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22/06/1992 | FRANCE | N°89-86952

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 juin 1992, 89-86952


REJET et ANNULATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- l'administration des Douanes,
- X... Annick,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 3 novembre 1989, qui a, d'une part, condamné Annick X... pour complicité d'infraction à la législation sur les relations financières avec l'étranger à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à des pénalités cambiaires, d'autre part, relaxé Gérard Y... des fins de la poursuite du chef d'intérêt à la fraude et débouté l'administration des Douanes de sa demand

e.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoir...

REJET et ANNULATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- l'administration des Douanes,
- X... Annick,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 3 novembre 1989, qui a, d'une part, condamné Annick X... pour complicité d'infraction à la législation sur les relations financières avec l'étranger à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à des pénalités cambiaires, d'autre part, relaxé Gérard Y... des fins de la poursuite du chef d'intérêt à la fraude et débouté l'administration des Douanes de sa demande.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I- Sur le pourvoi de l'administration des Douanes :
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 336, 459 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a réduit à 1 626 000 francs la condamnation prononcée à l'encontre de X... ;
" aux motifs qu'il y a lieu d'appliquer à la prévenue une peine d'amende que la Cour estime devoir fixer, dans les limites prévues à l'article 459 du Code des douanes en considération du montant de la somme sur laquelle (a) porté les infractions dont la prévenue est coupable, à 1 962 000 francs ; que, compte tenu de la saisie pratiquée en espèces des devises américaines, objet d'infraction, il y a lieu de limiter à la somme de 1 626 000 francs la condamnation ou confiscation qui doit être prononcée en application de l'article 459 du Code des douanes ;
" alors qu'il ne résulte d'aucun des procès-verbaux de douane que l'Administration aurait pratiqué une saisie en espèces de devises américaines ; qu'en limitant la condamnation de la prévenue à la somme de 1 626 000 francs aux motifs que des devises américaines en espèces auraient été saisies, la cour d'appel a violé les articles 336 et 459 du Code des douanes " ;
Attendu que l'administration des Douanes a déclaré se pourvoir contre les dispositions de l'arrêt du 3 novembre 1989 n'ayant pas fait droit à ses conclusions " en tant que dirigées contre Gérard Y... " ; qu'elle a ainsi limité son pourvoi ;
Qu'il s'ensuit que le moyen, qui discute le montant des pénalités fiscales prononcées contre Annick X..., n'est pas recevable ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 101 de la loi du 30 décembre 1981, 24 de la loi du 8 juillet 1987, 351, 399, 459 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Y... des fins de la poursuite ;
" aux motifs que la loi nouvelle, si elle n'a pas supprimé le délit de détention d'avoirs irréguliers à l'étranger ni la présomption de fraude attachée à ceux qui ne pourront justifier de leur origine pendant le délai de 10 ans, ne s'applique qu'aux résidents qui continuent de détenir des avoirs à l'étranger après le 31 janvier 1987 ou qui en constituent après cette date ; que tel n'est pas le cas pour les 50 000 $ US objet de la fraude de Mario Z... à laquelle Gérard Y... s'était vu reprocher d'avoir été intéressé ; que la détention des avoirs en dollars ayant cessé avant le 31 janvier 1987, Gérard Y... ne peut être condamné en application de l'article 24 de la loi du 8 juillet 1987 ;
" alors que l'article 101 de la loi de finances pour 1982 qui prohibait la détention après le 1er juin 1982 d'avoirs à l'étranger dont l'origine ne serait pas régulière, a été abrogé par l'article 24-I de la loi du 8 juillet 1987 ; que l'article 24-II a cependant maintenu l'obligation pour les résidents français continuant à détenir ou constituant des avoirs à l'étranger de justifier de leur origine régulière, étant précisé que cette justification n'était exigée que pour les avoirs constitués ou détenus pendant le délai de 10 ans précédant la vérification administrative ; qu'il résulte des procès-verbaux de douane que Z... avait exporté irrégulièrement à Zurich une somme de 50 000 $ US notamment, en septembre 1986, que son amie avait remis à Y... le 3 octobre 1986 ; qu'à cette date l'article 101 était toujours en vigueur ; que l'infraction de change visée par l'article 24-II était établie, peu important qu'il vise les avoirs constitués ou continuant à être détenus après le 31 janvier 1987 puisqu'à cette date la même détention irrégulière était déjà constitutive d'un délit et qu'il a été commis dans le délai de 10 ans précédant la vérification administrative ; qu'en relaxant Y... du chef de l'intérêt à la fraude commise par Z... aux motifs erronés que la détention de devises en dollars aurait cessé avant le 31 janvier 1987, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen " ;
Attendu que Gérard Y... a été poursuivi, comme intéressé à la fraude, pour avoir participé le 3 octobre 1986 à la détention irrégulière d'avoirs à l'étranger, faits alors prévus et punis par les articles 101 de la loi du 30 décembre 1981, 24-II de la loi du 8 juillet 1987, 399 et 459 du Code des douanes ; que, par les motifs repris au moyen, les juges l'ont renvoyé des fins de la poursuite ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué ne saurait aujourd'hui encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, cessent d'être applicables aux poursuites en cours les dispositions des lois ou règlements même non expressément abrogées, dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle ;
Qu'il résulte des dispositions combinées des articles 98 de la loi du 29 décembre 1989 et 23 de la loi du 12 juillet 1990, prises en conformité de la directive communautaire du 24 juin 1988, qu'en soumettant désormais à une simple déclaration les transferts de sommes, titres ou valeurs vers l'étranger ou en provenance de l'étranger, le législateur a rétabli la liberté des relations financières, dont le principe est affirmé à l'article 1er de la loi du 28 décembre 1966 demeurée en vigueur ; que, par voie de conséquence, sont devenues incompatibles avec ce principe toutes dispositions antérieures ayant édicté des restrictions, tels les décrets pris sur le fondement de l'article 3 de la loi précitée ainsi que l'article 24-II de la loi du 8 juillet 1987 ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
I- Sur le pourvoi d'Annick X... :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1er du Code civil, 3 et 6 du décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968, 1.4° de l'arrêté du 9 août 1973, 101 de la loi de finances pour 1982, 59 et 60 du Code pénal :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable d'avoir aidé ou assisté Mario Z... à enfreindre la législation et la réglementation sur les relations financières avec l'étranger en détenant irrégulièrement les avoirs constitués par celui-ci sur des comptes ouverts à l'étranger par ses soins ;
" aux motifs que Mario Z... avait transféré d'Allemagne en Suisse 500 000 DM et 50 000 $ US et qu'elle avait fait transférer ces fonds sur un compte ouvert à son nom à la Banque Bar ; que le 3 octobre 1986 (sic) elle est allée chercher 50 000 $ US retirés de son compte et qu'elle a remis le même jour audit Z... ; qu'il n'était justifié ni de l'origine régulière des fonds retenus en Suisse au regard de la législation française des changes à laquelle ressortissait Mario Z..., dont l'installation en Allemagne en septembre 1985 laissait pour 2 ans la qualité de résident français ; qu'il n'est pas justifié du rapatriement ou de l'emploi de 500 000 DM avant le 1er février 1987 ;
" alors, d'une part, que seuls les résidents français étaient tenus de procéder au rapatriement des créances sur l'étranger nées de l'exportation de marchandises, de la rémunération de services et de tous les revenus ou produits encaissés à l'étranger ou versés par un non-résident ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que Mario Z... avait constitué en République fédérale d'Allemagne, en septembre 1985, la société SBG de droit allemand pour le négoce de vêtements ; que les sommes de 500 000 DM et de 50 000 $ US avaient été transférées, en août 1986, de République fédérale d'Allemagne pour être déposées sur les comptes de la société allemande SBG dans des banques suisses ; qu'en l'état de ces constatations qui ne caractérisent aucune infraction à la législation et à la réglementation des changes à la charge de Mario Z..., le délit de complicité d'une telle infraction reprochée à la prévenue n'est pas constitué ;
" alors, d'autre part, qu'en détenant, à l'étranger, pour le compte d'une société étrangère, des fonds appartenant à cette dernière, la prévenue n'a pas commis le délit de complicité de détention de moyens de paiement sur l'étranger qui lui est reproché " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 5 du décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968, de la circulaire I-6-b du 28 mars 1983, de l'article 4 du Code pénal, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable d'avoir importé irrégulièrement 50 000 $ américains ;
" alors, d'une part, que la Cour ne pouvait, sans se contredire, déclarer confirmer sur ce point le jugement déféré qui n'avait retenu la culpabilité de la prévenue que pour la détention irrégulière d'avoirs à l'étranger ;
" alors, d'autre part, et subsidiairement, que l'importation de tous les moyens de paiement sur l'étranger est libre ; que l'obligation mise à la charge des voyageurs de rétrocéder dans le mois de leur importation les devises qu'ils possèdent contre des francs ne pèse que sur le résident propriétaire desdites devises ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la prévenue n'était pas propriétaire des devises importées qui ont été immédiatement remises au gérant de la société étrangère qui en était propriétaire sur lequel seul pouvait peser l'obligation de la déclaration d'importation ; qu'ainsi, l'infraction reprochée à la prévenue n'est pas constituée " ;
Et sur le moyen de cassation relevé d'office et pris de l'entrée en vigueur des articles 98 de la loi du 29 décembre 1989 et 23 de la loi du 12 juillet 1990 :
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que cessent d'être applicables aux poursuites en cours les dispositions des lois et règlements, même non expressément abrogées, dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle ;
Attendu que, par l'arrêt attaqué, Annick X... a été déclarée coupable de s'être, courant 1986, rendue complice de détention irrégulière d'avoirs à l'étranger et d'importation irrégulière de moyens de paiement, faits prévus et punis par les articles 5 du décret du 24 novembre 1968, pris pour l'application de la loi du 28 décembre 1966, 101 de la loi du 30 décembre 1981, 24-II de la loi du 8 juillet 1987, 59 et 60 du Code pénal, 459 du Code des douanes ;
Mais attendu que si, en prononçant comme elle l'a fait, par les motifs repris aux moyens, la cour d'appel n'a pas, à l'époque où elle a statué, encouru les griefs allégués, il demeure que l'arrêt doit être annulé, dès lors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 98 de la loi du 29 décembre 1989 et 23 de la loi du 12 juillet 1990, prises en conformité de la directive communautaire du 24 juin 1988, qu'en soumettant désormais à une simple déclaration les transferts de sommes, titres ou valeurs vers l'étranger ou en provenance de l'étranger, le législateur a rétabli la liberté des relations financières, dont le principe est affirmé à l'article 1er de la loi du 28 décembre 1966 demeurée en vigueur, et que, par voie de conséquence, sont devenues incompatibles avec ce principe toutes dispositions antérieures ayant édicté des restrictions, tels les décrets pris sur le fondement de l'article 3 de la loi précitée ainsi que l'article 24-II de la loi du 8 juillet 1987 ;
Par ces motifs :
Sur le pourvoi de l'administration des Douanes :
REJETTE le pourvoi ;
Sur le pourvoi de X... Annick ;
ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, du 3 novembre 1989, en toutes ses dispositions concernant Annick X... ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-86952
Date de la décision : 22/06/1992
Sens de l'arrêt : Rejet et annulation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

