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03/02/1993 | FRANCE | N°92-83443

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 février 1993, 92-83443


REJET du pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'assises du Var, en date du 21 mai 1992, qui, sur renvoi après cassation, pour complicité d'introduction et d'exposition sur le territoire français et de circulation irrégulière dans le rayon douanier de billets de banque étrangers contrefaits, l'a condamné à 9 années de réclusion criminelle, à une amende de 2 600 000 francs égale à la valeur des objets de fraude et a ordonné la confiscation des billets contrefaits.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le prem

ier moyen de cassation pris de la violation de l'article 6. 1 de la Convention e...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'assises du Var, en date du 21 mai 1992, qui, sur renvoi après cassation, pour complicité d'introduction et d'exposition sur le territoire français et de circulation irrégulière dans le rayon douanier de billets de banque étrangers contrefaits, l'a condamné à 9 années de réclusion criminelle, à une amende de 2 600 000 francs égale à la valeur des objets de fraude et a ordonné la confiscation des billets contrefaits.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt attaqué (21 mai 1992) a condamné Michel X... à 9 ans de réclusion criminelle ainsi qu'à des sanctions douanières, à raison de faits qui auraient été commis en juillet 1981 ;
" alors que, d'une part, il a été constaté par la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt du 27 novembre 1991 (paragraphes 58 à 71, p. 29 à 33), que X... n'a pas été jugé par les autorités répressives françaises dans un délai raisonnable ;
" et alors que, d'autre part, en matière répressive, le non-respect par les autorités répressives françaises du délai raisonnable qui leur était imparti fait obstacle à ce que la personne poursuivie puisse faire l'objet de sanctions pénales " ;
Attendu qu'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme constatant le non-respect du délai raisonnable au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'il permet à celui qui s'en prévaut de demander réparation, est sans incidence sur la validité des procédures relevant du droit interne ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 6. 1 et 6. 3. d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 316, 324 à 344 et 378 du Code de procédure pénale :
" en ce que la Cour, par un arrêt incident (procès-verbal des débats pages 33 à 37), a estimé pouvoir statuer immédiatement, et sans renvoi, sans avoir entendu MM. Pierre et Georges Y..., Stéphan Z... et Giuseppe A... ;
" aux motifs qu'en l'état de l'instruction à l'audience, les débats ne justifient pas, comme nécessaire à la manifestation de la vérité, un supplément d'information et un renvoi et qu'au demeurant MM. Pierre et Georges Y..., Stéphan Z... et Guiseppe A... n'ont pas la qualité de témoins acquis aux débats ;
" alors que, premièrement, il résulte des déclarations de l'inspecteur B... que le témoignage de Pierre Y... était essentiel, et des déclarations de Daniel D..., que Pierre Y..., auteur des faits, avait entendu en rendre responsable Michel X... ; qu'en omettant de s'expliquer sur ces circonstances, la Cour a insuffisamment motivé son arrêt incident et violé par suite les textes susvisés ;
" alors que, deuxièmement, il résultait également des déclarations de Daniel D... que Georges Y... était le commanditaire de l'opération et qu'en omettant de s'expliquer sur ce point, la Cour a de nouveau entaché son arrêt incident d'une insuffisance de motivation, et partant violé les textes susvisés ;
" alors que, troisièmement, il résulte enfin des déclarations de l'inspecteur B... et également des déclarations de Luigi C... et du témoin Daniel D... que Giuseppe A... était susceptible d'avoir joué un rôle très important dans le déroulement de cette affaire et qu'en omettant de s'expliquer sur ce point la Cour a de nouveau entaché son arrêt incident d'une insuffisance de motivation et partant violé les textes susvisés ;
" et alors que, quatrièmement, il est établi que les participations de Luigi C... et de Stéphan Z... ont été conjointes dans cette affaire ; le témoignage de ce dernier était donc capital, qu'en omettant de s'expliquer sur ce point la Cour a de nouveau entaché son arrêt incident d'une insuffisance de motivation et partant violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que la défense de Michel X... a déposé sur le bureau de la Cour des conclusions tendant à ce que soit ordonné le renvoi de l'affaire " à l'effet de faire rechercher Stéphan Z... et Pierre Y... et de procéder à leur citation ", de " donner acte à l'accusé des réserves qu'il formule sur le caractère non équitable à son égard du présent procès " et " de ce qu'il entend invoquer les dispositions de l'article 6, paragraphe 1er, et 6, paragraphe 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ; que la Cour a rendu un premier arrêt de sursis à statuer " jusqu'à l'achèvement de l'instruction à l'audience " ;
Attendu que de nouvelles conclusions ayant été déposées tendant, outre au renvoi de l'affaire, à ce que soit ordonné un supplément d'information destiné notamment à rechercher le lieu de résidence ou de détention de Pierre Y..., Georges Y..., Giuseppe A... et Stéphan Z... afin de permettre leur audition à la prochaine audience, la Cour, ainsi saisie par la défense de l'accusé et " en tant que de besoin par le président en application de l'article 310 du Code de procédure pénale ", par un nouvel arrêt intervenu au terme de l'instruction à l'audience, a rejeté les demandes de supplément d'information et de renvoi de l'affaire, la comparution ultérieure de Pierre et Georges Y..., Stéphan Z... et Giuseppe A... n'apparaissant plus nécessaire à la manifestation de la vérité ;
