REJET du pourvoi formé par :
- X... Serge,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, du 13 décembre 1991, qui, pour infraction aux articles 2 et 6 du décret-loi modifié du 9 janvier 1852 sur l'exercice de la pêche maritime, l'a condamné à une amende de 5 000 francs.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 3, 6, 9 du décret-loi du 9 janvier 1852, des articles L. 231-1 et suivants du Code rural, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt partiellement confirmatif attaqué a déclaré Serge X... coupable d'avoir retrempé dans un canal des quantités importantes d'huîtres sans autorisation et, en conséquence, l'a condamné à une amende de 5 000 francs ;
" aux motifs qu'aucun décret n'a fixé en ce qui concerne le canal de Champagne, le point de cessation de salure ; que les eaux de ce canal ne sont pas classées parmi les eaux salées ; qu'aucun texte législatif ou réglementaire ne fixe une énumération limitative des canaux dont les eaux sont en totalité ou en partie salées ; qu'en conséquence, il appartient au juge répressif saisi de la poursuite d'apprécier si, à l'endroit considéré, les eaux étaient salées au sens de l'article 2 du décret-loi du 9 janvier 1852 ; qu'il résulte de la carte délivrée par le directeur départemental des Affaires maritimes de la Vendée, complétée par les observations de ce fonctionnaire que le canal de Champagne n'est pas un affluent du canal de Luçon, mais une simple dérivation de celui-ci auquel il est raccordé en cinq points différents ; que le décret du 4 juillet 1853 a classé le canal de Luçon comme salé sur tout son cours ; que la limite de la mer a été fixée à l'écluse de La Pointe-aux-Herbes ; qu'en conséquence, le canal de Champagne, même équipé d'écluses lui assurant une certaine autonomie, ne peut qu'être considéré comme étant lui-même salé au lieu-dit La Pointe-aux-Herbes, où étaient entreposées les huîtres ;
" alors, d'une part, que les dispositions du décret du 21 février 1852, auxquelles renvoie le décret du 9 janvier 1852 pour la détermination du caractère des eaux, précisent que les points de cessation de salure des fleuves, canaux et rivières sont déterminés par des règlements d'administration publiques, annexés aux articles 46 et suivants du décret du 4 juillet 1853 ; qu'ainsi, tant le décret du 21 février 1852 que le décret du 4 juillet 1853 et les tableaux qui y sont annexés en ce qu'ils déterminent l'élément matériel de l'infraction, s'incorporent au décret-loi du 9 janvier 1852 et doivent être considérés d'interprétation stricte ; que dès lors, le décret du 4 juillet 1853, qui ne fait nulle référence au canal de Champagne, exclut nécessairement l'application audit canal de la réglementation relative à la pêche côtière telle qu'édictée par le décret-loi du 9 janvier 1852 ; que la Cour en décidant le contraire a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que la Cour, en présence de textes législatifs et réglementaires clairs, ne pouvait considérer qu'il lui appartenait de rechercher si, à l'endroit considéré les eaux étaient salées au sens de l'article 2 du décret du 9 janvier 1852 ; qu'en effet, une telle recherche ne s'imposait qu'à défaut de textes énumérant les canaux dont les eaux sont en partie ou en totalité salées ; que de tels textes existent et sont constitués par les tableaux fixant la limite de salure des eaux, édités au Bulletin officiel de la marine marchande, et annexés aux articles 46 et suivants du décret du 4 juillet 1853, dont le contenu s'impose au juge pénal ; pour avoir procédé à une recherche au mépris des textes gouvernant la matière, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, enfin, qu'il ressort des pièces de la procédure, et contrairement aux énonciations de la Cour, d'une part, que le canal de Champagne n'est pas raccordé en cinq points différents au canal de Luçon et, d'autre part, que tant le canal de Luçon que le canal de Champagne disposent chacun de leurs propres vannes leur assurant une autonomie parfaite ; qu'en considérant néanmoins que le canal de Champagne ne pouvait être considéré comme un affluent du canal de Luçon mais devait être considéré comme une simple dérivation de ce dernier, la Cour a dénaturé les pièces du dossier et n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que des " poches " contenant environ 400 kilos d'huîtres ont été découvertes immergées dans le canal de Champagne, au lieudit " La Pointe-aux-Herbes ", le long de l'habitation occupée par Serge X... qui avait procédé à cette immersion sans avoir obtenu de l'autorité administrative compétente l'autorisation requise ;
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable d'immersion d'espèces marines dans des conditions irrégulières, infraction prévue et réprimée par les articles 2 et 9 du décret-loi modifié du 9 janvier 1852, les juges énoncent que " le décret du 21 février 1852 a prévu que des décrets détermineraient, dans les fleuves et rivières affluant directement ou indirectement à la mer, les points de cessation de la salure des eaux " ; " que le décret du 4 juillet 1853, portant fixation des limites de salure des eaux, a classé le canal de Luçon comme salé sur tout son cours, la limite de la mer étant fixée à l'écluse de La Pointe-aux-Herbes " ; que le canal de Champagne, dont aucun décret n'a fixé le point de cessation de salure des eaux ni classé les eaux parmi les eaux salées, " n'est pas un affluent du canal de Luçon mais une simple dérivation de celui-ci auquel il est raccordé en cinq points différents et avec lequel il se confond à une très faible distance en aval de La Pointe-aux-Herbes, retrouvant alors le flot de la mer " ; que les juges en concluent que le canal précité ne peut qu'être considéré comme étant lui-même salé, au sens de l'article 2 du décret-loi du 9 janvier 1852, au lieudit La Pointe-aux-herbes, où étaient entreposées les huîtres ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a, contrairement aux griefs allégués, justifié sa décision ; qu'en effet, l'appréciation par les juges du fond du point de cessation de salure des eaux, à défaut de sa détermination par un texte législatif ou réglementaire, par application du décret du 21 février 1852, est souveraine et échappe au contrôle de la Cour de Cassation ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.