CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 10 juillet 1992, qui, après relaxe de Y... du chef de détournement d'objets confiés à sa garde, l'a débouté de ses demandes.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 6 de la loi du 13 juillet 1965, 406 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, 220-1 et 220-2 du Code civil, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé la prévenue des fins de la poursuite du chef de détournement d'objets confiés à sa garde par ordonnance du juge aux affaires matrimoniales du 13 novembre 1985 ;
" aux motifs que le délit n'existe qu'à partir du moment où une interdiction a été prononcée par une décision de justice régulièrement notifiée et exécutoire ; qu'un détournement commis avant cette date échappe à toute sanction pénale ; que c'est à tort que les premiers juges ont admis qu'un acte, non délictueux à l'origine, l'était devenu ultérieurement et qu'ils ont attribué, en fait, un effet rétroactif à l'ordonnance du 12 novembre 1985 ; qu'il convient d'observer que la durée des mesures prises en vertu de l'article 220-1 du Code civil doit être déterminée et qu'en l'espèce, l'interdiction prononcée par le magistrat conciliateur l'a été pour une durée de 2 ans et n'a pas été renouvelée ; que les premiers juges se sont abstenus de préciser à quelle date Y... aurait pu commettre l'infraction qui lui était reprochée, alors que celle-ci ne pouvait plus être retenue pour des faits survenus plus de 2 ans après la décision initiale ;
" alors, d'une part, qu'en affirmant, contre les éléments du dossier, que l'ordonnance du juge conciliateur prohibant le déplacement des objets placés sous la garde de la prévenue n'avait pas été renouvelée, cependant que cette ordonnance avait été prorogée pour une durée de 3 ans par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 9 novembre 1987, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors, d'autre part, que le délit de détournement d'objets placés sous la garde d'un conjoint par ordonnance du juge conciliateur est constitué dès lors qu'après signification de ladite ordonnance et mise en demeure de représenter ces objets, ce dernier ne s'exécute pas ; qu'il en est ainsi même lorsque les objets ont été déplacés avant la signification de l'ordonnance dès lors que le gardien en a conservé la possession, la volonté frauduleuse résultant alors du seul refus de représentation au conjoint qui en fait la demande ;
" qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'ordonnance du juge conciliateur du 12 novembre 1985, plaçant les biens communs sous sa garde, a été signifiée à Mme Y... le 16 janvier 1986 et qu'après cette signification et mise en demeure demeurée sans effet, notifiée à cette dernière, de représenter les objets appartenant à la communauté ou personnels à M. X..., un inventaire du mobilier se trouvant au domicile conjugal, effectué par huissier de justice le 24 juin 1986, a fait apparaître que la quasi-totalité du mobilier, des bibelots et objets de valeur ainsi que de l'outillage appartenant en commun aux époux avait disparu ;
" qu'au moment de la signification de l'ordonnance plaçant les biens communs sous sa garde, la prévenue n'a fait aucune réserve et n'a pas, notamment, déclaré en avoir perdu la possession ;
" que cette absence de protestation établit qu'à la date de la signification de cette ordonnance, les objets étaient toujours, au domicile conjugal ou ailleurs, en possession de la prévenue ;
" qu'il s'ensuit qu'en refusant de représenter à M. X... les objets confiés à sa garde et de lui restituer ses biens personnels et professionnels ainsi que l'outillage, la prévenue a commis le détournement qui lui est reproché ;
" alors enfin qu'en se bornant à affirmer que l'information avait permis de démontrer que Y... avait transporté des meubles hors du domicile conjugal entre le mois d'août et le mois de décembre 1985 et les avait dissimulés chez MM. Z... et A..., sans constater que la totalité du mobilier commun et des affaires personnelles de M. X... avait aussi été déplacée au cours de cette période et s'était accompagnée d'une perte de leur possession par la prévenue, de sorte que, étant établi que la quasi-totalité des biens mobiliers, bibelots et objets de valeur avait disparu en juin 1986, il n'est nullement exclu que les autres biens mobiliers ceux qui n'ont pas été retrouvés chez MM. Z... et A... aient été détournés postérieurement à la signification de l'ordonnance du juge aux affaires matrimoniales, la cour d'appel n'a pas légalement justifié la relaxe dont elle a fait bénéficier la prévenue " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que caractérise le détournement, au sens de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1965, le refus opposé sans justification par l'un des époux de restituer les meubles corporels, confiés à sa garde, après signification de l'ordonnance faisant interdiction de les déplacer ou d'en disposer ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, par une ordonnance de non-conciliation du 12 novembre 1985, signifiée à Y..., épouse de X..., le 16 janvier 1986, le juge aux affaires matrimoniales a attribué à celle-ci la jouissance du logement commun, et fait défense aux époux, en application de l'article 220-1 du Code civil, de déplacer les meubles ou de disposer des biens communs sans l'accord préalable du conjoint, à l'exception de ceux dont l'usage était personnellement attribué à X... ;
Attendu que, sur plainte du mari, Y... a été renvoyée devant la juridiction correctionnelle pour avoir, depuis le 16 janvier 1986, détourné les meubles corporels confiés à sa garde, fait prévu et puni par l'article 6 de la loi du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matimoniaux ;
Attendu que, pour la relaxer de ce délit, la cour d'appel énonce que les détournements, commis par l'épouse avant la signification de l'ordonnance prévue aux articles 220-1 et 220-2 du Code civil, échappent à toute sanction pénale ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, sans rechercher si la prévenue ne s'était pas, après la signification de cette ordonnance, opposée sans raison valable à la demande de restitution légitime de son mari, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 10 juillet 1992, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans.