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08/02/1993 | FRANCE | N°91-84601

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 février 1993, 91-84601


CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Pierre,
- Y... André,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, chambre correctionnelle, en date du 27 juin 1991, qui, dans les poursuites exercées contre Pierre X... pour abus de confiance, faux en écriture privée et usage de faux, et contre André Y... pour abus de confiance, a condamné le premier à 18 mois d'emprisonnement dont 15 mois avec sursis et 10 000 francs d'amende, et après condamnation définitive du second à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, a prononcé sur les intér

êts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité...

CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Pierre,
- Y... André,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, chambre correctionnelle, en date du 27 juin 1991, qui, dans les poursuites exercées contre Pierre X... pour abus de confiance, faux en écriture privée et usage de faux, et contre André Y... pour abus de confiance, a condamné le premier à 18 mois d'emprisonnement dont 15 mois avec sursis et 10 000 francs d'amende, et après condamnation définitive du second à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé au nom de Pierre X... : (sans intérêt) ;
Mais sur le second moyen de cassation proposé au nom de Pierre X... et pris de la violation des articles L. 211-11 et suivants du Code de la construction et de l'habitation, 1249 et suivants, 1844-5 du Code civil, 10, 591 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X..., solidairement avec Y..., à payer au Comité inter-professionnel du logement pour l'Eure-et-Loir la somme de 5 210 000 francs, avec intérêts de droit à compter du 7 novembre 1990 ;
" aux motifs qu'il est constant que X... et Y... ont détourné une somme de 5 400 000 francs au préjudice de la SCI " Les Logis de Beauce " ; que celle-ci s'est abstenue de relever appel de la décision des premiers juges, qui la déboutait de toutes les fins de sa demande ; qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, et par application des dispositions de l'article 515, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, les demandes qu'elle a présentées devant la Cour sont irrecevables ; que le CIL d'Eure-et-Loir sollicite l'allocation de 5 200 000 francs en réparation de son préjudice économique, celle de 100 000 francs au titre de son préjudice moral ; que toutefois il n'était ni propriétaire, ni possesseur, ni détenteur des fonds détournés, qui appartenaient à la SCI ; que cependant, il expose que par acte sous seing privé, enregistré le 6 février 1990 avec l'accord du commissaire au plan de redressement de la SCI, il a acheté à la société SONHARP, pour la somme symbolique de 1 franc, les 245 parts de la SCI dont celle-ci était propriétaire ; qu'ainsi, le CIL d'Eure-et-Loir est devenu propriétaire de l'ensemble des parts de la SCI et se trouve subrogé dans les droits de celle-ci ; qu'il peut donc intenter, au lieu et place de celle-ci, les actions dont elle disposait ; qu'en conséquence, la Cour maintiendra l'allocation de la somme de 5 200 000 francs en sa faveur, tout en précisant que, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du Code civil, elle ne portera intérêts de droit qu'à compter du 7 novembre 1990 ;
" alors que, d'une part, les juges, étant tenus de statuer dans les limites des conclusions des parties, ne sauraient, sans commettre d'excès de pouvoir, modifier d'office la cause ou l'objet des demandes qui leur sont soumises ; qu'en l'espèce, le Comité inter-professionnel du logement, ayant demandé, tant devant les premiers juges que dans ses écritures d'appel, à titre principal la somme de 5 200 000 francs, correspondant au détournement reproché à X... et Y..., la Cour, qui après avoir constaté que cet organisme n'était ni propriétaire, ni possesseur, ni détenteur des fonds détournés appartenant à la SCI, ce qui, par conséquent, conduisait nécessairement à l'irrecevabilité de la demande du CIL, a néanmoins fait droit à cette demande en considérant que le CIL, devenu propriétaire de l'intégralité des parts de la SCI, se trouvait subrogé à celle-ci, a, en modifiant ainsi la cause de la demande de cet organisme, entaché sa décision d'excès de pouvoir ;
" alors que, d'autre part, en tout état de cause, aux termes des dispositions de l'article 1844-5 du Code civil, applicable aux sociétés de construction-vente selon l'article L. 211-1 du Code de la construction et de l'habitation, la réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraînant aucunement la dissolution de plein droit de la société, il s'ensuit que, nonobstant l'acquisition par le CIL de l'intégralité de parts de cette SCI, celle-ci demeure une entité juridique distincte du CIL, dont les droits et obligations ne sauraient être considérés comme ipso facto transférés au seul et unique porteur de parts ; que, dès lors, la SCI étant seule propriétaire des fonds détournés, la Cour ne pouvait, sans priver sa décision de toute base légale, condamner solidairement X... à verser le montant de ces sommes détournées au CIL, qui n'en est ni propriétaire, ni possesseur, ni détenteur ;
" alors qu'enfin la subrogation ne pouvant avoir pour effet de conférer à son bénéficiaire davantage de droits que n'en possédait le subrogeant, le caractère définitif, par suite de l'absence d'appel par la SCI de la décision des premiers juges ayant refusé à celle-ci l'indemnisation du préjudice résultant du détournement des sommes lui appartenant, s'imposait nécessairement au CIL, à le supposer subrogé aux droits de la SCI, et excluait par conséquent qu'il puisse lui être alloué en appel réparation à raison de ces détournements ; qu'en décidant du contraire, la Cour, qui a méconnu les règles relatives aux effets de la subrogation, a, là encore, entaché sa décision d'un manque de base légale et de violation des textes visés au moyen " ;
