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04/11/1992 | FRANCE | N°89-21899

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 novembre 1992, 89-21899


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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 octobre 1989), que M. Y..., docteur en médecine, et douze autres de ses confrères, ainsi que le syndicat des médecins généralistes d'Ille-et-Vilaine et la Fédération des syndicats médicaux d'Ille-et-Vilaine ont fait assigner l'association SOS Médecins-Rennes, MM. D..., A..., C... et Z... et E...
B... et X..., également médecins généralistes, pour qu'ils soient condamnés à cesser immédiatement, sous peine d'astreinte, tout acte de publicité par distribution de cartes, de documents ou d'autocollants au nom de SOS Médecins

, l'apposition des termes SOS Médecins sur leurs véhicules et l'emploi de gy...

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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 octobre 1989), que M. Y..., docteur en médecine, et douze autres de ses confrères, ainsi que le syndicat des médecins généralistes d'Ille-et-Vilaine et la Fédération des syndicats médicaux d'Ille-et-Vilaine ont fait assigner l'association SOS Médecins-Rennes, MM. D..., A..., C... et Z... et E...
B... et X..., également médecins généralistes, pour qu'ils soient condamnés à cesser immédiatement, sous peine d'astreinte, tout acte de publicité par distribution de cartes, de documents ou d'autocollants au nom de SOS Médecins, l'apposition des termes SOS Médecins sur leurs véhicules et l'emploi de gyrophares, et à verser à chacun d'eux la somme d'un franc à titre de dommages-intérêts, outre des mesures de publication dans la presse, en soutenant que par cette publicité était réalisée une tentative de détournement de clientèle en infraction aux dispositions des articles 23 et 51 du décret du 28 janvier 1979 portant Code de déontologie médicale ;

Sur la recevabilité du pourvoi en tant que formé par l'association SOS Médecins-Rennes et l'association SOS Médecins de France, contestée par la défense :

Attendu que ces deux associations sont recevables à se pourvoir dès lors que des condamnations ont été prononcées contre la première et que la seconde a été déboutée de ses prétentions ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir dit que MM. D... et A... et E...
B... et X... devront, à peine d'astreinte, cesser tout acte de publicité par diffusion d'autocollants au nom de SOS Médecins et apposition du sigle SOS Médecins sur leurs véhicules automobiles et de les avoir condamnés à payer la somme d'un franc chacun à titre de dommages-intérêts au profit de leurs adversaires et ordonné des publications dans la presse, alors, selon le moyen, d'une part, que pour déclarer engagée la responsabilité des quatre praticiens, membres de l'association SOS Médecins-Rennes, la cour d'appel s'est bornée à relever, à leur encontre, la commission d'un double manquement aux prescriptions de l'article 23 du Code de déontologie médicale, prohibant la publicité résultant, d'une part, de la diffusion d'autocollants reproduisant les " coordonnées " de ladite association et, d'autre part, de l'indication de sa dénomination sur leurs véhicules ; qu'en l'état de ces seules énonciations, faute d'avoir caractérisé l'existence d'une faute de nature civile et d'un préjudice subséquent propres aux praticiens et syndicats, demandeurs à l'action, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil et le principe de l'indépendance de l'action civile et de l'action disciplinaire ; alors, de deuxième part, qu'en ne recherchant pas si, la diffusion incriminée d'autocollants - dont l'imputabilité à des tiers n'était pas contestée -, avait été ou non faite à l'insu des praticiens de SOS Médecins-Rennes, qui faisaient valoir dans leurs conclusions qu'ils opposaient une réaction immédiate à de telles pratiques dès leur existence connue, s'engageant ainsi à les faire cesser, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et 23 du Code de déontologie

médicale ; alors, de troisième part, qu'en déduisant des déclarations faites par ces praticiens de ce qu'ils avaient cessé ces pratiques et s'engageaient à ne pas en user, la preuve de leur tolérance coupable, la cour d'appel a dénaturé le sens de leurs conclusions d'où il ressortait clairement au contraire qu'ils avaient fait en sorte, auprès des tiers, de les faire cesser dès leur existence connue et s'engageaient personnellement à ne pas en user ; et alors, enfin, que l'acte de publicité prohibé par l'article 23 du Code de déontologie médicale s'entend d'un fait personnel de réclame distinct d'une mesure d'information servant exclusivement l'intérêt général des malades ; que ne répond pas à cette définition, l'apposition sur un véhicule du seul sigle de l'association SOS Médecins à des fins exclusives d'identification d'une intervention médicale d'urgence et compris comme telle du public lui-même, indépendamment de toute précision sur ses coordonnées et toutes indications sur l'identité des médecins intervenants ; qu'en décidant que cette seule mention suffisait à caractériser la commission par chacun des praticiens en cause d'une infraction propre aux dispositions précitées, sans relever qu'elle s'apparenterait, par sa nature ou par son objet, à une pratique commerciale, tout en admettant la nécessité d'une signalisation des véhicules des médecins intervenants en urgence dans l'intérêt des malades, la cour d'appel a violé l'article susvisé et l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir constaté le caractère contraire aux dispositions du Code de déontologie médicale de certaines pratiques des membres de l'association SOS Médecins-Rennes, la cour d'appel a retenu que ces pratiques, qui constituaient des procédés de publicité prohibés, avaient favorisé le développement de l'activité professionnelle de ces praticiens au détriment de leurs confrères et qu'il y avait eu " détournement ou tentative de détournement de clientèle " ; que, par ces motifs, la cour d'appel a caractérisé l'existence de fautes de nature civile en relation causale avec le préjudice invoqué ;

