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08/06/1993 | FRANCE | N°93-81372

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 juin 1993, 93-81372


REJET du pourvoi formé par :
- X... Guy,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, en date du 2 février 1993, qui, après cassation, l'a renvoyé devant la cour d'assises du département de la Marne pour empoisonnement et délits connexes.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 301 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré qu'il existait contre X... des charges suffisantes d'avoir vol

ontairement attenté à la vie de M. Gilles Y... par l'effet de substances pouvant d...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Guy,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, en date du 2 février 1993, qui, après cassation, l'a renvoyé devant la cour d'assises du département de la Marne pour empoisonnement et délits connexes.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 301 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré qu'il existait contre X... des charges suffisantes d'avoir volontairement attenté à la vie de M. Gilles Y... par l'effet de substances pouvant donner la mort plus ou moins promptement et l'a, en conséquence, renvoyé devant la cour d'assises de la Marne ;
" aux motifs que (...), X... en remettant les médicaments à Y..., par l'intermédiaire de Pascale Z..., ne pouvait pas avoir pour but de les faire déposer dans la chambre du CFPA ; (...) que la découverte des emballages vides des médicaments près du corps de Gilles Y... et un mot " adieu j'en ai marre de la vie " permettent de conclure que Gilles Y... a suivi à la lettre les recommandations de Guy X... formulées dans la voiture en présence de Pascale Z... ; (...) que le crime d'empoisonnement étant consommé, quelles que soient les suites de l'absorption des substances mortifères, il est indifférent que la date d'absorption des médicaments et la date et la cause du décès de Y... soient demeurées inconnues ;
" alors, d'une part, qu'il appartient à la chambre d'accusation de caractériser l'infraction dans tous ses éléments ; que le crime d'empoisonnement suppose que la victime n'ait pas eu connaissance des conséquences que pouvait entraîner l'absorption du produit incriminé ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la Cour que M. Y... avait parfaitement connaissance et conscience des conséquences de l'absorption des médicaments incriminés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour a violé l'article 301 du Code pénal ;
" alors, d'autre part, que la Cour a constaté la remise par X... à la victime des médicaments litigieux, et l'absorption par ce dernier sans contrainte, surprise, menace ou violence et hors la présence du prévenu ; que dès lors, fait défaut l'administration de la substance par le prévenu, nécessaire à caractériser l'élément matériel de l'infraction ; que dès lors, en qualifiant de crime d'empoisonnement la remise par le prévenu des médicaments litigieux dans les circonstances ci-dessus rappelées la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, enfin, que la Cour qui a révélé en tous ses éléments l'infraction de provocation au suicide et qui a par ailleurs relevé que ni la date ni la cause du décès de la victime n'avaient pu être déterminées n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient en qualifiant l'infraction de crime d'empoisonnement " ;
Attendu que, pour renvoyer Guy X... devant la cour d'assises sous l'accusation d'empoisonnement, les juges relèvent qu'à l'occasion d'une enquête menée contre celui-ci pour des faits délictuels, une perquisition effectuée le 8 août 1989 dans la chambre qu'il partageait avec Gilles Y... depuis le début du mois précédent dans un centre de formation professionnelle, a conduit à la découverte du cadavre de ce dernier, à proximité duquel se trouvaient des boîtes de comprimés pharmaceutiques vides, ainsi qu'un message manuscrit laissant supposer qu'il s'était suicidé ; que l'analyse toxicologique pratiquée lors de l'autopsie a révélé que l'organisme de l'intéressé était imprégné, en quantité importante, de trois substances médicamenteuses dont l'association, d'après les experts, provoque un coma profond pouvant en l'absence de soins entraîner la mort ;
Attendu que la chambre d'accusation énonce qu'il ressort de l'information que Guy X..., ayant pris l'ascendant sur Gilles Y..., personnage faible et naïf, aurait incité ce dernier, au mois de juillet 1989, à utiliser frauduleusement son chéquier et sa carte bancaire après en avoir déclaré le vol, puis à retirer en sa présence la totalité de l'argent déposé sur ses comptes, soit la somme de 84 000 francs, que l'inculpé aurait conservée et dépensée en grande partie jusqu'à son interpellation le 7 août 1989 ; que dès le 21 juillet, Gilles Y... s'inquiétant des suites éventuelles de ses actes frauduleux, Guy X... lui aurait conseillé d'absorber une quantité importante de médicaments pour simuler une tentative de suicide et échapper ainsi aux poursuites judiciaires, en prétendant avoir agi lui-même de la sorte avec succès dans le passé ; que le jour du retrait de la somme précitée, grâce à deux ordonnances médicales délivrées à l'inculpé les 27 juin et 18 juillet 1989, celui-ci se serait procuré plusieurs boîtes de médicaments ; que, selon les déclarations de son amie, présente au moment des faits, il aurait recommandé à Gilles Y... d'avaler l'ensemble des cachets, et de ne pas oublier de laisser un écrit indiquant " qu'il en avait marre de la vie " ; que la chambre d'accusation énonce, à cet égard, que la remise à la victime, en vue de leur absorption, de médicaments susceptibles d'entraîner son décès, constitue l'acte d'administration visé par l'article 301 du Code pénal ; qu'elle ajoute qu'il n'importe que Gilles Y... ait eu connaissance des effets nocifs des produits, dès lors qu'il n'avait nullement l'intention de mettre fin à ses jours, et que l'inculpé lui aurait promis d'alerter les secours dans les deux heures suivant la prise des médicaments ; qu'elle précise que l'élément matériel de l'infraction a été réalisé dès l'absorption de ceux-ci, indépendamment des circonstances de fait ultérieures ;
Attendu, enfin, que pour caractériser la volonté criminelle du demandeur, les juges retiennent que celui-ci connaissait l'effet mortifère de la prise massive des produits remis à la victime, pour en avoir absorbé une dose infime au cours d'une période de détention en 1986, dans le but d'impressionner l'administration pénitentiaire ; qu'en outre, le soir des faits, il aurait déclaré dans un bar, " il n'en a plus pour longtemps ", et le lendemain, aurait indiqué à un tiers que " le coup avait réussi " ;
Attendu qu'en cet état, le renvoi de l'inculpé sous l'accusation d'empoisonnement est légalement justifié ; que les chambres d'accusation, en statuant sur les charges de culpabilité, apprécient souverainement au point de vue des faits tous les éléments constitutifs des infractions, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si la qualification qu'elles leur ont donnée justifie le renvoi de l'inculpé devant la juridiction de jugement ; que tel est le cas en l'espèce ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle le demandeur est renvoyé, que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

EMPOISONNEMENT - Eléments constitutifs - Elément légal - Administration d'une substance de nature à provoquer la mort - Définition.

Constitue l'acte d'administration visé par l'article 301 du Code pénal la remise à la victime, en vue de son absorption, d'un produit de nature à entraîner son décès.


Références :

Code pénal 301

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy (chambre d'accusation), 02 février 1993


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 08 jui. 1993, pourvoi n°93-81372, Bull. crim. criminel 1993 N° 203 p. 506
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 203 p. 506
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Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumont, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Libouban.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Batut.
Avocat(s) : Avocat : M. Vuitton.

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 08/06/1993
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 93-81372
Numéro NOR : JURITEXT000007066107 ?
Numéro d'affaire : 93-81372
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1993-06-08;93.81372 ?
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