Attendu que par acte authentique du 30 mai 1972, la ville de Pantin a vendu à la Société civile immobilière des ... à Pantin un terrain, ainsi que les constructions y existant, dont une à usage de caserne de pompiers ; que la SCI a consenti à la ville un délai de 24 mois pour transférer ailleurs les services de la caserne et en effectuer la démolition complète et la remise du terrain nu en état ; que, par acte du 6 avril 1973 conclu avec le préfet de Paris agissant pour le compte de cette ville, la commune de Pantin a consenti un nouveau bail de 3 ans à la ville de Paris " pour les besoins des services d'incendie de la banlieue " ; que la SCI n'ayant pu obtenir l'exécution de son obligation par la ville de Pantin l'a fait assigner devant le juge des référés pour condamnation, sous astreinte, à démolir la caserne ; que le juge des référés a enjoint à la ville de Pantin de procéder à la démolition sollicitée dans un délai de 8 mois à compter de la signification de l'ordonnance ; qu'en cause d'appel, la ville de Pantin a décliné la compétence des juridictions judiciaires en invoquant une emprise administrative ; que la SCI a soulevé l'irrecevabilité en appel de l'exception d'incompétence et revendiqué la compétence des tribunaux judiciaires en alléguant une emprise illicite et une voie de fait ; que le ministère public ayant conclu à l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire, les parties ont été autorisées à déposer des notes en délibéré ; que la SCI a soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du maire de Pantin pour représenter la commune, faute d'habilitation à cet effet ; que la cour d'appel a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir présentée par note en délibéré de la SCI, déclaré irrecevable l'exception d'incompétence proposée pour la première fois en appel par la ville de Pantin, mais, par application de l'article 92, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, a infirmé l'ordonnance de référé et renvoyé la SCI à mieux se pourvoir ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté sa fin de non-recevoir, alors, selon le moyen, que le juge du fond a l'obligation de relever d'office les fins de non-recevoir qui ont un caractère d'ordre public ; que l'irrecevabilité tirée de ce qu'un maire n'a pas été autorisé à plaider par une délibération de son conseil municipal est d'ordre public ; qu'en omettant de relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'autorisation donnée au maire par le conseil municipal de la commune de Pantin pour interjeter appel, la cour d'appel a violé l'article 125 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la fin de non-recevoir tirée du défaut d'autorisation d'interjeter appel est édictée dans le seul intérêt de la commune et que, dès lors, il n'est pas permis à l'adversaire de celle-ci de s'en prévaloir ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir débouté la SCI de sa demande en démolition de l'immeuble à usage de caserne de pompiers et de l'avoir renvoyée à mieux se pourvoir, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte des mentions de l'arrêt que l'immeuble affecté à un usage de service public avait été aliéné à une personne de droit privé et que le contrat de vente prévoyait sa démolition dans un délai maximum de 2 années ; qu'il s'ensuit qu'à l'expiration de ce délai prévu par la commune de Pantin et accepté par la SCI, l'immeuble avait cessé de constituer un ouvrage public affecté à un service public, nonobstant le maintien par la caserne des pompiers de son emprise de fait ; qu'en affirmant que l'immeuble aliéné avait continué d'être un ouvrage public après l'expiration du délai prévu pour sa démolition, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 ; alors, d'autre part, que la reconnaissance par l'Administration qu'elle a agi sans titre juridique autorise les tribunaux de l'ordre judiciaire à décider qu'il y a eu emprise irrégulière d'une propriété privée ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt, non contestées par la ville de Pantin, que le contrat de vente avait réservé l'affectation de l'immeuble au fonctionnement du service public pour une durée de 2 ans ; que cette absence de contestation équivaut à la reconnaissance, par la commune, qu'elle n'avait aucun titre pour proroger le contrat de location, de sorte que la cour d'appel était compétente pour constater qu'il y avait eu emprise ayant le caractère d'une occupation irrégulière d'une propriété privée immobilière à l'expiration du délai prévu au contrat ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les articles 92 du nouveau Code de procédure civile et 13 de la loi des 16-24 août 1790 ; et alors, enfin, que les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour constater la nullité de l'acte constituant une voie de fait de l'administration, sans qu'il soit nécessaire que la juridiction administrative constate au préalable l'illégalité de l'acte ; qu'en prorogeant -de surcroît à l'insu du propriétaire- le contrat de location de l'immeuble au bénéfice du service public affectataire, la ville de Pantin a commis une voie de fait qu'il appartenait à la cour d'appel de constater, de sorte qu'ont été violés les articles précités ;
Mais attendu que la cour d'appel énonce que l'immeuble litigieux est affecté à l'hébergement des sapeurs-pompiers depuis 1939, qu'il a été spécialement aménagé pour le service de lutte contre l'incendie et qu'il présentait ainsi, lors de la cession du 30 mai 1972, le caractère d'un ouvrage public ; que les juges du second degré retiennent que l'aliénation de ce bâtiment avec le terrain sur lequel il a été édifié n'a pas pu lui faire perdre ce caractère dès lors que l'acte de vente réservait expressément son affectation au fonctionnement du service public pour une durée de 2 ans, que cette affectation a été prorogée par le contrat administratif de location consenti le 6 avril 1973 par la ville de Pantin et que celle-ci, à l'expiration du bail, n'a pas repris possession de l'édifice dont l'occupation a été poursuivie par le service public affectataire placé sous l'autorité du préfet de police de Paris ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a justement décidé qu'eu égard au principe de l'intangibilité de l'ouvrage public -quand bien même existerait une voie de fait ou une emprise irrégulière- et alors qu'aucune décision formelle de déclassement n'était intervenue, il n'appartenait pas aux tribunaux judiciaires de prescrire une mesure quelconque de nature à porter atteinte à l'intégrité et au fonctionnement d'un ouvrage public et que la juridiction administrative était seule compétente pour connaître du litige ; d'où il suit qu'en aucune de ses trois branches, le moyen n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.