La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/11/1992 | FRANCE | N°91-10832

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 25 novembre 1992, 91-10832


.

Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Paris, 31 octobre 1990), qu'au printemps 1987 M. Y... a publié le premier numéro d'une revue dont plusieurs articles, fondés sur les théories dites révisionnistes, étaient consacrés " au mythe de l'extermination des Juifs " pendant la dernière guerre ; que la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (la LICRA) et les associations dont les noms sont indiqués ci-après (les associations) ont demandé en référé l'arrêt de la diffusion de ces textes ; que

, par ordonnance du 27 mai 1987, le juge des référés, relevant en particulier...

.

Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Paris, 31 octobre 1990), qu'au printemps 1987 M. Y... a publié le premier numéro d'une revue dont plusieurs articles, fondés sur les théories dites révisionnistes, étaient consacrés " au mythe de l'extermination des Juifs " pendant la dernière guerre ; que la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (la LICRA) et les associations dont les noms sont indiqués ci-après (les associations) ont demandé en référé l'arrêt de la diffusion de ces textes ; que, par ordonnance du 27 mai 1987, le juge des référés, relevant en particulier que la publication de ce numéro, consacré à la négation de l'existence du génocide juif au moment précis où s'ouvrait le procès de Klaus X..., était une provocation constitutive d'un trouble manifestement illicite, a, par application de l'article 809 du nouveau Code de procédure civile, interdit à M. Y... et à la société Nouvelles messageries de la presse parisienne la poursuite de la distribution, de la diffusion et de la vente du numéro litigieux ; que, saisi par M. Y... d'une demande de mainlevée de cette mesure, le tribunal de grande instance de Paris, par un jugement du 16 décembre 1987, aux motifs que les circonstances particulières qui avaient justifié cette interdiction n'existaient plus et que les thèses de la revue de M. Y... et la controverse susceptible de naître à leur sujet relevaient, en l'absence de toute action en responsabilité, de la libre expression des idées et des opinions et d'un débat public entre historiens échappant, en l'état, au contrôle du juge, a donné la mainlevée sollicitée ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé ce jugement et débouté M. Y... de sa demande de mainlevée, en estimant que les écrits litigieux tombaient sous le coup de l'article 9 de la loi du 13 juillet 1990 qui punit ceux qui auront contesté l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité, et que la diffusion comme la distribution du numéro de la revue en cause seraient constitutives par elles-mêmes d'un trouble illicite de nature à porter atteinte à l'ordre public défini par les nouvelles dispositions de ce texte, alors que, d'une part, la cour d'appel, en appliquant rétroactivement une loi pénale, aurait violé l'article 4 du Code pénal ; alors que, d'autre part, en substituant la notion de trouble fondé sur la nouvelle loi à celle retenue par le juge des référés, la cour d'appel aurait changé l'objet de la demande et privé M. Y... de son droit au double degré de juridiction, violant ainsi l'article 453 du nouveau Code de procédure civile ; alors qu'en outre, en se fondant sur le trouble purement hypothétique qu'aurait constitué la publicité éventuellement donnée par M. Y... au numéro litigieux, la cour d'appel aurait violé les articles 1382 du Code civil et 9 de la loi du 13 juillet 1990 ; alors qu'enfin, en retenant que les écrits en cause tombaient sous le coup de cette nouvelle loi d'après ce qu'elle croyait savoir des crimes commis par les nazis, sans se référer à l'article 6 du statut du tribunal militaire international, ni se fonder sur une décision de ce Tribunal ou d'une autre juridiction française ou internationale, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 de cette dernière loi ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des productions que M. Y... ait soutenu devant la cour d'appel que le numéro litigieux de sa revue ne recevrait pas de publication et que la preuve de ce que le génocide juif constituait un crime contre l'humanité n'était pas rapportée ;

Et attendu que la cour d'appel relève que certains écrits de la publication litigieuse avaient pour but avoué la négation du génocide juif et remettaient en cause des crimes contre l'humanité en contestant la déportation et l'extermination de plusieurs millions de personnes ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, c'est sans modifier l'objet de la demande, ni violer le principe du double degré de juridiction et de la non-rétroactivité de la loi pénale que la cour d'appel, statuant au regard de tous les éléments qui lui étaient produits même s'ils n'étaient entrés dans les débats qu'en cause d'appel, retient que la publication des textes litigieux était constitutive d'un trouble illicite de nature à porter atteinte à l'ordre public, dont l'arrêt a jugé à bon droit qu'il était à présent défini par les dispositions de la loi du 13 juillet 1990 et qu'il s'imposait au juge au moment où il statuait ;

Qu'ainsi le moyen, pour partie nouveau, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 91-10832
Date de la décision : 25/11/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Applications diverses - Presse - Articles portant atteinte à l'ordre public défini par la loi du 13 juillet 1990 - Articles remettant en cause les crimes contre l'humanité

PRESSE - Journal - Articles de presse - Articles remettant en cause les crimes contre l'humanité

LOIS ET REGLEMENTS - Application - Application immédiate - Crime contre l'humanité - Loi du 13 juillet 1990

Une ordonnance de référé ayant, en application de l'article 809 du nouveau Code de procédure civile, interdit la poursuite de la diffusion et de la vente du premier numéro d'une revue dont plusieurs articles fondés sur les théories dites révisionnistes étaient consacrés " au mythe de l'extermination des Juifs ", est légalement justifié l'arrêt qui pour rejeter la demande de mainlevée de cette mesure retient que certains écrits de la publication avaient pour but avoué la négation du génocide juif, remettaient en cause les crimes contre l'humanité en contestant la déportation et l'extermination de plusieurs millions de personnes et énonce qu'une telle publication est constitutive d'un trouble illicite de nature à porter atteinte à l'ordre public défini par les dispositions de la loi du 13 juillet 1990 s'imposant au juge au moment où il statuait.


Références :

Loi 90-615 du 13 juillet 1990
nouveau Code de procédure civile 809

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 octobre 1990


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 25 nov. 1992, pourvoi n°91-10832, Bull. civ. 1992 II N° 279 p. 138
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1992 II N° 279 p. 138

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Dutheillet-Lamonthézie
Avocat général : Avocat général :M. Dubois de Prisque
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Burgelin
Avocat(s) : Avocats :la SCP Le Griel, M. Ryziger, Mme Roué-Villeneuve, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez , la SCP Delaporte et Briard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:91.10832
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award