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12/10/1993 | FRANCE | N°92-81538

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 octobre 1993, 92-81538


REJET des pourvois formés par :
- X... Y... Z... et autres,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 6 mars 1992, qui, dans la procédure suivie contre eux à la requête de A..., du chef de diffamation publique envers un particulier, après avoir rejeté l'exception de nullité des citations, les a condamnés, X... à 3 000 francs d'amende, les autres, à l'exception de Z..., à 1 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en dema

nde, en défense, en réplique et en duplique ;
Sur les faits et la procédure :
A...

REJET des pourvois formés par :
- X... Y... Z... et autres,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 6 mars 1992, qui, dans la procédure suivie contre eux à la requête de A..., du chef de diffamation publique envers un particulier, après avoir rejeté l'exception de nullité des citations, les a condamnés, X... à 3 000 francs d'amende, les autres, à l'exception de Z..., à 1 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense, en réplique et en duplique ;
Sur les faits et la procédure :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 27 novembre 1989, A..., docteur en médecine, chef du service de chirurgie orthopédique et traumatique au centre hospitalier de B..., s'est constituée partie civile devant le juge d'instruction de Limoges en portant plainte pour diffamation publique sur le fondement des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881,
1) contre les membres du conseil municipal de cette commune qui avaient voté le 29 septembre 1989 la délibération suivante : " le conseil municipal : se félicite du bon fonctionnement de la majorité des services de l'hôpital de B... ; regrette que le service orthopédique ternisse la bonne image de marque du centre hospitalier ; demande aux pouvoirs publics de prendre en compte les nombreuses délibérations de la commission médicale d'établissement et du conseil d'administration, organe délibérant, rejetant la nomination du docteur A... sur le poste de chirurgien orthopédiste ; attire l'attention sur l'absolue nécessité de transformer les lits de chirurgie orthopédique en lits de chirurgie générale avec un seul chef de service assisté d'une chirurgie polyvalente hospitalière et cela à compter du 1er janvier 1990 pour la sauvegarde de l'hôpital public " ;
2) contre le directeur de la publication du journal Le Populaire du Centre qui, dans son édition du 2 octobre 1989, avait diffusé un article intitulé " la situation de l'hôpital au centre des débats du conseil municipal " commentant la délibération susvisée ;
Qu'après la désignation, en application de l'article 681 du Code de procédure pénale, alors en vigueur, par arrêt de la Cour de Cassation en date du 17 janvier 1990, de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Limoges pour être chargée de l'instruction à raison de la qualité de maire et d'adjoints de certaines personnes mises en cause, A... a renouvelé sa plainte avec constitution de partie civile devant cette dernière juridiction ;
Qu'à l'issue de l'information, vingt membres du conseil municipal dont le maire X... ainsi que C..., directeur de la publication du journal Le Populaire du Centre ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef du délit de diffamation publique envers un particulier prévu et puni par les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Que les prévenus ont été cités à raison des faits ci-dessus articulés et qualifiés tant par exploits délivrés entre le 9 et le 12 septembre 1991 à la requête du procureur de la République que par ceux délivrés les 30 et 31 octobre 1991 à la requête de la partie civile ;
Que les 17 et 18 septembre 1991, les prévenus ont fait signifier des offres de preuve de la vérité des faits diffamatoires, lesquelles ont été suivies le 24 septembre 1991 et le 7 novembre 1991 d'offres de preuve contraire respectivement notifiées à la requête du procureur de la République et de la partie civile ;
Que par jugement du 4 décembre 1991, C... a seul été déclaré coupable, les autres prévenus ayant été relaxés ;
Que sur l'appel de C..., celui du procureur de la République excluant Z... et celui de la partie civile excluant Y... est intervenu l'arrêt attaqué contenant, outre les dispositions susvisées, la relaxe de C... ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 29, alinéa 1er, 31, 32, alinéas 1 et 3, de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué déclare valables les citations introductives d'instance délivrées aux prévenus et condamne ceux-ci pour diffamation sur le fondement des articles 29, alinéas 1 et 3, de la loi du 29 juillet 1881 ;
" alors qu'en l'espèce, la plaignante étant chef de service dans un centre hospitalier ayant le caractère d'un établissement public et les faits poursuivis présentant un rapport direct avec les fonctions ou la qualité de cette plaignante, la cour d'appel qui a fait application des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 au lieu de constater, comme elle aurait dû le faire, que les citations délivrées étaient nulles, faute de viser l'article 31 de cette loi, seul applicable aux faits poursuivis, a méconnu les textes susvisés " ;
Attendu que les citations à comparaître délivrées postérieurement à un arrêt de renvoi devant la juridiction correctionnelle n'étant pas soumises aux prescriptions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, le moyen, qui est inopérant, ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 29, alinéa 1er, 32, alinéas 1 et 3, de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué déclare les prévenus coupables de diffamation, les condamne à diverses peines, ainsi qu'aux réparations civiles et aux dépens ;
" aux motifs que les membres du conseil municipal de B... sollicitent leur relaxe en faisant valoir que les éléments du délit de diffamation ne sont pas réunis ; qu'ils ont offert de prouver et qu'ils ont effectivement établi que le service de chirurgie orthopédique et traumatologique de l'hôpital de B... posait des problèmes de gestion, puisque l'activité enregistrée en 1989 était en baisse sensible par rapport à celle de 1988 tant en nombre d'entrées et de journées qu'en nombre d'interventions pratiquées ; qu'ils soutiennent, dès lors, qu'ils étaient fondés à révéler publiquement ce fait qui découle de leur responsabilité d'élus parce que ce mauvais fonctionnement du service mettait en cause l'équilibre général du budget de l'hôpital et que leur bonne foi est totale puisqu'ils n'ont été animés que par la seule défense de l'intérêt public ; mais que les élus poursuivis de B... ne se sont pas limités à dénoncer le mauvais fonctionnement économique du service de chirurgie orthopédique puisqu'ils ont publiquement regretté que ce service ternisse la bonne image de marque de l'hôpital tout entier et qu'ils ont mis personnellement en cause son chef, en le désignant expressément, et en demandant que sa nomination soit rejetée ; qu'en agissant de la sorte, les prévenus ont laissé entendre que le docteur A... ne remplissait pas son rôle de médecin chef de service, qu'il ne jouissait plus de la confiance de ses malades et que ce rejet atteignait, par ricochet, l'ensemble de l'hôpital, allégations qui constituent une atteinte à sa considération morale et professionnelle ; que dans ces conditions, les prévenus qui voulaient, par leur délibération, faire pression sur les autorités pour obtenir la réorganisation du service et le départ du docteur A... ne peuvent être considérés comme ayant agi de bonne foi (arrêt p. 11 et 12) ;
" alors que, d'une part, le fait d'évoquer dans la délibération du 29 septembre 1989 le mauvais fonctionnement du service de chirurgie orthopédique et de constater, eu égard aux circonstances résultant notamment du rapport du conseil d'administration de l'hôpital, la responsabilité du médecin qui dirigeait ce service, n'a aucun caractère diffamatoire ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, les membres du conseil municipal, tenus d'informer la population locale du dysfonctionnement du service de chirurgie orthopédique, susceptible d'avoir un rententissement sur les finances locales, dans une délibération destinée à appuyer auprès des pouvoirs publics les avis et les décisions des organes délibérants de l'hôpital, en vue de résoudre rapidement une situaiton financière préoccupante, ont pu légitimement, sans encourir le grief de diffamation, indiquer que, par son mauvais fonctionnement, le service de chirurgie orthopédique, dont le chef de service était le docteur A..., ternissait l'image de marque de l'hôpital ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de diffamation publique envers un particulier, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que l'activité du service de chirurgie orthopédique enregistrée en 1989 était en baisse sensible par rapport à 1988 tant en nombre d'entrées et de journées qu'en nombre d'interventions pratiquées, énonce qu'en regrettant que ce service ternît la bonne image de marque de l'hôpital tout entier et en mettant nommément en cause le chef dudit service dans la délibération dont ils avaient voté les termes, lesdits prévenus ont laissé entendre que le docteur A... ne remplissait pas son rôle de médecin chef de service et ne jouissait plus de la confiance de ses malades ; que ces imputations étaient de nature à porter atteinte à la considération morale et professionnelle de la plaignante ;
Que les prévenus, qui voulaient, par leur délibération, faire pression sur les autorités pour obtenir la réorganisation du service et le départ du docteur A..., ne peuvent être considérés comme ayant agi de bonne foi ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations déduites pour partie d'éléments extrinsèques échappant au contrôle de la Cour de Cassation, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ;
Que, d'une part, la diffamation par insinuation entre dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Que, d'autre part, la considération professionnelle est protégée par ce texte au même titre que la considération morale ;
Qu'enfin, l'intention de renseigner le public ne saurait à elle seule constituer un fait justificatif de la bonne foi ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-81538
Date de la décision : 12/10/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Procédure - Citation - Mentions obligatoires - Citation délivrée après arrêt de renvoi (non).

