Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 17 mai 1990), que Mme X..., après avoir été agréée en qualité de diffuseur de presse, a acquis un fonds de commerce à Paris, le 18 juin 1985 ; qu'elle était fournie en quotidiens et périodiques par la Société nouvelles messageries de la presse parisienne (la société) ; que, le 13 novembre 1986, cette dernière a notifié à Mme X... la résiliation du contrat de diffuseur pour fautes graves, avec effet au lendemain ; que Mme X... a assigné la société en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale et injustifiée du contrat ; que la cour d'appel a accueilli cette demande ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que le mandat d'intérêt commun est celui dans lequel la réalisation de l'objet du mandat présente pour le mandant et le mandataire, l'intérêt d'un essor de l'entreprise par création et développement de la clientèle ; que tel n'est pas le cas du contrat conclu entre la société et Mme X..., diffuseur de presse, dont la cour d'appel a relevé qu'il ne comportait aucun risque financier pour le mandataire, constatant ainsi l'absence d'intérêt de ce dernier d'un essor de l'entreprise du mandant ; qu'en décidant toutefois que le contrat litigieux était un mandat d'intérêt commun, la cour d'appel a violé les articles 1984 et 2004 du Code civil ; qu'en tout état de cause, le diffuseur vendant des journaux pour le compte de la société, mais en son nom propre, la cour d'appel aurait dû requalifier le contrat en contrat de commission à durée indéterminée, et en déduire qu'il pouvait être rompu par le commettant, même sans justifier d'une cause légitime ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 12 du nouveau Code de procédure civile, 1984 du Code civil et 94 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que Mme X... recevait les journaux livrés par des employés de la société, qu'elle les diffusait et qu'il résulte de la comptabilité établie par la société que Mme X... était rémunérée par elle, l'arrêt retient que la brochure éditée par la société précise que le diffuseur de presse " n'acquiert pas la propriété des journaux et périodiques qui lui sont confiés en vue de la vente " et a la qualité de " mandataire ", qualité qui est également reconnue par l'administration fiscale ; que l'arrêt retient encore qu'après la résiliation du contrat, le fonds de commerce de Mme X..., qui exerçait " les activités commerciales de librairie, papeterie, journaux, bonneterie, mercerie, parfumerie, confiserie ", a subi, du fait de la perte de la vente des journaux, une diminution de valeur, ce dont il résulte que Mme X... avait un intérêt à la diffusion des journaux que lui livrait la société, c'est-à-dire à l'exécution de l'objet du contrat, peu important l'absence de risque financier résultant de la reprise des exemplaires invendus ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement décidé que le contrat liant Mme X... à la société, constituait un mandat d'intérêt commun ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :
Attendu que, la société reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que le mandat d'intérêt commun à durée indéterminée peut être révoqué sans justes motifs, si les parties en sont convenues, ou si cela résulte des usages conventionnels ; qu'en l'espèce, ayant relevé que les obligations contractuelles des parties découlaient en l'absence d'un contrat écrit, des usages en matière de distribution de presse et que la société soutenait que le contrat était révocable ad nutum, la cour d'appel ne pouvait pas exiger une cause légitime de révocation, sans rechercher si les usages de la profession n'écartaient pas une telle exigence ; qu'en n'effectuant pas cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 2004 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, la cause légitime de révocation d'un mandat d'intérêt commun n'est pas nécessairement une faute du mandataire ; qu'en condamnant le mandant, au seul motif de l'absence de faute du mandataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2004 du Code civil ; et alors, enfin, qu'aux termes de l'article 1927 du Code civil, le dépositaire ne peut s'exonérer de son obligation de restitution que s'il prouve son absence de faute ; qu'en l'espèce, en décidant que Mme X... n'avait pas méconnu son obligation de restitution, parce qu'il n'était pas établi que le nombre manquant d'invendus restitués était imputable à Mme X..., et qu'ainsi la société ne prouvait pas l'existence d'une cause légitime de rupture, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et violé les articles 1315, 1927 et 2004 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que les fautes de Mme X... étant seules invoquées à l'appui de la résiliation du contrat et que les usages professionnels ne prévalant pas sur la loi, la cour d'appel n'avait pas à effectuer les recherches inopérantes visées aux deux premières branches du moyen, le mandat d'intérêt commun étant, par nature, irrévocable ad nutum ;
Attendu, en second lieu, que la preuve de la faute du mandataire incombant au mandant, c'est sans inverser la charge de la preuve que l'arrêt retient que les circonstances de fait ne permettent pas d'imputer à Mme X... les fautes qui lui étaient reprochées par la société ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.