Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches :
Vu les articles L. 123-4, alinéa 3, et L. 111-3, alinéa 2, du Code de la propriété intellectuelle (articles 23, alinéa 3, et 29, alinéa 2, de la loi du 11 mars 1957) ;
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'après l'expiration du délai de 50 ou 70 années civiles suivant celle du décès de l'auteur, les propriétaires du support matériel de ses oeuvres posthumes sont investis des droits patrimoniaux prévus par le livre I du Code de la propriété intellectuelle (loi du 11 mars 1957), et qu'il leur appartient d'en effectuer la publication, à l'exclusion des détenteurs de simples copies établies et remises sans intention de transmettre le droit d'exploitation virtuellement attaché à la propriété des supports matériels originaux ;
Attendu que la ville de Nantes a, en 1981, acquis des héritiers de Jules Y... les manuscrits de diverses oeuvres inédites de cet écrivain, dont les oeuvres déjà divulguées étaient tombées dans le domaine public en 1970 ; qu'en septembre 1988 elle a cédé à la société Cherche Midi le droit d'effectuer la publication de ces manuscrits ; qu'à la même époque M. Olivier X..., après avoir en vain sollicité son autorisation, a, dans une biographie de Jules Y..., reproduit plusieurs de ces mêmes écrits, dont il se trouvait posséder une copie ; que la ville de Nantes, après avoir fait pratiquer la saisie-contrefaçon d'un exemplaire de cet ouvrage, a assigné M. X... et son éditeur la société Editions de la Manufacture pour demander paiement de dommages-intérêts et une mesure d'interdiction ; que la société Cherche Midi s'est jointe à cette instance ; que l'arrêt infirmatif attaqué, tout en déclarant leurs demandes irrecevables, les en a déboutées ;
Attendu qu'à l'appui de cette décision la cour d'appel a retenu qu'à la date de la parution de l'ouvrage incriminé, la ville de Nantes n'avait pas fait effectuer la publication de ses manuscrits et n'était donc pas encore titulaire du droit d'exploitation qu'elle revendiquait ; que l'arrêt en déduit qu'elle ne pouvait s'opposer à la publication des copies dont M. X... était possesseur de bonne foi et qui, " comportant le contenu " des oeuvres litigieuses, en constituaient le support matériel ;
Attendu qu'en reconnaissant ainsi à M. X..., malgré l'existence de manuscrits, le droit d'exploitation des oeuvres posthumes litigieuses, alors qu'il n'établissait pas qu'il s'en trouvait investi en raison de l'origine des copies en sa possession, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.