Attendu que, pour prononcer de la sorte, la Cour expose que, malgré les recherches effectuées, n'ont pu être localisés les domiciles, résidences, lieux de travail ou de détention en France et à l'étranger de Georges et Pierre Y..., ce dernier faisant l'objet d'une procédure de contumace ; que, pour ce qui est de Stéphan Z... qui " serait actuellement détenu dans un pays étranger en un lieu non précisé ", la Cour observe qu'il a été confronté à plusieurs reprises au cours de l'information judiciaire avec Michel X... et qu'il n'a tenu qu'à ce dernier d'être jugé aux audiences des 13 et 14 décembre 1990 auxquelles il s'est abstenu de comparaître ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la Cour a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales ou conventionnelles invoquées ;
Que le moyen ne peut donc qu'être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 6. 1 et 6. 3. d de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 316, 324 à 344 et 378 du Code de procédure pénale :
" en ce que la Cour, par un arrêt incident (procès-verbal des débats p. 35 et 36), a estimé pouvoir statuer immédiatement et sans renvoi sans avoir entendu Marcelle D... et Marc E... ;
" aux motifs que, en l'état, la comparution actuelle de ces témoins étant impossible, leur audition n'étant pas indispensable à la manifestation de la vérité, le renvoi de l'affaire n'est pas nécessaire en vue d'auditions ultérieures ;
" alors que, d'une part, les dernières déclarations de Daniel D... devant la Cour apportaient des éléments nouveaux et essentiels qui rendaient indispensable une audition de sa soeur, Marcelle D... qui avait été la maîtresse de Pierre Y... et qui n'était plus liée à ce dernier ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce point la Cour a insuffisamment motivé son arrêt incident et violé par suite les textes susvisés ;
" et alors que, d'autre part, Marc E... était également un témoin important de l'affaire qu'il était très facile de faire comparaître dans la mesure où il avait signalé avoir été touché par la convocation ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce point la Cour a de nouveau entaché son arrêt incident d'une insuffisance de motivation et partant violé les textes susvisés " ;
Attendu que le procès-verbal des débats constate que, dans un premier temps, le président a invité le ministère public à faire rechercher activement les témoins de l'accusation Marc E..., Marcelle D... et Daniel D..., absents à l'appel de leur nom ; que, dans un second temps, la Cour a ordonné qu'ils soient immédiatement conduits devant elle par la force publique ; que seul Daniel D... a pu être découvert et entendu ; qu'après que le président eut informé les parties de l'impossibilité d'exécuter les mandats d'amener concernant les deux autres témoins et que la défense eut déclaré ne pas renoncer à leur audition, la Cour a mis l'incident en délibéré ;
Attendu qu'après avoir rappelé que ces deux témoins avaient été, au cours de l'information, confrontés avec l'accusé, la Cour, par un nouvel arrêt, a décidé de passer outre aux débats aux motifs que leur audition n'était pas nécessaire à la manifestation de la vérité ; qu'ensuite le président a donné lecture de leurs dépositions en vertu de son pouvoir discrétionnaire ;
Attendu qu'en cet état, la Cour, qui a constaté l'impossibilité de faire comparaître les témoins réclamés, a apprécié souverainement, au vu de l'instruction à l'audience, l'opportunité de passer outre aux débats ;
Qu'en conséquence, le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation du principe de la légalité des crimes et délits, des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 6. 3. a et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 et 132 à 138 du Code pénal :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable de complicité d'exposition de billets étrangers contrefaits, et prononcé en conséquence des sanctions douanières ;
" alors que, d'une part, aux termes de l'article 133 du Code pénal, l'exposition de billets de banque étrangers est punie comme s'il s'agit de billets de banque français ; qu'en application de l'article 139 du Code pénal applicable aux billets de banque français, à l'exclusion de l'article 132 qui ne concerne que les monnaies métalliques, seuls la contrefaçon ou la falsification, l'usage ou l'introduction sur le territoire français sont réprimés ; d'où il suit qu'en retenant à l'encontre de Michel X... la complicité d'exposition de billets de banque étrangers contrefaits, bien que ce fait n'entre pas dans la définition d'un crime ou d'un délit, la cour d'assises a violé les textes et principe susvisés ;
" et alors que, d'autre part, le respect des textes et principe susvisés, et notamment le respect des articles 6. 3. a et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, commande que soit annulée une condamnation fondée sur un fait qui n'était pas légalement réprimé au moment où il a été commis, dès lors que le juge a pris en considération ce fait pour former sa conviction quant à la peine devant être appliquée, peu important que d'autres faits aient pu être légalement retenus à l'encontre de la personne poursuivie et que ces faits aient pu légalement justifier, à eux seuls, le prononcé de la peine " ;
Attendu que le crime d'exposition de billets de banque contrefaits ne constitue qu'une modalité du crime d'usage de tels billets et entre, dès lors, dans les prévisions des articles 133 et 139 du Code pénal ;
D'où il suit que le moyen est dénué de pertinence ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre les dispositions douanières de l'arrêt, légalement prononcées, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-83443
Date de la décision : 03/02/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Cour européenne des droits de l'homme - Arrêt - Application de l'article 6 - Non-respect du délai raisonnable - Validité des procédures relevant du droit interne - Incidence (non).

