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11/05/1993 | FRANCE | N°91-84605

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mai 1993, 91-84605


REJET du pourvoi formé par :
- X...,
- Y...,
- la société anonyme Z...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, chambre correctionnelle, en date du 10 juillet 1991, qui a condamné, des chefs de diffamation publique envers un particulier, et diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, X... et Y... à une amende de 4 000 francs chacun, déclaré la société Z... civilement responsable, et prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la

violation des articles 400 et 512 du Code de procédure pénale, manque de base légale...

REJET du pourvoi formé par :
- X...,
- Y...,
- la société anonyme Z...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, chambre correctionnelle, en date du 10 juillet 1991, qui a condamné, des chefs de diffamation publique envers un particulier, et diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, X... et Y... à une amende de 4 000 francs chacun, déclaré la société Z... civilement responsable, et prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 400 et 512 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué ne constate pas la publicité de l'audience du 19 juin 1991 durant laquelle se sont déroulés les débats du fond ;
" alors que selon l'article 400 du Code de procédure pénale rendu applicable en cause d'appel par l'article 512 du même Code, les audiences sont publiques ; que l'omission de cette constatation substantielle prive l'arrêt attaqué des conditions essentielles de son existence légale " ;
Attendu que contrairement à ce qui est allégué, l'arrêt attaqué mentionne que la cause a été appelée et débattue " à l'audience publique du 19 juin 1991 " ; qu'ainsi, le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 35, 55 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, 8 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de déclarer prescrite l'action publique poursuivie contre les prévenus ;
" aux motifs que, par jugement en date du 2 mars 1989, le tribunal correctionnel a sursis à statuer jusqu'à décision définitive sur l'action également engagée par A... contre B... et C... ; que ces derniers ayant été cités par la défense comme témoins ne pouvaient être entendus dès lors qu'ils avaient la qualité de prévenus dans une procédure étroitement liée à la présente instance ; que les juges étant tenus de surseoir à statuer jusqu'à la disparition de cet empêchement, c'est bien un obstacle absolu fondé sur les droits de la défense qui a été ainsi opposé à l'exercice de l'action publique de sorte que la prescription s'en est trouvée suspendue ;
" alors que le sursis à statuer, qui ne s'imposait pas au juge correctionnel en application des dispositions de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, ne pouvait avoir un effet suspensif de prescription que s'il constituait un obstacle absolu privant la partie civile de toute possibilité d'agir ; que ne revêt pas un tel caractère une décision qui ne met aucun obstacle légal à la poursuite de l'instance et à la délivrance d'actes de poursuite permettant à la partie civile d'assurer la sauvegarde de ses droits par la notification d'actes manifestant qu'ainsi, en décidant que le jugement de sursis à statuer entraînait une suspension de la prescription de l'action publique, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;
Attendu que par exploit du 17 janvier 1989, A... a fait citer directement devant le tribunal correctionnel X..., directeur de la publication du journal Z..., et Y..., journaliste, en raison de la publication, dans le numéro 218 de cet hebdomadaire, daté des 5 au 11 janvier 1989, d'un article le mettant en cause, intitulé " Les municipales tapent sur les nerfs de la gauche ", surtitré " Clichy : rififi dans la ville de l'homme de l'année ", et sous-titré " L'ancien maire de Clichy, Jacques D..., est aujourd'hui à Bruxelles. Pendant ce temps, ses camarades de parti s'entre-déchirent " ; que la citation a reproduit divers passages de l'article imputant à A... d'une part d'être responsable de l'agression, pendant la campagne électorale, d'une autre candidate aux élections municipales, d'autre part d'avoir, en qualité de maire, privilégié, à travers une société d'économie mixte d'équipement et de rénovation urbaine, les intérêts de sociétés privées, notamment ceux d'une société de construction ; que les faits articulés ont été qualifiés respectivement de diffamation publique envers un particulier, sur le fondement de l'article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, et de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, sur le fondement de l'article 31, alinéa 1er, de ladite loi ;
Attendu que les prévenus ayant, en application de l'article 55 de la même loi, dénoncé les noms de deux témoins, B... et C..., dont l'article incriminé relatait l'agression, le tribunal correctionnel a, par jugement du 2 mars 1989, sursis à statuer jusqu'à décision définitive sur l'action en diffamation directement engagée contre ceux-ci par A... ;
Attendu que les personnes ainsi susceptibles de témoigner sur la vérité des faits ont été déclarées coupables de diffamation envers A..., par arrêt de la cour d'appel de Versailles, en date du 26 janvier 1990, devenu définitif ;
Attendu que la poursuite a été reprise à la requête de la partie civile, par citation du 25 avril 1990, réitérée le 11 juillet 1990 ;
Attendu que pour écarter l'exception de prescription invoquée par les prévenus et prise de l'absence d'acte interruptif de la prescription entre le 2 mars 1989 et le 25 avril 1990, les juges relèvent que les prévenus avaient eux-mêmes sollicité le sursis à statuer en faisant valoir qu'ils ne pouvaient être privés d'un moyen de preuve prévu par la loi et intéressant leur défense, et qu'ils se trouvaient empêchés d'administrer cette preuve par un obstacle invincible et indépendant de leur volonté ; que l'arrêt ajoute que les juges étaient tenus de surseoir à statuer sur la poursuite en diffamation jusqu'à la disparition de cet empêchement, et qu'en raison de cet obstacle absolu à l'exercice de l'action publique, la prescription a été suspendue du 2 mars 1989 au 26 janvier 1990 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, loin de méconnaître les textes visés au moyen, en a fait l'exacte application ;
Qu'en effet, d'après l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, lorsque le fait imputé est l'objet de poursuites commencées, il est obligatoirement sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation, si la preuve de la vérité du fait diffamatoire est légalement prohibée ; qu'il en est ainsi, non seulement dans les cas expressément visés par ledit article, mais encore lorsqu'un témoin, poursuivi dans une autre procédure, se trouve appelé à déposer sous la foi du serment en application de l'article 55 de ladite loi, et que les faits diffamatoires sont en rapport étroit avec ceux qui ont motivé sa poursuite ; qu'en pareil cas, le prévenu de diffamation ne pouvant être privé d'un moyen de preuve intéressant sa défense, et les juges ayant l'obligation de surseoir à statuer jusqu'à la disparition de cet empêchement, la prescription de l'action publique se trouve suspendue par cet obstacle de droit qui met la partie poursuivante dans l'impossibilité d'agir ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 29, alinéa 1, 35 bis et 42 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré MM. X... et Y... coupables de diffamation publique envers un particulier ;
" alors que l'imputation diffamatoire est justifiée lorsque son auteur a entendu rapporter des faits à la connaissance de ses lecteurs sans exagération ni agressivité ou présentation tendancieuse ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que l'article litigieux s'inscrit dans le cadre d'une campagne électorale dont il entendait rapporter les affrontements entre deux candidats en éclairant le public, en toute objectivité, sur le climat de cette campagne et sur les accusations portées au cours de cette campagne ; qu'en refusant de reconnaître que les prévenus n'avaient fait qu'accomplir strictement et sans passion leur devoir de journalistes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que l'arrêt énonce, par motifs adoptés, que l'exercice du droit et du devoir d'information trouve ses limites dans l'obligation de prudence et d'objectivité qui s'impose à lui et qui l'astreint à s'assurer de l'exactitude des informations recueillies et à ne les publier qu'après les avoir sérieusement vérifiées ; qu'ayant constaté que ces obligations n'avaient pas été respectées en l'espèce, les juges ajoutent que la bonne foi des prévenus ne peut être retenue ;
Attendu qu'en cet état, les juges ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pouvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-84605
Date de la décision : 11/05/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Procédure - Action publique - Sursis à statuer - Diffamation - Fait imputé faisant l'objet de poursuites pénales - Sursis obligatoire - Cas.