Attendu, ensuite, qu'en énonçant souverainement que les praticiens - même s'ils n'étaient pas à l'origine de l'impression et de la diffusion d'autocollants - avaient laissé se développer celles-ci et en relevant qu'ils " avaient déclaré avoir cessé cette pratique ", la cour d'appel a, sans dénaturer les conclusions invoquées, légalement justifié sa décision ;

Attendu, enfin, que si la cour d'appel a reconnu la licéité de l'information des malades et des autres usagers de la route par une signalisation faisant appel à une dénomination telle que " aide médicale urgente " ou " médecine d'urgence ", elle a pu considérer que, par sa spécificité, l'utilisation du sigle de l'association SOS Médecins-Rennes sur les voitures des membres de l'association constituait nécessairement un procédé fautif de publicité de la part de chacun de ses membres ; d'où il suit qu'en aucune de ses quatre branches le moyen n'est fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est également soutenu que les associations SOS Médecins et les praticiens faisaient valoir que la spécificité de leur mode d'organisation de la pratique de la médecine d'urgence excluait la constitution de clientèle propre aux médecins intervenant dans ce cadre, leurs règles de fonctionnement interdisant le suivi des malades et leur faisant obligation de renvoyer le patient à son médecin traitant, une fois l'intervention d'urgence faite, conformément aux dispositions de l'article 52 du Code de déontologie médicale régissant les rapports entre médecins pour prévenir tout détournement de clientèle ; qu'il était également exposé que les particularités de leur organisation, inspirée de l'intérêt et de l'information des malades, ne pouvaient souffrir une application stricte et uniforme des règles de la profession et qu'était unanimement admise la nécessité d'une organisation de l'urgence en matière médicale ; qu'en s'abstenant de répondre à ces " arguments péremptoires ", la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Mais attendu que la cour d'appel énonce qu'en ayant recours à des procédés de publicité contraires à la déontologie médicale, les praticiens avaient nécessairement favorisé le développement de l'exercice de leur activité au détriment de leurs confrères et qu'il y avait donc eu détournement ou tentative de détournement de clientèle ; d'où il suit que, répondant aux conclusions invoquées, la cour d'appel a légalement justifié sa décision et que le moyen n'est pas fondé ;

REJETTE les premier et troisième moyens ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 26 du Code de déontologie médicale ;

Attendu que, pour estimer que les médecins de l'association ont contrevenu à l'article précité qui interdit tout compérage notamment entre médecins et auxiliaires médicaux, la cour d'appel relève que sous le sigle SOS Santé sont regroupés sous le même numéro de téléphone les services médicaux d'urgence de SOS Médecins, des infirmiers et des ambulanciers et que l'association SOS Médecins 35 est mentionnée sur des cartes établies au nom de SOS Ambulance et est indiquée par les standardistes répondant à l'appel du numéro de téléphone y figurant ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que les circonstances relevées par les juges du fond ne caractérisent pas une situation de compérage dès lors que le système ainsi mis en place a été conçu dans l'intérêt des malades et en vertu de l'urgence qui s'attache aux interventions des médecins de l'association, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que M. A... et Mmes B... et X... devront, à compter de la signification de l'arrêt, à peine d'une astreinte de 1 000 francs par manquement constaté, cesser toute publication de sigle et de numéro de téléphone communs avec des ambulanciers et des infirmières, l'arrêt rendu le 10 octobre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 89-21899
Date de la décision : 04/11/1992
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin chirurgien - Clientèle - Détournement - Eléments constitutifs - Recours à la publicité - Procédés contraires à la déontologie - Développement de l'activité du médecin au détriment de ses confrères.

1° CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Détournement de clientèle - Médecin - Recours à la publicité - Procédés contraires à la déontologie - Développement de l'activité du médecin au détriment de ses confrères.

1° Constitue un détournement de clientèle le recours à des procédés de publicité contraires à la déontologie médicale qui favorisent le développement de l'exercice de l'activité de médecins au détriment de leurs confrères.

2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin chirurgien - Exercice de la profession - Regroupement de divers services sous un même sigle - Système conçu dans l'intérêt des malades - Violation de l'interdiction du compérage (non).

2° Viole l'article 26 du Code de déontologie médicale qui interdit tout compérage, notamment entre médecins et auxiliaires médicaux, la cour d'appel qui estime que des médecins ont contrevenu à cet article en regroupant sous un même sigle divers services alors que le système mis en place a été conçu dans l'intérêt des malades et en vertu de l'urgence qui s'attache aux interventions des médecins de l'association.


Références :

Code de déontologie médicale 26

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 10 octobre 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 nov. 1992, pourvoi n°89-21899, Bull. civ. 1992 I N° 275 p. 179
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1992 I N° 275 p. 179

Composition du Tribunal
Président : Président :M. de Bouillane de Lacoste
Avocat général : Avocat général :M. Lupi
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Viennois
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Matteï-Dawance.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:89.21899
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