CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Hugues, prévenu,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 21 février 1992, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'escroqueries, a prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné X... à payer à l'UBP, une somme totale de 561 797, 34 francs ;
" aux motifs que s'agissant de la créance sur la société BP, les faits reprochés à X... avaient déterminé l'UBP à accorder indûment à la SARL une ligne de crédit de 235 776, 60 francs et ce, en raison des agissements frauduleux de l'intéressé, caractérisés par la remise d'un bordereau et d'une facture faisant état d'une créance inexistante ;
" s'agissant de la créance sur la société Swarowski France, X... avait cédé une créance inexistante, avait trompé l'UBP en utilisant le mécanisme de la cession de créance de la loi Dailly, manoeuvres frauduleuses qui avaient déterminé l'UBP à accorder à la SARL Agence II une ligne de crédit de 137 576 francs ;
" s'agissant de la créance sur la société Distriparf, X... avait cédé une créance inexistante pour obtenir indûment au bénéfice de la SARL Agence II, une ligne de crédit et ce, en faisant usage de manoeuvres frauduleuses caractérisées par la présentation d'un bordereau auquel était jointe en annexe une facture sans valeur ;
" alors que la présentation d'une facture réclamant une somme non due ne constitue qu'un mensonge écrit insusceptible, à lui seul, de caractériser le délit d'escroquerie dès lors qu'il ne s'y joint aucun fait extérieur, aucun acte matériel, aucune mise en scène ou intervention de tiers destinés à donner force et crédit à l'allégation mensongère ; qu'en l'espèce, à supposer, ce qui n'est admis que pour les besoins de la discussion, que les factures transmises à l'UBP pour cession de créance aient été relatives à des prestations inexistantes, elles ne constituaient qu'un mensonge écrit ne caractérisant pas les manoeuvres frauduleuses nécessaires pour constituer le délit d'escroquerie ; que, dès lors, la condamnation de X... est illégale " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné X... à payer à l'UBP, la somme de 235 776, 80 francs au titre de la cession de créance sur la société BP France ;
" aux motifs que la créance faisant l'objet de la cession n'avait aucune existence le 18 mai 1989 ; que l'explication de X... relative à une erreur qui se serait produite, alors qu'il avait signé lui-même le bordereau de cession et qu'il n'avait informé BP France de la prétendue " erreur " que bien après la remise du bordereau et à la suite de la réclamation de BP France, devait être écartée ; que dès lors, les faits dont s'agit avaient déterminé l'UBP à accorder indûment à la SARL une ligne de crédit de 235 776, 60 francs et ce, en raison des agissements frauduleux de l'intéressé caractérisés par la remise d'un bordereau et d'une facture faisant état d'une créance inexistante ;
" alors, d'une part, que dans ses conclusions demeurées sans réponse, X... avait fait valoir qu'il avait, dès le 5 juin 1989, demandé à l'UBP d'annuler la cession de créance effectuée sur la société BP France et avait, le même jour, remis à l'établissement bancaire, remise dont l'existence avait été reconnue par l'UBP, un chèque d'un montant de 235 776, 80 francs équivalant exactement au montant de la créance cédée et établi par la société Stimula 2 (société du groupe Eminence Grise dont faisait partie l'agence II), qui avait, elle aussi, facturé la société BP du même montant pour la prestation de publicité et en avait reçu le règlement ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le 5 juin 1989, l'UBP avait effectivement reçu le dépôt d'un chèque de 235 776, 80 francs correspondant au montant de la créance cédée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, d'autre part, que, contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, X... n'a jamais reconnu que la société Agence II n'avait effectué aucune prestation au profit de BP ; qu'il résulte du jugement dont il demandait la confirmation que la société Agence II avait, en réalité, effectué la prestation pour la société BP France en qualité de sous-traitant de la société Stimula 2, et que les deux sociétés appartenaient au même groupe, ce qui expliquait l'incident de facturation ; qu'en affirmant, contre les déclarations mêmes de X..., que celui-ci avait reconnu n'avoir jamais effectué aucune prestation pour le compte de la société BP, cependant qu'en définitive, il n'était pas contesté que la société Stimula 2 avait réglé à Agence II le montant de 235 776, 80 francs correspondant à la prestation effectuée par cette dernière pour la société BP et que cette somme avait été remise à l'UBP, la cour d'appel a, derechef, privé sa décision de base légale " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1315 du Code civil, 405 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt affirmatif attaqué a condamné X... à payer à l'UBP la somme de 137 576 francs au titre de la cession de créance sur la société Swarowski France ;
" aux motifs que X... avait cédé une créance inexistante et avait trompé l'UBP en utilisant le mécanisme de la cession de créance de la loi Dailly, manoeuvres frauduleuses qui avaient déterminé l'UBP à accorder à la SARL Agence II une ligne de crédit de 137 576 francs ;
