La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/1992 | FRANCE | N°90-45699

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 1992, 90-45699


.

Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par la Chambre syndicale des banques populaires :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 1990), qu'engagée le 1er mars 1965 par le Crédit populaire, Mme Y... est passée au service de la Chambre syndicale des banques populaires (CSBP) le 24 janvier 1972 ; qu'ayant démissionné de son emploi le 5 juillet 1977, elle a été engagée à nouveau par cet employeur le 1er février 1982 ; que la salariée, qui avait atteint l'âge de 60 ans le 25 mars 1988, a été licenciée le 27 avril 1988, alors qu'elle ne justifiai

t pas de 150 trimestres d'activité pour bénéficier d'une pension de retraite ...

.

Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par la Chambre syndicale des banques populaires :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 1990), qu'engagée le 1er mars 1965 par le Crédit populaire, Mme Y... est passée au service de la Chambre syndicale des banques populaires (CSBP) le 24 janvier 1972 ; qu'ayant démissionné de son emploi le 5 juillet 1977, elle a été engagée à nouveau par cet employeur le 1er février 1982 ; que la salariée, qui avait atteint l'âge de 60 ans le 25 mars 1988, a été licenciée le 27 avril 1988, alors qu'elle ne justifiait pas de 150 trimestres d'activité pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein ;

Attendu que la Chambre syndicale des banques populaires fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'abus de droit de rompre le contrat de travail, alors, selon le moyen, d'une part, que, dans ses écritures d'appel, Mme Y... soutenait uniquement qu'elle avait fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse de la part de la CSBP et réclamait des dommages-intérêts seulement en réparation du préjudice que lui aurait causé ce licenciement ; qu'elle n'invoquait aucun abus de droit de la CSBP et ne réclamait la réparation d'aucun préjudice que lui aurait causé cet abus de droit qui aurait consisté pour la CSBP à se soustraire délibérément aux obligations résultant de l'article 51, paragraphe C, de la convention collective, laquelle lui aurait imposé de prendre en considération la situation particulière de Mme Y..., qui ne disposait pas des 150 trimestres de cotisations pour percevoir une pension de retraite à taux plein en vue d'une éventuelle prorogation de son activité jusqu'à l'âge de 65 ans, et avoir négligé de lui exposer les raisons justifiant le maintien de sa décision de la licencier ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait et en allouant à Mme Y... des dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui aurait causé ce prétendu abus de droit, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que, s'il résulte de l'article L. 122-14-13 du Code du travail que lorsque les conditions de mise à la retraite d'un salarié ne sont pas remplies, la rupture de son contrat de travail constitue un licenciement, le fait que la faculté de mettre à la retraite un salarié sans son accord soit conventionnellement reconnu à l'employeur confère à ce licenciement une cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la rupture du contrat de travail de Mme Y..., qui ne justifiait pas des 150 trimestres de cotisations pour percevoir une pension de retraite à taux plein, constituait donc un licenciement, et le fait que ce licenciement était intervenu à l'âge de 60 ans, prévu comme âge normal de la retraite par l'article 51 de la convention collective, lui conférait une cause réelle et sérieuse ; que cette situation excluait ainsi tout abus de droit de la CSBP de rompre le contrat de travail de Mme Y... en raison de son âge, le défaut du nombre de trimestres nécessaire à la salariée pour bénéficier d'une retraite à taux plein ayant seulement pour effet d'analyser la

rupture de son contrat de travail en un licenciement, mais n'étant pas de nature à constituer une situation particulière au sens de l'article 51, paragraphe C, de la convention collective susceptible de lui permettre d'obtenir une prorogation d'activité jusqu'à 65 ans ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-13 du Code du travail et 51 de la convention collective nationale de travail du personnel des banques ; alors, encore, qu'aux termes de l'article 51, paragraphe C, de la convention collective applicable, la prorogation d'activité du salarié au-delà de l'âge normal de la retraite fixé à 60 ans et jusqu'à 65 ans n'est possible que sur la demande du salarié et exige l'accord de l'employeur ; que l'employeur est libre d'accorder ou non cette prorogation et n'a pas à s'expliquer sur les raisons de son refus ; que, dès lors, en reprochant à la CSBP, qui avait dû procéder au licenciement de Mme Y... faute par elle de remplir les conditions de mise à la retraite, d'avoir omis de prendre en considération la situation de cette dernière sans se donner la peine d'exposer les raisons pour lesquelles l'employeur croyait devoir maintenir sa décision de licencier la salariée, la cour d'appel a violé ledit article 51 de la convention nationale de travail du personnel des banques ; alors, enfin, que les dispositions claires et précises de l'article 51 de la convention collective prévoit trois sortes de départs à la retraite distinctes les unes des autres, avant 60 ans, à 60 ans ou après 60 ans ; que ces dispositions se suffisent à elles-mêmes et ne suscitent aucune interprétation ; que, dès lors, en procédant à une interprétation de l'esprit de ces dispositions et en affirmant que celles-ci étaient inséparables les unes des autres, et notamment que celles du paragraphe C de ce texte, donnaient à la fixation à 60 ans de l'âge de la retraite sa portée réelle, de sorte qu'en l'espèce la CSBP avait commis un abus de droit de rompre le contrat de travail de Mme Y... en raison de son âge, la cour d'appel a dénaturé lesdites dispositions de l'article 51 de la convention collective précitée et violé l'article 1134 du Code civil, ainsi que l'article 51 de ladite convention collective ;

Mais attendu que, selon les dispositions de l'article L. 122-14-13, alinéa 3, du Code du travail, la décision de l'employeur de mettre à la retraite un salarié qui ne peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein constitue un licenciement ; que la cour d'appel a relevé que l'employeur n'invoquait comme cause de rupture que l'âge de la salariée à un moment où elle ne pouvait bénéficier d'une telle pension ; que, par ce motif substitué à ceux de la cour d'appel, la décision se trouve justifiée ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident formé par la salariée :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de complément d'indemnité conventionnelle, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que, par le jeu d'une mutation, la mise à la retraite de la salariée avait pour cause la suppression d'un emploi, peu important qu'il ne s'agisse pas du sien ; que, faute d'avoir tiré de ses constatations cette conséquence qui en résultait nécessairement, la cour d'appel a violé l'article 48 de la convention collective nationale de travail du personnel des banques ; alors, en tout cas, que les motifs ne répondent pas aux conclusions de la salariée selon lesquelles son dernier poste de travail était resté vacant pendant 6 mois, M. X... ayant été muté dans ce service après que la salariée eut fait connaître son intention d'agir en justice ; que, de ce chef, il n'a pas été satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en mettant à la charge du salarié la preuve de la suppression d'emploi, la cour d'appel a violé l'article 48 de la convention collective et l'article 1315 du Code civil ; alors, enfin, qu'il résulte des dispositions de la convention collective applicable trois modes de rupture à l'initiative de l'employeur, la révocation pour faute grave (article 32), le licenciement (article 48) et le départ à la retraite (article 51), exclusifs de tout autre mode de rupture ; qu'en conséquence, les juges du fond ne pouvaient, sans violer les dispositions combinées des articles 48 et 58 de cette convention, constater que la salariée avait été licenciée et lui refuser le bénéfice de l'indemnité ainsi prévue ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions des articles 58 et 48 de la convention collective de travail du personnel des banques que l'indemnité de licenciement prévue par ces textes n'est versée qu'en cas de licenciement pour insuffisance résultant d'une incapacité physique, intellectuelle ou professionnelle ou pour suppression d'emploi ; qu'ayant constaté qu'aucun de ces motifs n'était allégué, la cour d'appel a décidé à bon droit que la salariée ne pouvait prétendre au paiement de l'indemnité conventionnelle ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 90-45699
Date de la décision : 30/09/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Age - Salarié ne pouvant bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein - Portée.

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Age du salarié 1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Mise à la retraite - Salarié ne pouvant bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein 1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Age - Salarié ne pouvant bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein - Absence d'autre motif que l'âge du salarié.

1° Selon les dispositions de l'article L. 122-14-3, alinéa 3, du Code du travail, la décision de l'employeur de mettre à la retraite un salarié qui ne peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein constitue un licenciement. Est dès lors justifiée la condamnation, pour abus de droit de rompre le contrat de travail, de l'employeur qui n'a invoqué comme cause de rupture que l'âge du salarié à un moment où il ne pouvait bénéficier d'une telle pension.

2° CONVENTIONS COLLECTIVES - Banque - Convention nationale du personnel des banques - Licenciement - Indemnités - Indemnité conventionnelle de licenciement - Attribution - Condition.

2° BANQUE - Personnel - Contrat de travail - Licenciement - Indemnités - Indemnité conventionnelle de licenciement - Attribution - Condition 2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Indemnités - Indemnité conventionnelle de licenciement - Attribution - Motif autre que celui prévu par la convention collective.

2° Il résulte des dispositions des articles 58 et 48 de la convention collective du travail du personnel des banques que l'indemnité de licenciement prévue par ces textes n'est versée qu'en cas de licenciement pour insuffisance résultant d'une incapacité physique intellectuelle ou professionnelle ou pour suppression d'emploi. Le salarié licencié sans qu'aucun de ces motifs n'ait été allégué, ne peut prétendre à l'indemnité conventionnelle.


Références :

Code du travail L122-14-3
Convention collective de travail du personnel des banques art. 48, art. 58

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 septembre 1990

DANS LE MEME SENS : (1°). Chambre sociale, 1992-03-25 , Bulletin 1992, V, n° 213 (1), p. 130 (rejet). (2°). Chambre sociale, 1992-03-25 , Bulletin 1992, V, n° 213 (2), p. 130 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 1992, pourvoi n°90-45699, Bull. civ. 1992 V N° 488 p. 306
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1992 V N° 488 p. 306

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Cochard
Avocat général : Avocat général :M. Picca
Rapporteur ?: Rapporteur :Mlle Sant
Avocat(s) : Avocats :la SCP Desaché et Gatineau, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.45699
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award