CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la fédération interdépartementale des chasseurs de l'Essonne, du Val-d'Oise et des Yvelines (FICEVY), partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 7e chambre, du 23 mai 1991, qui, dans la procédure suivie contre Marcel X... pour contravention aux prescriptions d'un plan de chasse du grand gibier, l'a déboutée de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles R. 288-15, 373-4, L. 228-26, L. 228-27 du Code rural, L. 228-32 du même Code (article 4 loi du 9 juillet 1971), 23 et suivants du Code de procédure pénale, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé X... des fins de la poursuite et débouté la partie civile de sa demande en dommages-intérêts ;
" aux motifs que les constatations des gardes faites à la jumelle courant octobre et novembre 1988 qui sont consignées dans le procès-verbal du 7 janvier 1989 qui n'ont pas été suivies de l'interpellation du prévenu, ne peuvent être regardées comme conformes aux dispositions des articles 23 du Code de procédure pénale et 4 de la loi du 9 juillet 1971, le prévenu ayant été mis dans l'impossibilité d'en apporter la contre-preuve ;
" alors, d'une part, que les constatations du procès-verbal émanant de gardes-chasse, préposés des Eaux et Forêts, font foi jusqu'à preuve contraire et ne sont soumises à aucune forme particulière, sauf à ce que les procès-verbaux soient signés et datés par les gardes rédacteurs ; qu'ils ne sont, notamment, pas soumis à communication au procureur de la République lorsqu'ils sont dressés par des gardes nationaux, comme cela a été le cas en l'espèce, et n'ont pas à être suivis de l'interpellation immédiate du prévenu qu'aucun texte ne prévoit et qui ne peut être réalisée qu'une fois l'infraction consommée - en l'occurrence le non-respect d'un plan de chasse - ; qu'ainsi c'est à tort et en violation des textes susvisés, que la cour d'appel a refusé de tenir compte du procès-verbal du 7 janvier 1989, relatant, notamment, des constatations effectuées d'octobre à novembre 1988 ;
" alors, d'autre part, qu'en ce qui concerne les préposés des Eaux et Forêts, les procès-verbaux font foi en quelque lieu que l'infraction soit commise, dans les arrondissements des tribunaux près desquels ils sont assermentés pourvu qu'ils ne pénètrent pas dans un enclos privé ; qu'ainsi les constatations opérées par les gardes-chasse depuis l'extérieur de la clôture du pavillon de chasse et, par conséquent, sans qu'ils aient pénétré dans l'enclos privé, font preuve de l'infraction qu'ils relatent, dans la mesure où le prévenu ne rapporte pas la preuve contraire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les règles de la preuve applicables à la matière ;
" alors enfin que le prévenu a eu effectivement la possibilité de discuter contradictoirement les éléments de preuve que constituaient les procès-verbaux litigieux, dont il pouvait rapporter la preuve contraire ; qu'aucune violation des droits de la défense n'a été caractérisée " ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 429 et 537 du Code de procédure pénale ;
Attendu que les procès-verbaux dressés en vertu de l'article 385 - devenu l'article L. 228-27 - du Code rural par les agents assermentés de l'Office national de la chasse font foi jusqu'à preuve contraire, pour les infractions à la police de la chasse qu'ils constatent sur toute l'étendue de la circonscription à laquelle ils sont affectés ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que selon les constatations faites par trois gardes nationaux de la chasse et de la faune sauvage, commissionnés au titre des Eaux et Forêts, observant à la jumelle les alentours du rendez-vous de chasse de Marcel X..., ont été abattus, entre le 8 octobre 1988 et le 8 janvier 1989, un nombre de grands animaux supérieur à celui autorisé par le plan de chasse ; que sur le fondement du procès-verbal établi par ces agents et clos le 13 janvier 1989, Marcel X... est poursuivi pour avoir, au cours de la période susindiquée, contrevenu aux prescriptions d'un plan de chasse du grand gibier ;
Attendu que, pour infirmer la décision du premier juge, relaxer le prévenu de l'infraction reprochée et débouter la partie civile de ses demandes, les juges du second degré énoncent que " selon les dispositions des articles 23 et suivants du Code de procédure pénale, les agents des Eaux et Forêts ont le droit de suivre les choses, et donc le gibier, enlevées dans les lieux où elles sont transportées et de mettre sous séquestre les objets des infractions constatées et doivent adresser dans les 4 jours procès-verbal de leurs constatations au Parquet (article 4 de la loi du 9 juillet 1971) " ; qu'ils ajoutent que " les constatations des gardes faites à la jumelle courant octobre et novembre 1988 qui sont consignées dans le procès-verbal du 8 janvier 1989, qui n'ont pas été suivies de l'interpellation du prévenu ne peuvent être regardées comme conformes aux dispositions des articles 23 du Code de procédure pénale et 4 de la loi du 9 juillet 1971, le prévenu ayant été mis dans l'impossibilité d'en apporter la contre-preuve " ;
Mais attendu que, d'une part, le procès-verbal établi par des agents agissant dans l'exercice de leurs fonctions, à l'intérieur des limites de la circonscription à laquelle ils sont affectés, et relatant des faits personnellement et matériellement constatés par ses auteurs, a été régulièrement transmis au procureur de la République et que le prévenu a eu toute possibilité d'en discuter le contenu et de rapporter la preuve contraire, conformément à l'article L. 228-27 du Code rural ; que, d'autre part, l'article 4 de la loi du 9 juillet 1971, codifié sous l'article L. 228-32 du Code rural, qui concerne les seuls procès-verbaux établis par les lieutenants de louveterie, est inapplicable en l'espèce et qu'enfin l'infraction relevée au procès-verbal procédant, non pas d'un fait unique, mais d'une succession de faits distincts échelonnés dans le temps, était exclue, avant l'accomplissement du dernier de ceux-ci, l'interpellation de leur auteur ;
Que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu la foi due au procès-verbal ainsi que le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, en date du 23 mai 1991, mais en ses seules dispositions civiles, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans.