CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Romain,
- Y... Ignace,
- Z... Jean, dit A...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 16 juillet 1992, qui les a renvoyés devant la cour d'assises du département de la Guadeloupe, sous l'accusation de complicité de tentative d'assassinat, et qui a déclaré recevables les constitutions de parties civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur la recevabilité du mémoire additionnel présenté en faveur d'Ignace Y... : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen de cassation propre à Z... : (sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen de cassation propre à X... : (sans intérêt) ;
Sur le cinquième moyen de cassation propre à X... : (sans intérêt) ;
Sur le quatrième moyen de cassation propre à X... : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen de cassation propre à Y... : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation propre à X... : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen de cassation propre à Y... : (sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen de cassation propre à Z... : (sans intérêt) ;
Mais sur le premier moyen de cassation propre à X... et pris de la violation des articles L. 411-11 du Code du travail, 2, 3, 85, 87 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation a déclaré recevable la constitution de partie civile du Syndicat de la magistrature ;
" aux motifs que les syndicats professionnels sont habilités par l'article L. 411-2 du Code du travail à exercer les droits relativement aux faits ayant causé un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession que le Syndicat de la magistrature représente,- qu'ils soient matériels en obligeant les professionnels conviés à prendre collectivement les précautions supplémentaires pour se protéger de telles agressions,- ou moraux, tant il est vrai que le corps des magistrats a ressenti douloureusement une telle tentative d'intimidation et aurait subi la même cruelle épreuve qu'a traversé récemment toute la magistrature italienne si l'assassinat avait réussi ; qu'est donc recevable la constitution de partie civile du Syndicat de la magistrature à l'encontre des coïnculpés, tendant à assurer la défense de ces intérêts collectifs qui se distinguent tout à la fois des intérêts généraux de la société que le ministère public représente, que de l'intérêt individuel de la victime directe de la tentative d'assassinat (arrêt pp. 3 et 4) ;
" alors qu'est recevable en sa constitution de partie civile le syndicat qui dénonce des infractions intentionnelles, lesquelles, à les supposer établies, auraient atteint individuellement des personnes déterminées et qui, dès lors, n'apparaissent pas comme ayant pu causer à l'intérêt collectif de la profession un préjudice de nature à autoriser au profit du syndicat, l'exercice de l'action civile " ;
Sur le deuxième moyen de cassation propre à Z... et pris de la violation des articles 593 et 2-1 à 2-9 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt querellé a déclaré recevable la constitution de partie civile du Syndicat de la magistrature, alors qu'un syndicat professionnel n'est recevable à se porter partie civile que pour la défense des intérêts collectifs de la profession qu'il représente et que tel n'est pas le cas de l'espèce, où il s'agirait si les faits étaient établis d'une tentative de meurtre dont un de ses adhérents aurait été victime (voir sur ce point : Cass. Crim. 29 janvier 1986, D. 1986, IR 302) " ;
Et sur le même moyen relevé d'office en faveur d'Ignace Y... :
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si, aux termes de l'article L. 411-11 du Code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile, c'est à la condition que les faits déférés au juge portent par eux-mêmes un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs de la profession qu'ils représentent ;
Attendu que pour déclarer recevable, non seulement la constitution de partie civile de Robert B..., juge d'instruction qui aurait été victime d'une tentative d'assassinat, mais encore celle du Syndicat de la magistrature, l'arrêt énonce que la tentative d'assassinat du juge, dès lors qu'elle paraît constituer une réponse violente à des actes professionnels accomplis par lui, est susceptible d'avoir porté atteinte aux intérêts collectifs de la profession que ce syndicat représente, qu'ils soient matériels, en obligeant les professionnels concernés à prendre collectivement des précautions supplémentaires pour se protéger, ou moraux, le corps des magistrats ayant ressenti douloureusement cette tentative d'intimidation ; que les juges ajoutent que les intérêts collectifs de la magistrature sont distincts tant des intérêts généraux de la société représentée par le ministère public, que de l'intérêt individuel de la victime directe de l'infraction ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à les supposer établis, les faits dénoncés constitueraient des actes intentionnels ayant atteint individuellement la personne qui en aurait été victime, et que les syndicats ne tiennent d'aucune disposition de loi le droit de poursuivre la réparation du trouble que porte une infraction aux intérêts généraux de la société, dont, contrairement à ce qu'affirme la décision attaquée, les intérêts matériels et moraux de la magistrature ne peuvent être distingués, la chambre d'accusation a faussement appliqué les textes susvisés ;
Qu'ainsi la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 16 juillet 1992, mais en ses seules dispositions concernant la constitution de partie civile du Syndicat de la magistrature, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DECLARE IRRECEVABLE la constitution de partie civile du Syndicat de la magistrature contre les demandeurs ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.