LOIS ET REGLEMENTS - Loi nouvelle - Dispositions législatives ou réglementaires antérieures non expressément abrogées - Caractère inconciliable - Portée

CHANGES - Lois et règlements - Loi nouvelle - Dispositions législatives ou réglementaires antérieures non expressément abrogées - Caractère inconciliable - Portée

CHANGES - Relations financières avec l'étranger - Infraction à la législation - Loi nouvelle - Loi des 29 décembre 1989 (article 98) et 12 juillet 1990 (article 23) - Rétablissement de la liberté des relations financières avec l'étranger - Poursuites en cours - Portée

Les dispositions des lois ou règlements, même non expressément abrogées, cessent d'être applicables dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle (1). Ainsi il résulte des dispositions combinées des articles 98 de la loi du 29 décembre 1989 et 23 de la loi du 12 juillet 1990 prises en conformité de la directive communautaire du 24 juin 1988 qu'en soumettant désormais à une simple déclaration les transferts de sommes, titres ou valeurs vers l'étranger ou en provenance de l'étranger, le législateur a rétabli la liberté des relations financières, dont le principe est affirmé à l'article 1er de la loi du 28 décembre 1966 demeurée en vigueur. Il s'ensuit que, dans des poursuites en cours pour infractions aux dispositions antérieures ayant édicté des restrictions à ce principe de liberté, tels les décrets pris sur le fondement de l'article 3 de la loi du 28 décembre 1966 ainsi que l'article 24-II de la loi du 8 juillet 1987 l'arrêt en ce qu'il a prononcé la relaxe d'un prévenu ne peut encourir la censure, mais doit être annulé en ce qu'il a prononcé la condamnation d'un autre prévenu.


Références :

Arrêté du 09 août 1973 art. 1
Circulaire I-6-b du 28 mars 1983
Code des douanes 399, 459
Directive CEE 88/361 du 24 juin 1988
Décret 68-1021 du 24 novembre 1968 art. 3, art. 5, art. 6
Loi 66-1008 du 28 décembre 1966 art. 1, art. 3
Loi 81-1160 du 30 décembre 1981 art. 101
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 24-II
Loi 89-935 du 29 décembre 1989 art. 98
Loi 90-614 du 12 juillet 1990 art. 23

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre correctionnelle), 03 novembre 1989

CONFER : (1°). (1) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1986-02-13 , Bulletin criminel n° 59, p. 138 (cassation partielle sans renvoi) ;

Chambre criminelle, 1992-05-21 , Bulletin criminel 1992, n° 203 p. 557 (rejet : 4 arrêts) ;

A comparer : Chambre criminelle, 1989-05-10 , Bulletin 1989, n° 187, p. 479 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 jui. 1992, pourvoi n°89-86952, Bull. crim. criminel 1992 N° 247 p. 676
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1992 N° 247 p. 676

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Gondre
Avocat(s) : Avocats :la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Boré et Xavier, Mme Roué-Villeneuve

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:89.86952
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