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30/06/1992 | FRANCE | N°90-15676

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 juin 1992, 90-15676


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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Picoty (la société), qui, en sa qualité d'entreprise importatrice de produits pétroliers, avait acquitté auprès de l'administration des Douanes les taxes parafiscales sur ces produits mises en place par les décrets des 30 août et 2 novembre 1978, a réclamé la restitution des sommes qu'elle avait versées à ce titre en faisant état de l'illégalité des décrets instituant ces taxes tant au regard du droit interne, en ce qu'ils auraient un effet rétroactif pour s'appliquer aux stocks déjà constitués, qu'à celui du droi

t communautaire, en ce que les taxes auraient la nature de taxe compensatoire ...

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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Picoty (la société), qui, en sa qualité d'entreprise importatrice de produits pétroliers, avait acquitté auprès de l'administration des Douanes les taxes parafiscales sur ces produits mises en place par les décrets des 30 août et 2 novembre 1978, a réclamé la restitution des sommes qu'elle avait versées à ce titre en faisant état de l'illégalité des décrets instituant ces taxes tant au regard du droit interne, en ce qu'ils auraient un effet rétroactif pour s'appliquer aux stocks déjà constitués, qu'à celui du droit communautaire, en ce que les taxes auraient la nature de taxe compensatoire assimilable à des droits de douane de nature à entraver le commerce intercommunautaire ; que la cour d'appel s'est déclarée incompétente pour apprécier la légalité des décrets, " tout en constatant qu'ils ne sont pas illégaux au regard de la loi française ", puis a sursis à statuer pour le surplus jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la légalité des textes litigieux au regard du droit international ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir ainsi statué au regard du droit communautaire, alors, d'une part, selon le pourvoi, que ces deux chefs de dispositif sont contradictoires ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et alors, d'autre part, que l'ordre juridictionnel créé par le traité de Rome est directement applicable aux ressortissants des Etats membres de la Communauté économique européenne et s'impose à leurs juridictions ; qu'il s'ensuit que les juridictions de l'ordre judiciaire ont compétence pour connaître d'une exception d'illégalité d'un texte réglementaire lorsqu'elle est fondée sur la méconnaissance des dispositions du traité de Rome ; qu'en statuant en sens contraire, la cour d'appel a violé l'article 55 de la Constitution ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt attaqué ne s'est pas déclaré incompétent pour connaître du litige, mais a sursis à statuer jusqu'à décision de la Cour de justice des Communautés européennes ;

Attendu, en second lieu, que le pourvoi dirigé contre un tel arrêt, en ce qu'il a renvoyé à la Cour de justice des Communautés européennes, en vertu de l'article 177 du Traité instituant cette Communauté, l'appréciation de la conformité au Traité des textes de droit interne, est irrecevable ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 199 du Livre des procédures fiscales, ensemble les articles 49, 50 et 51 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que les tribunaux de l'ordre judiciaire, compétents pour statuer sur les litiges relatifs à l'appréciation des contributions et taxes indirectes, le sont également pour apprécier la légalité des dispositions réglementaires en vertu desquelles l'administration fiscale se prétend fondée à imposer la charge de ces impôts à un contribuable ;

Attendu qu'en se déclarant incompétente pour statuer sur la légalité des décrets des 30 août et 2 novembre 1978, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, ni sur le troisième moyen :

DIT IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le dispositif de l'arrêt sursoyant à statuer jusqu'à décision de la Cour de justice des Communautés européennes ;

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la légalité au regard du droit interne des décrets litigieux, l'arrêt n° 206 rendu le 14 février 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 90-15676
Date de la décision : 30/06/1992
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Traité de Rome - Interprétation - Juridiction nationale saisie - Recours préjudiciel devant la Cour de justice des Communautés européennes - Décision y recourant - Cassation - Pourvoi - Irrecevabilité.

1° CASSATION - Décisions susceptibles - Décision ordonnant ou refusant un sursis à statuer.

1° Est irrecevable le pourvoi dirigé contre un arrêt prononçant un sursis à statuer jusqu'à décision de la Cour de justice des Communautés européennes sur l'appréciation de la conformité au Traité des textes de droit interne.

2° SEPARATION DES POUVOIRS - Acte administratif - Appréciation de la légalité - de la régularité ou de la validité - Incompétence judiciaire - Exception - Contributions indirectes - Légalité des dispositions réglementaires sur lesquelles se fonde l'Administration pour imposer la charge de l'impôt à un contribuable.

2° IMPOTS ET TAXES - Contributions indirectes - Taxes parafiscales sur les produits pétroliers - Décrets des 30 août et 2 novembre 1978 - Légalité - Appréciation - Compétence judiciaire.

2° Il résulte de l'article L. 199 du Livre des procédures fiscales et des articles 49, 50 et 51 du nouveau Code de procédure civile que les tribunaux de l'ordre judiciaire, compétents pour statuer sur les litiges relatifs à l'application des contributions et taxes indirectes, le sont également pour apprécier la légalité des dispositions réglementaires en vertu desquelles l'administration fiscale se prétend fondée à imposer à un contribuable la charge de ces impôts. Viole donc ces textes la cour d'appel qui se déclare incompétente pour statuer sur la légalité des décrets des 30 août et 2 novembre 1978.


Références :

Décret du 30 août 1978
Décret du 02 novembre 1978
Livre des procédures fiscales L199
nouveau Code de procédure civile 49, 50, 51
traité de Rome du 25 mars 1957

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 14 février 1990

A RAPPROCHER : (1°). Chambre commerciale, 1988-11-08 , Bulletin 1988, IV, n° 292, p. 198 (irrecevabilité), et les arrêts cités. (2°). Chambre commerciale, 1989-04-25 , Bulletin 1989, IV, n° 134 (1), p. 89 (cassation partielle sans renvoi)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 jui. 1992, pourvoi n°90-15676, Bull. civ. 1992 IV N° 253 p. 176
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1992 IV N° 253 p. 176

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bézard
Avocat général : Avocat général :Mme Le Foyer de Costil
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Vigneron
Avocat(s) : Avocats :la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.15676
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