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03/11/1992 | FRANCE | N°90-16751

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 novembre 1992, 90-16751


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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le président du tribunal de grande instance statuant commercialement a fait citer plusieurs personnes dont M. X... en tant que gérant de fait de la société Sotex en liquidation judiciaire, à comparaître en chambre du conseil pour les voir " condamner à supporter le passif de la SARL Sotex, prononcer leur redressement judiciaire personnel et leur faillite personnelle, en fixer la durée et en ordonner l'exécution provisoire " ; qu'à la citation se trouvait jointe la note prévue à l'article 8, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985 ;

qu'un jugement est intervenu le 21 juin 1989, qui a ouvert une procédu...

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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le président du tribunal de grande instance statuant commercialement a fait citer plusieurs personnes dont M. X... en tant que gérant de fait de la société Sotex en liquidation judiciaire, à comparaître en chambre du conseil pour les voir " condamner à supporter le passif de la SARL Sotex, prononcer leur redressement judiciaire personnel et leur faillite personnelle, en fixer la durée et en ordonner l'exécution provisoire " ; qu'à la citation se trouvait jointe la note prévue à l'article 8, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985 ; qu'un jugement est intervenu le 21 juin 1989, qui a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. X... et lui a, en outre, interdit de diriger, gérer, administrer ou contrôler toute personne morale pour une durée de 15 ans ; que cette décision a été confirmée par la cour d'appel qui a également confirmé le jugement de liquidation judiciaire rendu le 16 août 1989 à l'égard de M. X... ;

Sur le second moyen, qui est préalable :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir écarté son moyen tendant à contester la régularité de la procédure en raison de la présence au sein du Tribunal du juge-commissaire, lequel avait établi un rapport à son encontre, alors, selon le pourvoi, que la connaissance par le juge-commissaire de la situation du gérant de fait par le recours à des procédés d'investigation tels que ledit juge s'est nécessairement fait une opinion avant la venue à l'audience de l'affaire, opinion qu'il exprime par le truchement de son rapport, est antinomique avec l'exigence d'impartialité édictée par l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales si bien que, dans ce contexte de droit et de fait, le juge-commissaire ne peut légalement faire partie de la juridiction de jugement et délibérer de l'affaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole par refus d'application le texte précité ;

Mais attendu que la présence, conformément aux articles 24, 164 et 169 du décret du 27 décembre 1985, du juge-commissaire dans la juridiction qui statue sur l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou sur le prononcé de l'interdiction prévue à l'article 192 de la loi du 25 janvier 1985 à l'encontre du dirigeant d'une personne morale en redressement ou en liquidation judiciaires n'est pas contraire aux dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que l'exigence d'impartialité doit s'apprécier objectivement ;

Attendu que pour déclarer valable la citation délivrée à M. X... dans le cadre de la procédure de saisine d'office prévue aux articles 8, 164 et 169 du décret du 27 décembre 1985, l'arrêt énonce que si l'acte aurait dû indiquer, de manière plus exacte, que l'objet de la demande était de voir statuer sur les sanctions et condamnations encourues, en les énumérant comme il avait fait, on ne pouvait tirer de sa rédaction la conséquence que le président, et encore moins le Tribunal, auraient eu déjà leur opinion forgée avant l'audience et auraient ainsi préjugé de leur décision, hypothèse d'ailleurs démentie par le fait que l'une des personnes convoquées n'avait fait l'objet d'aucune sanction et qu'une autre n'avait été condamnée que partiellement ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que le libellé de la citation et le contenu de la note dans laquelle il tenait pour établi le comportement fautif à ses yeux de la personne visée pouvaient apparemment laisser penser que le président de la juridiction de jugement ne disposait pas de l'impartialité objective du juge, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement du 21 juin 1989 du chef des sanctions et condamnations prononcées contre M. X... et en ce qu'il a confirmé le jugement du 16 août 1989, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mai 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 90-16751
Date de la décision : 03/11/1992
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Faillite personnelle et autres mesures d'interdiction - Procédure des articles 24 - 164 et 169 du décret du 27 décembre 1985 - Tribunal - Composition - Présence du juge-commissaire - Procédure contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (non).

1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Interprétation - Article 6 - 1 - Redressement et liquidation judiciaires - Faillite personnelle et autres mesures d'interdiction - Juridiction - Composition - Présence du juge-commissaire.

1° La présence, conformément aux articles 24, 164 et 169 du décret du 27 décembre 1985, du juge-commissaire dans la juridiction qui statue sur l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou sur le prononcé de l'interdiction prévue à l'article 192 de la loi du 25 janvier 1985 à l'encontre du dirigeant d'une personne morale en redressement ou en liquidation judiciaires n'est pas contraire aux dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Personne morale - Dirigeants sociaux - Faillite personnelle et autres mesures d'interdiction - Procédure de saisine d'office - Composition du Tribunal - Président ayant dans le libellé de la citation et dans sa note laissé paraître son opinion - Article 6 - 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Droit à un Tribunal impartial - Violation.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Interprétation - Article 6 - 1 - Droit à un tribunal impartial - Redressement et liquidation judiciaires - Faillite personnelle et autres mesures d'interdiction - Saisine d'office - Composition de la juridiction - Président ayant laissé paraître son opinion dans la citation et la note.

2° Il résulte de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial. L'exigence d'impartialité doit s'apprécier objectivement. Viole ce texte l'arrêt qui déclare valable la citation délivrée au dirigeant d'une société en liquidation judiciaire dans le cadre de la procédure de saisine d'office prévue aux articles 8, 164 et 169 du décret du 27 décembre 1985 alors que le libellé de la citation et le contenu de la note dans laquelle il tenait pour établi le comportement fautif à ses yeux de la personne visée pouvaient apparemment laisser penser que le président de la juridiction ne disposait pas de l'impartialité objective du juge.


Références :

Décret 85-1387 du 27 décembre 1987 art. 164, 169
Décret 85-1387 du 27 décembre 1987 art. 24
Décret 85-1387 du 27 décembre 1987 art. 8
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 192

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 03 mai 1990

A RAPPROCHER : (1°). Chambre commerciale, 1981-03-17 , Bulletin 1981, IV, n° 147, p. 115 (rejet). (2°). Chambre Civile 1, 1989-05-18 , Bulletin 1989, I, n° 198, p. 132 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 nov. 1992, pourvoi n°90-16751, Bull. civ. 1992 IV N° 345 p. 246
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1992 IV N° 345 p. 246

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bézard
Avocat général : Avocat général :M. Jéol
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Pasturel
Avocat(s) : Avocats :M. Blondel, la SCP Defrénois et Levis.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.16751
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