1° Un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme constatant le non-respect du délai raisonnable au sens de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est sans incidence sur la validité des procédures relevant du droit interne.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Cour d'assises - Droit de l'accusé d'interroger ou de faire interroger des témoins - Témoin non acquis aux débats - Demande d'audition - Rejet - Constatations suffisantes.

2° Ne méconnaît pas les dispositions de l'article 6.3 d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la cour d'assises qui, pour rejeter les conclusions de l'accusé tendant au renvoi de l'affaire afin de rechercher certaines personnes en vue de les citer comme témoins, constate que leurs lieux de résidence, de travail ou de détention n'ont pu être localisés, que l'une d'elles a déjà été confrontée à plusieurs reprises avec l'accusé et que, au vu de l'instruction à l'audience, leur audition n'est pas nécessaire à la manifestation de la vérité.(1).

3° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Cour d'assises - Droit de l'accusé d'interroger ou de faire interroger des témoins - Témoin défaillant - Mandat d'amener - Recherches infructueuses - Portée.

3° Justifie sa décision, au regard de l'article 6.3 d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'assises qui écarte pour les mêmes motifs une demande de renvoi fondée sur l'absence de plusieurs témoins, après avoir constaté qu'ils avaient été confrontés avec l'accusé au cours de l'instruction, qu'ils n'ont pas été découverts malgré les mandats d'amener décernés à leur encontre et qu'il est dès lors impossible d'assurer leur comparution.(2).

4° FAUSSE MONNAIE - Exposition en France - Monnaies étrangères - Billets de banque contrefaits - Modalité du crime d'usage de billets contrefaits.

4° Le crime d'exposition de billets de banque contrefaits ne constitue qu'une modalité du crime d'usage de tels billets.


Références :

3° :
4° :
Code pénal 133, 139
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6

Décision attaquée : Cour d'assises du Var, 21 mai 1992

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1991-06-13, Bulletin criminel 1991, n° 252, p. 648 (rejet : arrêts n°s 1, 2 et 3). CONFER : (3°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1991-06-13, Bulletin criminel 1991, n° 252, p. 648 (rejet : arrêt n° 4).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 fév. 1993, pourvoi n°92-83443, Bull. crim. criminel 1993 N° 57 p. 132
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 57 p. 132

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Libouban.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Malibert.
Avocat(s) : Avocats : M. Foussard, la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.83443
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