Et sur le moyen unique de cassation proposé au nom de Y... André et pris de la violation des articles 55 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que la Cour a condamné Y... in solidum avec X... à verser la somme de 5 210 000 francs au CIL d'Eure-et-Loir ;
" aux motifs que les délits reprochés à X... et à Y... sont manifestement connexes ; qu'ils procèdent d'une conception unique, sont déterminés par la même cause et tendent au même but ; qu'en application de l'article 55 du Code pénal les deux prévenus seront tenus solidairement des restitutions et dommages-intérêts ; qu'aucun document contractuel n'autorise la Cour à dire que X... devra garantir Y... des condamnations prononcées ;
" alors que, d'une part, la Cour, qui a dans son dispositif condamné Y... in solidum, a méconnu les termes du litige fixés dans les conclusions et violé par fausse application l'article 55 du Code pénal qui prévoit une responsabilité solidaire et non in solidum ;
" alors que, d'autre part, dans ses conclusions, Y... avait fait valoir qu'il avait détourné les sommes litigieuses au profit de la société SONHARP qui, seule, pouvait être condamnée à restitution et que le CIL ne justifiait pas avoir accompli de diligence pour recouvrer sa créance auprès de cette société ; que la Cour, qui n'a pas examiné ce moyen, qui était de nature pourtant à décharger Y... de toute responsabilité, n'a pas justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles précités, ensemble l'article 2 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'un préjudice direct et personnel résultant de l'infraction pénale, ainsi qu'un droit né et actuel peuvent seuls servir de base à l'action civile devant la juridiction répressive ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que la SCI " Les Logis de Beauce " avait pour gérants le Comité interprofessionnel du logement (CIL) et la SARL SONHARP qui détenaient respectivement 255 et 245 parts sur les 500 composant son capital ; que cette société civile a été mise en redressement judiciaire le 21 janvier 1988 ; que Pierre X... et André Y..., cogérants de la société SONHARP sont poursuivis pour avoir détourné en 1986 et 1987 au préjudice de la SCI le premier 4 400 000 francs, le second 1 000 000 francs, sommes qui ne leur avaient été confiées qu'à titre de mandat ;
Attendu que pour condamner solidairement Pierre X... et André Y..., reconnus coupables d'abus de confiance, à payer 5 210 000 francs au Comité interprofessionnel du logement (CIL) en réparation de son préjudice économique et moral, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que cet organisme n'était ni propriétaire, ni possesseur, ni détenteur des fonds détournés qui appartenaient à la SCI " Les Logis de Beauce ", énonce que, par acte sous seing privé, enregistré le 6 février 1990, ledit Comité, avec l'accord du commissaire au plan de redressement, a acheté à la société SONHARP pour la somme symbolique d'un franc, les 245 parts de la SCI dont elle était propriétaire, devenant ainsi le détenteur de la totalité du capital ; que les juges en déduisent que le CIL se trouve subrogé dans les droits de la société civile et peut intenter en ses lieu et place les actions dont elle disposait ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la subrogation alléguée par la partie civile ne pouvait servir de fondement à une action en réparation d'un préjudice personnel et direct, la cour d'appel, à laquelle il appartenait de rechercher l'existence d'un tel préjudice, a méconnu le sens et la portée du principe rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, en date du 27 juin 1991, mais en ses seules dispositions ayant prononcé sur la demande du Comité interprofessionnel du logement d'Eure-et-Loir, partie civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi dans la limite de la cassation prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-84601
Date de la décision : 08/02/1993
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Tiers cessionnaire des parts d'une société civile - Subrogation (non).

ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice personnel - Tiers subrogé dans les droits de la victime (non)

ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Tiers subrogé dans les droits de la victime (non)

La subrogation dans les droits de la victime d'une infraction ne peut être invoquée pour demander l'indemnisation du préjudice résultant de cette infraction, un tel préjudice n'étant ni direct ni personnel pour le tiers subrogé. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui accorde des dommages-intérêts au cessionnaire des parts d'une société civile victime d'un abus de confiance, au motif que cette cession de parts aurait entraîné subrogation dans les droits de ladite société (1).


Références :

Code civil 1249 et suivants, 1844-5
Code de la construction et de l'habitation L211-11 et suivants
Code de procédure pénale 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (chambre correctionnelle), 27 juin 1991

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1984-05-02, Bulletin criminel 1984, n° 150, p. 387 (sous réserve que le moyen publié sous le sommaire ne correspond pas, par suite d'une omission, à ce dernier).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 fév. 1993, pourvoi n°91-84601, Bull. crim. criminel 1993 N° 63 p. 150
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 63 p. 150

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Monestié.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Gondre.
Avocat(s) : Avocats : MM. Odent, Barbey, la SCP Nicolay et de Lanouvelle.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.84601
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