Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 mars 1990), que Mme X..., engagée en novembre 1961 par la société Marcel Sautejeau, en qualité de manoeuvre spécialisé, a été plusieurs fois en arrêt de travail pour cause de maladie, au cours de l'année 1986 ; que le 24 décembre 1986, lors d'une visite de reprise du travail, le médecin du Travail l'a déclarée apte à reprendre son travail mais seulement à mi-temps ; que la salariée ayant fait connaître à son employeur, par lettre du 26 décembre 1986, qu'elle acceptait un emploi à mi-temps, l'employeur lui a répondu le 29 décembre suivant qu'il n'avait pas de poste de cette nature dans son entreprise et lui a adressé le 7 février 1987 une lettre prenant acte de la rupture du contrat de travail pour inaptitude à travailler à temps complet et en raison de l'absence d'emploi à temps partiel à proposer ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat de travail lui était imputable et présentait un caractère abusif alors, selon le moyen, qu'il appartient au juge de caractériser le manquement de l'employeur à son obligation de prendre en considération les propositions de modification ou de transformation de poste formulées par le médecin du Travail ; qu'en l'espèce, il ressort des propres énonciations et constatations de l'arrêt attaqué, qu'informé les 26 et 29 décembre 1986 par le médecin du Travail de l'inaptitude de la salariée à exercer un emploi à plein temps, l'employeur lui avait répondu le 29 décembre 1986, le 5 janvier et le 2 février 1987 qu'aucun poste à mi-temps n'était disponible dans l'entreprise, et n'avait finalement pris acte de la rupture du contrat de travail que le 7 février 1987, soit plus d'un mois après réception de l'avis du médecin du Travail ; qu'en déclarant que l'employeur avait agi de façon " hâtive " et n'avait pas étudié de manière réfléchie les propositions du médecin du travail, sans préciser les éléments ou circonstances de fait lui permettant de justifier une telle affirmation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 241-10-1 du Code du travail ; alors que pas plus que le salarié, l'employeur ne peut se voir imposer unilatéralement une modification substantielle du contrat de travail ; que l'employeur n'est, par suite, jamais tenu de prendre en considération les propositions du médecin du Travail lorsqu'elles portent, non pas sur les modalités d'exercice des fonctions du salarié, mais sur un élément substantiel du contrat de travail ; qu'en déclarant que l'employeur était tenu de rechercher s'il pouvait reclasser la salariée, embauchée pour un emploi à plein temps, dans un emploi à temps partiel, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et les articles L. 121-1 et L. 241-10-1 du Code du travail ; alors qu'en toute hypothèse, sauf preuve d'un détournement de pouvoir, l'employeur est seul juge de l'opportunité des mesures touchant à l'organisation du travail au sein de l'entreprise, et n'a pas même à s'expliquer sur les raisons pour lesquelles il n'entend pas créer, supprimer ou transformer un poste de travail ; qu'en déclarant que la rupture du contrat de travail de la salariée s'analysait en un licenciement qui présentait de surcroît un caractère abusif, au motif qu'il eût été " apparemment possible ", en l'absence de preuve contraire rapportée par l'employeur, de transformer le poste à temps complet de la salariée par deux postes à temps partiel pouvant bénéficier à cette dernière ainsi qu'à une de ses collègues qui souhaitait également ne plus travailler qu'à mi-temps, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 1134 du Code civil et les articles L. 121-1 et L. 241-10-1 du Code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu, d'une part, que l'employeur, dès qu'il avait eu connaissance de l'inaptitude de la salariée pour exercer son emploi à temps complet, lui avait immédiatement répondu qu'il ne pouvait lui proposer un emploi à temps partiel, se bornant ensuite à lui confirmer sa position initiale, d'autre part, qu'une autre salariée de l'entreprise ayant sollicité, à la même époque, un emploi à mi-temps, l'employeur ne rapportait pas la preuve de son impossibilité de prendre en considération les propositions du médecin du Travail, qu'en l'état de ces constatations d'où il résultait que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement en application de l'article L. 241-10-1 du Code du travail, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les sommes allouées à la salariée, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés-payés sur préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, porteraient intérêt au taux légal à compter du 14 mai 1987, date de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, alors, selon le moyen, que les sommes dues par l'employeur, au titre de la rupture du contrat de travail, présentent un caractère indemnitaire, et portent donc intérêt au taux légal, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du Code civil, à compter de la décision condamnant l'employeur au paiement de ces sommes ; que le juge ne peut décider que ces indemnités porteront intérêt à une date antérieure à sa décision qu'à la condition de préciser et de justifier que ces intérêts présentent un caractère compensatoire ; qu'en déclarant que les intérêts légaux des indemnités allouées à la salariée devaient courir à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation non pas à titre compensatoire, mais au motif que ces indemnités " échappaient à son appréciation ", la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 1153-1 du Code civil ;
Mais attendu d'abord, qu'en ce qui concerne l'indemnité de préavis, l'indemnité compensatrice de congés-payés et l'indemnité conventionnelle de licenciement qui ne sont pas laissées à l'appréciation du juge mais résultent de l'application du contrat de travail et de la convention collective, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que les intérêts des sommes accordées à la salariée couraient, conformément à l'article 1153 du Code civil, du jour de la demande et non de la date de la décision ayant déterminé leur montant ;
Attendu, ensuite, qu'en fixant à une date, autre que celle de sa décision, le point de départ des intérêts de la créance d'indemnité allouée à la salariée en réparation du dommage causé par son licenciement abusif, la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté remise à sa discrétion par l'article 1153-1 du Code civil ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.