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09/08/1993 | FRANCE | N°90-87591

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 août 1993, 90-87591


REJET du pourvoi formé par :
- X... René,
- Y... Roland,
- Z... Jean,
- A... Daniel,
- B... Didier,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 8 novembre 1990, qui les a condamnés, les quatre premiers, pour dégradation de site classé, le dernier, pour complicité de ce délit, chacun à 2 000 francs d'amende, a ordonné la confiscation du produit du délit et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des a

rticles 257 du Code pénal, 22 de la loi du 2 mai 1930, 593 du Code de procédure pénale, dé...

REJET du pourvoi formé par :
- X... René,
- Y... Roland,
- Z... Jean,
- A... Daniel,
- B... Didier,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 8 novembre 1990, qui les a condamnés, les quatre premiers, pour dégradation de site classé, le dernier, pour complicité de ce délit, chacun à 2 000 francs d'amende, a ordonné la confiscation du produit du délit et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 257 du Code pénal, 22 de la loi du 2 mai 1930, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré René X..., Roland Y..., Jean Z... et Daniel A... coupables d'avoir à Chamonix en 1985 intentionnellement détruit, mutilé ou dégradé un site classé ;
" aux motifs que " le massif du Mont-Blanc a été classé comme site national par arrêté du 14 juin 1951 publié le 22 février 1952 au Journal officiel ; que les cristaux de quartz constituent l'une des curiosités et l'une des richesses naturelles du massif du Mont-Blanc ; qu'ils font nécessairement partie des éléments que le classement du site a pour but de protéger ; qu'il résulte, tant de l'expertise ordonnée par la chambre d'accusation que des déclarations des prévenus, que si occasionnellement des cristaux peuvent être découverts à la base des parois, le travail des cristalliers consiste à rechercher dans les parois granitiques des filons et surtout des cavités appelées fours rendus accessibles par l'érosion ; qu'ils en retirent ou en dégagent les cristaux qui peuvent l'être, si besoin est, à l'aide de burins et massettes ; qu'une telle activité est bien l'extraction de minéraux, l'extraction consistant à retirer une chose de l'endroit où elle se trouve enfouie ou enfoncée, que l'extraction de minéraux, qui sont parties intégrantes du site protégé, a pour effet de le dégrader en supprimant une partie de sa substance ; que les intéressés n'ignorent pas la situation résultant du classement du massif en 1951 ; que les prévenus peuvent d'autant moins se prévaloir du maintien à leur profit d'une tolérance pour une activité traditionnelle qu'ils ne sont pas conformés aux méthodes qui étaient les siennes en ayant recours à l'hélicoptère comme moyen de transport ; qu'ils ont exposé eux-mêmes à l'audience que la pénibilité du travail était grandement réduite par la dépose au pied des parois et par le transport des cristaux dans la vallée et qu'il faut craindre que, facilitée par l'utilisation de moyens modernes, l'exploitation des cristaux prenne une extension démesurée ; que l'activité des cristalliers obéit d'abord à des mobiles lucratifs ; qu'à la supposer réelle, la volonté des prévenus de protéger les cristaux des effets de l'érosion auxquels ils sont soumis à l'air libre ou de la lèpre chloriteuse, qui altèrerait progressivement leur surface, ne peut constituer un fait justificatif ; que l'intention de dégrader le site est suffisamment établie par le fait d'extraire volontairement des minéraux qui en sont parties intégrantes et de se les approprier ; que tous les éléments du délit visé à la prévention sont réunis (cf. arrêt p. 4 et 5) " ;
" 1° alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les pièces de la procédure ; que dans les procès-verbaux d'interrogatoire, les inculpés ont toujours affirmé s'être contentés de " ramasser les plaques de quartz qui se sont détachées par l'érosion " ; qu'en affirmant, dès lors, que les quatre intéressés reconnaissaient qu'exerçant accessoirement l'activité traditionnelle de cristallier, ils avaient effectivement " extrait " des cristaux de quartz dans le massif du Mont-Blanc, la cour d'appel a dénaturé les pièces de la procédure, en violation des articles susvisés ;
" 2° alors que le délit de dégradation intentionnelle d'un site classé suppose la constatation du fait matériel de dégradation du site, constitué par l'altération du site dans sa structure et dans sa morphologie ; que si l'extraction de minéraux par destruction de la roche à l'aide d'explosifs constitue une telle dégradation, il n'en est pas de même du dégagement de minéraux dans des cavités accessibles par l'érosion, à l'aide de burins et de massettes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 3° alors que la cour d'appel a constaté, d'une part, qu'il résulte de l'expertise que le travail des cristalliers consiste à rechercher dans les parois granitiques des filons et surtout des cavités appelées fours rendus accessibles par l'érosion, l'expert ayant précisé que les cristaux étaient apparents et largement désolidarisés de la roche mère ; qu'en énonçant, d'autre part, qu'une telle activité est bien l'extraction de minéraux, l'extraction consistant à retirer une chose de l'endroit où elle se trouve enfouie ou enfoncée, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation des textes susvisés ;
