Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'employé par la société des Laboratoires Nicholas, M. X... Hadj a été sanctionné, le 4 septembre 1985, par 5 jours de mise à pied pour avoir, le 24 juillet 1985, refusé d'effectuer un travail commandé par son chef d'équipe et avoir menacé celui-ci ; que cette sanction a été annulée par jugement du 10 février 1986 ; que la société, après s'être désistée de son appel formé contre ce jugement, a notifié, le 5 mars 1986, au salarié, pour le même motif, une mise à pied de 2 jours ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de cette sanction, alors, selon le moyen, que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions du salarié faisant valoir, d'une part, que la prescription de 2 mois, prévue par l'article L. 122-44 du Code du travail, ne pouvait être suspendue par la première procédure prud'homale ayant donné lieu au jugement du 10 février 1986, mais par la seule cause, qui est l'engagement des poursuites pénales, indiquée par l'article L. 122-44 du Code du travail, disposition d'ordre public et d'interprétation limitative ; d'autre part, que plus de 2 mois s'étaient écoulés entre les faits litigieux du 24 juillet 1985, la prise de la première sanction plus d'un mois après, le 4 septembre 1985, et le jugement du 10 février 1986 et la seconde sanction intervenue le 5 mars 1986 ; qu'en admettant même que la procédure prud'homale ait suspendu le cours de la prescription, celle-ci était définitivement acquise le 5 mars 1986 ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article L. 122-44 du Code du travail ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 122-44 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales ; que le conseil de prud'hommes, qui a fait ressortir que les poursuites disciplinaires ayant donné lieu à la sanction annulée avaient été engagées dans ce délai, a légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le salarié fait encore grief à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait, alors, selon le moyen, d'une part, que l'entretien préalable fixé par la convocation le 25 février 1986, s'est déroulé le 4 mars, de sorte que le délai d'un jour franc prévu par l'article L. 122-41 du Code du travail n'a pas été respecté ; alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait décider que la première sanction annulée laissait subsister la procédure disciplinaire antérieure ; qu'en admettant que l'entretien préalable du 28 août 1985 ait pu subsister, malgré l'annulation par le jugement du 10 février 1986, la seconde sanction a été prononcée plus d'un mois après l'entretien préalable du 28 août 1985 ; alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait qualifier de superfétatoire l'entretien du 4 mars 1986, et ce d'autant plus que cet entretien et le délai de réflexion de l'employeur étaient substantiels dans la mesure où des éléments nouveaux étaient intervenus, ayant entraîné, ainsi que le faisait valoir le salarié dans ses écritures, le licenciement du chef d'équipe à la fin du mois de mai 1986 ; que la prise en considération des explications du salarié était de nature à infléchir la position de l'employeur ; qu'en décidant que l'irrégularité de forme n'était pas de nature à permettre l'annulation de la sanction, au motif que le jugement ayant annulé la première sanction pour disproportion, l'entretien était superfétatoire, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 122-41 et L. 122-43 du Code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a exactement décidé que l'annulation de la sanction pour disproportion à la faute commise avait laissé subsister la procédure antérieure ; que le moyen n'est pas fondé ;
Attendu, d'autre part, que le conseil de prud'hommes a fait ressortir que la seconde sanction avait été notifiée dans le mois de la notification de la décision d'annulation de la précédente sanction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1351 du Code civil ;
Attendu que, pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a énoncé que les faits ayant motivé la sanction étaient contestés par le salarié ; que, cependant, M. X... Hadj, qui ne s'est pas pourvu contre le jugement du conseil de prud'hommes du 10 février 1986 annulant pour disproportion la sanction de mise à pied de 5 jours qui lui avait été infligée le 4 septembre 1985, n'est pas fondé à remettre en cause la réalité de la faute qui lui est reprochée, laquelle a été retenue par la décision définitive ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'autorité de chose jugée s'attache au seul dispositif d'un jugement, et que le jugement du 10 février 1986 s'est borné à annuler la décision, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.