1° D'après l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, lorsque le fait imputé est l'objet de poursuites commencées, il est obligatoirement sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation, si la preuve de la vérité du fait diffamatoire est légalement prohibée. Il en est ainsi, non seulement dans les cas expressément visés par ledit article, mais encore lorsqu'un témoin, poursuivi dans une autre procédure, se trouve appelé à déposer sous la foi du serment en application de l'article 55 de ladite loi, et que les faits diffamatoires sont en rapport étroit avec ceux qui ont motivé sa poursuite(1).

2° PRESSE - Procédure - Action publique - Extinction - Prescription - Délai - Suspension - Sursis à statuer obligatoire - Suspension jusqu'à la disparition de l'empêchement de témoigner.

2° PRESCRIPTION - Action publique - Suspension - Presse - Sursis à statuer obligatoire - Suspension jusqu'à la disparition de l'empêchement de témoigner.

2° Le prévenu de diffamation, qui a dénoncé un témoin empêché de déposer sous serment, ne pouvant être privé d'un moyen de preuve intéressant sa défense, et les juges ayant l'obligation de surseoir à statuer jusqu'à la disparition de cet empêchement, la prescription de l'action publique se trouve suspendue par cet obstacle de droit qui met la partie poursuivante dans l'impossibilité d'agir(2).


Références :

1° :
2° :
Loi du 29 juillet 1881 art. 35, art. 55
Loi du 29 juillet 1881 art. 65

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (chambre correctionnelle), 10 juillet 1991

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1978-12-18, Bulletin criminel 1978, n° 358, p. 933 (cassation). CONFER : (2°). (2) A comparer : Chambre criminelle, 1987-10-27, Bulletin criminel 1987, n° 374, p. 992 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1988-10-11, Bulletin criminel 1988, n° 345, p. 928 (action publique éteinte et rejet) ;

Chambre criminelle, 1989-11-14, Bulletin criminel 1989, n° 413 (3), p. 1000 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1990-06-07, Bulletin criminel 1990, n° 235, p. 605 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1992-05-26, Bulletin criminel 1992, n° 212 (3), p. 585 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mai. 1993, pourvoi n°91-84605, Bull. crim. criminel 1993 N° 172 p. 438
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 172 p. 438

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumont, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Libouban.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Lemaitre et Monod.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.84605
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