" alors, d'une part, que la Cour qui constate que la société Agence II avait répondu à un appel d'offres de la société Swarowski pour le compte de laquelle elle avait engagé des frais, ne pouvait, sans renverser la charge de la preuve, déclarer que la preuve du remboursement de tels frais incombait à X... ; qu'en effet, il appartenait à la société bénéficiaire de la soumission de démontrer que les frais engagés pour son compte à cette occasion n'étaient pas dus ; que l'arrêt attaqué, qui entérine un renversement de la charge de la preuve, n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que celui qui a engagé des frais pour le compte d'une entreprise en répondant à un appel d'offres de cette dernière peut, sans mauvaise foi, facturer le remboursement des frais dès lors que l'entreprise demanderesse n'a pas exclu, dans l'appel d'offres, la possibilité d'un tel remboursement ; qu'en déclarant que X... avait, de mauvaise foi, facturé le remboursement des frais engagés pour le compte de la société Swarowski France à l'occasion de la soumission d'un projet d'études demandé par cette dernière sans constater que la société demanderesse avait exclu, dans son appel d'offres, le remboursement de tels frais, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des article 405 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné X... à payer à l'UBP la somme de 188 444, 54 francs au titre de la cession de créance sur la société Distriparf ;
" aux motifs qu'il résultait de l'annulation de la facture litigieuse par X... qu'en fait, le 29 juin 1989, la créance cédée n'avait aucune consistance réelle et qu'elle ne pouvait même pas être regardée au sens de l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1981, qu'elle était à terme du fait qu'elle comportait la mention " valeur en votre aimable règlement par chèque " sans indication d'un terme ; que X... avait cédé une créance inexistante pour obtenir indûment, au bénéfice de la SARL Agence II, une ligne de crédit et ce, en faisant usage de manoeuvres frauduleuses caractérisées par la présentation d'un bordereau auquel était jointe en annexe une facture sans valeur ;
" alors, d'une part, que l'escroquerie suppose que la remise a été obtenue à la suite de manoeuvres qui l'ont déterminée ; que, faute d'avoir précisé la date à laquelle avait été émis l'avoir annulant la facture émise le 20 juin 1989 sur la société Distriparf et cédée le 29 juin 1989 à l'UBP, la cour d'appel n'a pas établi l'inexistence de la créance à la date de la cession qui en a été faite ; que, dès lors, la condamnation de X... n'a pas de base légale ;
" alors, d'autre part, que, dans ses conclusions demeurées sans réponse, X... avait fait valoir que la créance cédée le 29 juin 1989 était afférente à un contrat de fourniture d'espaces publicitaires conclu avec la société Distriparf le 5 juin 1989 et résultant de l'acceptation par cette dernière du devis que la société Agence II lui avait adressé le 1er juin 1989, et que seules les modalités de règlement initialement convenues avaient été modifiées ; qu'il résulte d'ailleurs des énonciations du jugement dont X... demandait la confirmation que la facturation litigieuse avait été modifiée par un avenant du 24 juillet 1989 qui prévoyait un paiement fractionné après chaque parution ; qu'en se bornant, dès lors, à affirmer que les factures étaient fantaisistes et que la créance était inexistante, sans constater que la prestation à l'origine de la facturation de la créance cédée le 29 juin 1989 n'existait pas, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, enfin, que dès lors que l'avenant en date du 24 juillet 1989 prévoyant un paiement fractionné de la prestation était postérieur à la cession de créance du 29 juin 1989, X... a pu, sans mauvaise foi, s'abstenir de faire mention d'un terme sur la facture afférente à la créance cédée, mention qu'au demeurant l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1981 n'exige nullement " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que la charge de la preuve de la culpabilité du prévenu incombe à la partie poursuivante ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que l'Union des Banques à Paris, a, par application de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1981, consenti à l'agence que dirigeait Hubert X... un crédit à l'appui duquel celui-ci a produit trois factures ; que X... a été poursuivi du chef d'escroquerie ; que, retenant que la banque avait obtenu un remboursement partiel, que les prestations dont le payement était demandé avaient été effectuées, fût-ce en qualité de sous-traitant, ou qu'un avenant postérieur à la convention en avait aménagé le règlement, les premiers juges ont relaxé le prévenu ;
Attendu que, pour infirmer cette décision, sur le seul appel de l'UBP, la cour d'appel, par les motifs reproduits aux moyens, se borne à énoncer que la première facture n'avait aucune existence à la date de la cession, qu'à l'égard de la deuxième, le prévenu ne prouvait pas sa bonne foi, que le cédé contestait la dette inscrite sur la dernière ;
Mais attendu qu'en l'état de tels motifs, et alors que, selon l'article 1er de la loi du 2 janvier 1981, peuvent être cédées non seulement les créances liquides ou exigibles ou à terme, mais aussi celles résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir, et dont le montant ou l'exigibilité ne sont pas encore déterminés, la cour d'appel, qui a omis de s'assurer si les factures présentées ne remplissaient aucune de ces conditions, ou si elles revêtaient un caractère fictif, et qui a renversé la charge de la preuve, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 21 février 1992, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans.