Sur le moyen unique :
Attendu qu'à la suite de revendications professionnelles non satisfaites, une partie du personnel de l'usine de la société Le Tabac reconstitué, devenue la société LTR Industrie, s'est mis en grève, observant du 20 mars au 24 avril 1981 une série d'arrêts de travail courts mais répétés ; qu'avant chaque arrêt, les opérations de vidange et de nettoyage de la machine ont été effectuées ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Rennes, 10 mai 1991), de l'avoir déboutée de son action en responsabilité dirigée tant contre le syndicat CGT que contre plusieurs salariés grévistes, alors que, selon le moyen, d'une part, la cour d'appel qui constate que les arrêts de travail ont entraîné, outre des temps de travail improductifs, des gaspillages d'énergie et des frais fixes, des perturbations dans l'organisation du travail, une surcharge de la station d'épuration, l'augmentation des contrôles opérés par le laboratoire sur le produit fabriqué dont la qualité était altérée par les arrêts, ce qui a permis d'éviter des plaintes de la clientèle, ce qui caractérise une désorganisation grave et anormale de l'entreprise, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'en évinçaient en violation de l'article 1382 du code civil ; alors que, d'autre part, en déniant la réalité de la désorganisation de l'entreprise sans avoir égard au fait invoqué par la société dans ses conclusions d'appel que les arrêts de travail litigieux avaient désorganisé totalement les circuits de commercialisation et, entraînant la saturation des installations de stockage des déchets, avaient finalement contraint la société à prendre la décision d'arrêter la production le 25 avril 1981, ce qui établissait que l'ensemble de l'entreprise avait été effectivement désorganisé, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors qu'enfin, en estimant que les faits d'entrave à la liberté du travail du personnel non gréviste n'étaient pas suffisamment caractérisés par des énonciations peu précises résultant d'un constat établi par un huissier de justice le 25 mars 1981, sans examiner le procès-verbal de constat établi par cet huissier le lendemain 26 mars, invoqué par la société dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, qu'appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve soumis aux débats, la cour d'appel a estimé que les faits d'entrave à la liberté du travail reprochés aux grévistes n'étaient pas établis ;
Attendu, ensuite, que, répondant aux conclusions, elle a relevé que les arrêts successifs de travail avaient seulement provoqué une désorganisation de la production, tandis que l'entreprise, elle-même, qui n'avait pas perdu sa clientèle, n'avait pas été désorganisée ; qu'elle a pu, dès lors, écarter tout abus du droit de grève ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.