REJET du pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre correctionnelle, en date du 6 décembre 1990, qui, dans la procédure suivie contre Y... et la société anonyme Z..., du chef de diffamation, a déclaré nulle la citation introductive d'instance, et débouté la partie civile de ses demandes.
LA COUR,
Vu le mémoire personnel et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 31, 32, 53 de la loi du 29 juillet 1881, et 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Y..., auteur d'une suite d'ouvrages dénommée " La Grande Histoire des Français sous l'Occupation ", a publié, en 1988, le tome 8 de cette étude, intitulé " Joies et douleurs du peuple libéré ", dans lequel, en pages 511 à 527, il a relaté le jugement, au Grand-Bornand, par une cour martiale hâtivement constituée, de quatre-vingt-dix-sept miliciens, dont soixante-seize ont été condamnés à mort pour trahison, et exécutés le 24 août 1944 ; que X..., magistrat ayant pris le maquis le soir de son installation comme procureur de la République à Thonon, était mis en cause par le récit à raison de sa participation à la création de la cour martiale, à son organisation, à son fonctionnement, et à l'exécution de ses sentences ; que par acte d'huissier du 24 janvier 1989, il a fait citer directement devant le tribunal correctionnel Y... et son éditeur, la société Z..., sous la prévention de diffamation, en visant l'article 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'avant toute défense au fond, le prévenu a invoqué la nullité de la citation ;
Attendu que pour accueillir cette exception, et déclarer la citation nulle, en application de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel énonce notamment que les faits dénoncés dans la citation, ne pouvaient être " poursuivis que comme constitutifs du délit puni par l'article 31 de ladite loi ", dès lors qu'ils émanaient du " seul magistrat disponible en Haute-Savoie requis pour organiser et faire fonctionner ladite cour martiale ", et qu'ils relevaient " au plus haut degré des prérogatives de la puissance publique " ; que les juges ajoutent que l'ambiguïté des termes de la citation ne pouvait qu'induire en erreur Y... sur le fondement juridique de la poursuite ;
Attendu qu'en cet état, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer qu'abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, la cour d'appel a pu statuer comme elle l'a fait sans encourir les griefs allégués ;
Que, d'une part, la citation, délivrée au nom de X..., " ancien magistrat ", après avoir articulé les faits imputés à celui-ci, reproche à l'auteur du livre incriminé de " se permettre de juger le comportement d'un juge ", et de " porter gravement atteinte à l'honneur et à la considération de X..., en qualité de magistrat requis " ; que le visa de l'article 32 de la loi du 29 juillet 1881 est inconciliable avec cette qualification de diffamation envers un fonctionnaire public ;
Que d'autre part, l'article 31 de la loi précitée est applicable lorsque la qualité de fonctionnaire public a été, au moins pour partie, le moyen d'accomplir, à les supposer vrais, les faits imputés, et que ceux-ci constitueraient, sinon des actes de la fonction, du moins des abus de la fonction ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.