Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et sur le second moyen, pris en ses deux branches, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 6 décembre 1990), que, par contrat du 22 juin 1981, la société Dargaud éditeur (société Dargaud) a chargé la Société centrale d'impression armentièroise (société SCIA) de la fabrication de la revue " Rustica " ; qu'il était stipulé que la société Dargaud s'engageait à informer son cocontractant dans le cas où elle serait conduite à modifier la " présentation physique de la revue " et à le faire bénéficier, à conditions égales, d'un droit de préférence s'il maintenait son engagement de fourniture malgré ces modifications ; que, le 8 janvier 1988, la société Dargaud a notifié à la société SCIA sa décision de résilier le contrat, sans indemnisation, avec la parution du numéro du 16 mars 1988 ; que la société SCIA l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ; que la cour d'appel a dit que la société Dargaud avait commis une faute dolosive et a ordonné une expertise avant dire droit sur le montant du préjudice de la société SCIA en précisant que celui-ci serait déterminé conformément aux dispositions de l'article 1151 du Code civil ;
Attendu que la société Dargaud fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel, qui était invitée à se prononcer a posteriori sur le bien-fondé de la mesure unilatérale de résiliation décidée par la société Dargaud, a nécessairement statué par application des dispositions de l'article 1184 du Code civil ; qu'en décidant, en outre, que cette résiliation, parce qu'elle aurait pour objectif de soustraire la société Dargaud à ses obligations, constituait une faute d'inexécution dolosive justifiant la détermination du préjudice de la société SCIA, conformément aux règles de la responsabilité contractuelle, la cour d'appel a statué sur un double fondement et entaché, par voie de conséquence, sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 1147, 1151 et 1184 du Code civil ; alors que, d'autre part, la cour d'appel, constatant que la mesure de résiliation unilatérale de la société Dargaud avait été précédée de plusieurs réclamations et d'une mise en demeure à laquelle il aurait été apporté satisfaction partielle, n'a pas caractérisé la faute dolosive commise par celle-ci justifiant l'octroi de dommages-intérêts spéciaux ; que, dès lors, la cour d'appel n'a aussi pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 et 1151 du Code civil ; alors, en outre, que le contrat de fabrication du 22 juin 1981, en vigueur à compter du 1er septembre 1981, avait été conclu pour une période de 3 ans renouvelable par tacite reconduction ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait, en l'état des deux renouvellements tacitement intervenus, refuser de tenir compte des réclamations antérieures au renouvellement du 1er janvier 1987 afin d'apprécier la valeur des griefs émis par la société Dargaud en ce qui concerne aussi bien la fabrication de la revue Rustica que la palettisation, et justifiant son droit de rompre unilatéralement le contrat ; que, par suite, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 1134 et 1184 du Code civil ; alors, au surplus, que la cour d'appel, examinant les suites données par la société SCIA à la mise en demeure du 30 mars 1987, quant à la mise en oeuvre d'un matériel plus performant d'impression, ne pouvait se borner à énoncer que " satisfaction a été donnée à la société Dargaud à compter du 17 mai 1987 " ; qu'en statuant ainsi, sans explications et par voie de simple affirmation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 et 1184 du Code civil ; et alors, enfin, que les juges du second degré ont constaté que, selon le contrat du 22 juin 1981, la livraison était assurée par les soins de la société SCIA aux NMPP et au routeur de la société Dargaud ; que, dès lors, la cour d'appel, en confirmant le jugement en toutes ses dispositions, et notamment celles déclarant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte des réclamations relatives au transport, dont la responsabilité n'incombait pas à la société SCIA, a statué au prix d'un motif inopérant ; qu'en effet, la cour d'appel ne pouvait, par ce motif, valablement écarter les réclamations portant sur la palettisation défectueuse effectuée par la société SCIA, dont celle-ci avait la charge, et, n'étant pas motivé, l'arrêt a violé ensemble les articles 455 du nouveau Code de procédure civile, 1134 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que le contrat litigieux avait été reconduit pour des périodes de 3 années aux échéances de décembre 1983 et décembre 1986, la cour d'appel en a exactement déduit, s'agissant d'une convention à durée déterminée, que la société Dargaud n'était pas en droit de la résilier unilatéralement avant l'échéance du terme ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt relève qu'après que des difficultés imputables à la mauvaise qualité du papier fourni par la société Dargaud eurent été réglées, cette société a exigé, le 30 mars 1987, l'emploi d'un matériel plus performant ; que satisfaction lui a été donnée le 27 mai 1987 et qu'après cette date et jusqu'à l'annonce de la rupture du contrat, il n'est signalé qu'une seule réclamation consécutive à des doléances d'un annonceur ; que l'arrêt ajoute que le dossier de la société Dargaud est vide de tout constat de nature à confirmer la réalité de ses dires en ce qui concerne la palettisation prétendument défectueuse des imprimés ; que la cour d'appel a ainsi motivé sa décision sur les points visés par les deux dernières branches ;
Attendu, enfin, que l'arrêt retient que, tandis qu'elle poursuivait des conversations et des échanges de correspondances avec son cocontractant relativement aux modifications à apporter à la présentation de la revue, la société Dargaud avait pris toutes dispositions pour réaliser celle-ci avec un autre imprimeur, ce qui démontrait que cette société, qui n'invoquait que des griefs inconsistants, avait mis fin au contrat l'unissant à la société SCIA en vue de se soustraire à la préférence accordée à cette dernière en cas de modification notable de la revue ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, d'où il résulte que la société Dargaud s'était refusée, de propos délibéré, à exécuter ses obligations contractuelles, la cour d'appel a pu décider que cette société avait commis une faute dolosive faisant obstacle, quant à l'évaluation du dommage, à l'application de la limitation prévue à l'article 1150 du Code civil ;
D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.