" 4° alors que l'élément intentionnel du délit est caractérisé par la connaissance du prévenu que l'acte reproché devait nécessairement entraîner des dégradations ; que le seul fait d'extraire volontairement des minéraux qui sont parties intégrantes de la roche et de se les approprier n'implique pas nécessairement la connaissance du caractère inévitablement dommageable de cet acte ; qu'en décidant le contraire, pour retenir l'élément intentionnel du délit, la cour d'appel a encore violé les textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 59, 60, 257 du Code pénal, 22 de la loi du 2 mai 1930, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Didier B... coupable de s'être rendu complice du délit de dégradation intentionnelle de site classé en assistant les auteurs de l'action dans les faits qui l'auront préparée ou facilitée ou dans ceux qui l'auront consommée ;
" aux motifs que " en août 1985, la gendarmerie de Chamonix entendait Didier B..., pilote d'hélicoptère de la société Safe, qui reconnaissait qu'au cours de l'été, il avait effectué, pour le compte de René X..., Roland Y..., Jean Z... et Daniel A... qu'il connaissait comme cristalliers, une dizaine d'opérations de pose et dépose au cours desquelles il avait transporté dans la vallée des sacs dont il se doutait bien qu'ils contenaient des cristaux ; que Didier B... a, en connaissance de cause, aidé ses coprévenus dans les faits qui ont facilité le délit (cf. arrêt p. 4 et 5) " ;
" 1° alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les pièces de la procédure ; qu'il résulte du procès-verbal d'interrogatoire de Didier B... qu'il ne connaissait pas le contenu des sacs ; qu'en affirmant que Didier B... se doutait bien que les sacs transportés contenaient des cristaux, la cour d'appel a dénaturé les pièces de la procédure, en violation des textes susvisés ;
" 2° alors que la complicité exige pour être punissable une intention coupable chez son auteur qui consiste en la conscience de l'aide apportée à une infraction ; qu'en se bornant à affirmer que Didier B... avait, en connaissance de cause, aidé ses coprévenus dans les faits à l'origine du délit, sans constater qu'il avait eu réellement conscience de l'aide apportée à des dégradations de la montagne, et non pas seulement connaissance d'une aide apportée à du ramassage de minéraux sans dégradations, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les guides X..., Y..., Z... et A..., qui exercent accessoirement l'activité de cristallier, ont, courant 1985, prélevé dans le massif du Mont-Blanc plusieurs tonnes de cristaux qu'ils ont ensuite transportés à l'aide d'un hélicoptère piloté par B... ; que le massif du Mont-Blanc ayant été classé site national par arrêté du 14 juin 1951, ils sont poursuivis, les quatre premiers, pour dégradation volontaire de site classé, infraction prévue par l'article 22 de la loi modifiée du 2 mai 1930 et réprimée par l'article 257 du Code pénal, le dernier, pour complicité de ce délit ;
Attendu que, pour les retenir dans les liens de la prévention, la cour d'appel énonce que l'extraction, à l'aide de burins et de massettes, de cristaux de quartz du sein de la paroi granitique où ils se trouvent, dans des filons ou cavités appelés fours, a pour effet de dégrader le site protégé en supprimant partie de sa substance et que l'intention délictueuse résulte suffisamment du caractère volontaire de ces dégradations et de l'appropriation des minéraux ainsi obtenus ; qu'elle ajoute que B... a, en connaissance de cause, aidé ses coprévenus dans les faits qui ont facilité le délit ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs qui caractérisent en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les infractions reprochées aux demandeurs, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il s'ensuit que le moyen, qui se borne à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-87591
Date de la décision : 09/08/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DESTRUCTIONS, DEGRADATIONS, DOMMAGES - Dégradation de monuments et d'objets d'utilité publique - Site classé - Dégradation - Eléments constitutifs.

L'extraction, à l'aide de burins et de massettes, de cristaux de quartz du sein de la paroi granitique où ils se trouvent, dans des filons ou cavités appelés fours, a pour effet de supprimer partie de la substance du site protégé et constitue une dégradation volontaire de site classé, infraction prévue par l'article 22 de la loi modifiée du 2 mai 1930 et réprimée par l'article 257 du Code pénal.


Références :

Code pénal 257
Loi du 02 mai 1930 art. 22

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry (chambre correctionnelle), 08 novembre 1990


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 aoû. 1993, pourvoi n°90-87591, Bull. crim. criminel 1993 N° 254 p. 653
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 254 p. 653

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Tacchella, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Mouillard.
Avocat(s) : Avocat : M. Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:90.87591
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