CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre correctionnelle, en date du 20 février 1991, qui, après annnulation du jugement et évocation, l'a condamnée, du chef de complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire public, à 5 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 43, 53 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, 550 et 555 à 558, 565, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que ni l'article 43 ni l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ne dérogent aux dispositions des articles 550 et 555 à 558 du Code de procédure pénale quant aux conditions dans lesquelles doit intervenir la délivrance de la citation introductive d'instance destinée à l'auteur de l'écrit, prévenu de complicité de diffamation publique ; qu'il en résulte que le siège du journal dans lequel a été publié l'article incriminé ne saurait être considéré comme le domicile de cet auteur au sens des articles 556 et 557 dudit Code ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que par exploit du 10 avril 1990, Y..., préfet hors cadre, a cité directement devant le tribunal correctionnel X..., sous la prévention de complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire public, à raison de la publication, dans le numéro 248 du journal hebdomadaire L'Evénement du jeudi, daté du 3 au 9 août 1989, d'un article intitulé " Un préfet très indélicat ", dont elle était l'auteur, et qui le mettait en cause ; que ladite citation faisait suite à une précédente procédure, dirigée contre Z..., directeur de la publication du journal, qui avait été déclaré coupable de diffamation publique envers un fonctionnaire public, par jugement du 11 janvier 1990 ;
Attendu que la citation, destinée à X..., " journaliste, domiciliée au siège du journal ..., 75006 Paris ", a été remise à une secrétaire, à cette adresse ;
Attendu qu'avant toute défense au fond, devant le Tribunal, la prévenue a excipé de la nullité de la citation, signifiée à son lieu de travail ;
Attendu que pour rejeter cette exception, l'arrêt attaqué énonce que X... n'est pas journaliste occasionnelle à l'Evénement du jeudi, mais collaboratrice permanente du journal, ainsi que cela résulte de " l'Ours " publié dans le numéro 295 daté du 28 juin au 4 juillet 1990, de sorte qu'elle devait être en relation constante avec le siège de l'hebdomadaire où devaient être rassemblés tous documents utiles à la preuve des faits rapportés dans ses articles ; que les juges en déduisent que la signification de la citation introductive d'instance au siège du journal n'a pas été de nature à porter atteinte aux droits de la prévenue, au sens de l'article 565 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la délivrance de la citation, en dehors des conditions fixées par les textes susvisés, était nécessairement de nature à porter atteinte aux droits de la défense, en entravant l'exercice des droits reconnus au prévenu par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Et attendu que l'action publique ayant été irrégulièrement introduite, la prescription se trouve acquise, et il ne reste rien à juger ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen proposé :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 20 février 1991 ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.