PRESSE - Procédure - Citation - Nullité - Domaine d'application - Citation délivrée après arrêt de renvoi (non).

1° Les citations à comparaître délivrées postérieurement à un arrêt de renvoi devant la juridiction correctionnelle ne sont pas soumises aux prescriptions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881(1).

2° PRESSE - Diffamation - Allégation ou imputation d'un fait précis - Forme - Forme déguisée - dubitative ou insinuation.

2° La diffamation par insinuation entre dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881(2).

3° PRESSE - Diffamation - Atteinte à l'honneur et à la considération - Atteinte à la considération professionnelle.

3° La considération professionnelle est protégée par l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, au même titre que la considération morale(3). Il en est ainsi notamment à l'égard d'un médecin-chef de service hospitalier.


Références :

1° :
3° :
Loi du 29 juillet 1881 art. 29
Loi du 29 juillet 1881 art. 53

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges (chambre correctionnelle), 06 mars 1992

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1987-12-22, Bulletin criminel 1987, n° 483 (3), p. 1272 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1990-06-06, Bulletin criminel 1990, n° 229 (1), p. 583 (cassation). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1920-01-24, Bulletin criminel 1920, n° 41, p. 58 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1950-01-05, Bulletin criminel 1950, n° 2, p. 2 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1950-02-23, Bulletin criminel 1950, n° 69, p. 107 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1960-06-10, Bulletin criminel 1960, n° 313, p. 636 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1978-03-29, Bulletin criminel 1978, n° 118, p. 303 (action publique éteinte et rejet) ;

Chambre criminelle, 1991-03-19, Bulletin criminel 1991, n° 132 (3), p. 331 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1991-05-23, Bulletin criminel 1991, n° 219 (1), p. 557 (rejet). CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1960-03-23, Bulletin criminel 1960, n° 159, p. 335 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1978-03-02, Bulletin criminel 1978, n° 82, p. 210 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1993-01-26, Bulletin criminel 1993, n° 42 (1), p. 98 (rejet), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1993-07-06, Bulletin criminel 1993, n° 242, p. 603 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 oct. 1993, pourvoi n°92-81538, Bull. crim. criminel 1993 N° 289 p. 726
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 289 p. 726

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Monestié.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Nicolay et de Lanouvelle, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.81538
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