt - Non-réalisation - Portée.

1° L'intervention de l'architecte n'étant pas exclue des prévisions de la loi du 13 juillet 1979 relative à l'information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier, les sommes versées à celui-ci en vertu d'une convention se rapportant à une opération de construction doivent être remboursées dans les conditions prescrites par l'article 17, alinéa 2, de ladite loi dès lors que la condition suspensive relative à l'obtention d'un prêt immobilier n'a pas été réalisée.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 4 - Prohibition du travail forcé ou obligatoire - Protection des consommateurs - Crédit immobilier - Loi du 13 juillet 1979 - Condition suspensive de l'obtention d'un prêt - Non-réalisation - Remboursement des sommes versées d'avance.

2° Les dispositions de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1979 relative à l'information et à la protection des consommateurs dans le domaine immobilier ne sont pas contraires à l'article 4.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prohibant le travail forcé ou obligatoire dès lors que le caractère contraignant de la réglementation, édictée en vue de la protection d'un intérêt social, n'est pas abandonné à la volonté discrétionnaire de celui qui contracte.


Références :

2° :
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 4
Loi 79-596 du 13 juillet 1979 art. 1, art. 17 al 2, art. 33

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers (chambre correctionnelle), 12 novembre 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 nov. 1993, pourvoi n°92-86598, Bull. crim. criminel 1993 N° 331 p. 827
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 331 p. 827

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Libouban.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Jean Simon.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Vier et Barthélemy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.86598
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