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Sur les trois moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 avril 1990), que M. X..., attributaire, selon un projet de partage de 1970, d'un appartement, l'a donné en location, en 1981, aux époux Y... ; que, sans la notifier à ceux-ci, il a, le 30 avril 1987, consenti une promesse de vente de cet appartement à M. Z..., marchand de biens ; qu'à la suite de l'assignation délivrée par un coïndivisaire de M. X... et tendant, à la fois, à la " validation " du partage de 1970 et à l'annulation de la promesse de vente du mois d'avril 1987, M. X... a consenti, le 6 juillet 1987, une nouvelle promesse de vente à M. Z..., portant sur la totalité de l'immeuble dans lequel se trouvait l'appartement loué, moyennant un prix global, mais avec l'évaluation du prix pour l'appartement ; que les époux Y..., ayant appris, le 10 juillet 1987, l'existence de cette promesse, ont fait connaître à M. X..., le 16 juillet suivant, leur décision de préempter l'appartement ; que le bailleur leur ayant opposé la nullité de leur demande, faute d'une promesse concrétisée, les époux Y... ont assigné M. X... pour faire constater la perfection de la vente en leur faveur ;
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, en constatant que l'exercice du droit de préemption ne leur avait pas été ouvert, alors, selon le moyen, 1°) qu'aux termes de l'article 10, alinéa 2, de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975, relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation, l'offre de vente, que doit faire le bailleur au locataire ou à l'occupant de bonne foi, est valable un mois ; que le maintien obligatoire de l'offre au cours de cette période constitue un élément essentiel de la protection mise en place par le législateur, en ce qu'il assure au bénéficiaire un délai raisonnable de réflexion quant à la décision à prendre ; qu'à ce titre, il va de pair avec l'obligation pour le bailleur de respecter certaines formalités d'ordre informatif, destinées à garantir la réalité de la connaissance par le locataire de la vente projetée et des conditions de celle-ci ; qu'ainsi, si, aux termes du texte susvisé, le délai du maintien obligatoire de l'offre court de la notification qui incombe ainsi au bailleur, le non-respect par ce dernier de son obligation de notifier ne saurait le dispenser de maintenir l'offre de vente au profit du locataire ; que si, malgré l'omission du bailleur sur ce point, le locataire a connaissance de la vente projetée, le délai du maintien obligatoire de l'offre court, à tout le moins, à compter du jour de cette connaissance ; qu'aussi bien, en estimant que le bailleur-vendeur avait pu valablement révoquer, le 10 juillet 1987, l'acte du 6 juillet 1987, alors que le locataire avait pris connaissance de ce dernier et a manifesté sa volonté de préempter bien avant l'expiration d'un mois à compter de cette date, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2°) qu'aux termes de l'article 1328 du Code civil, pour être opposable aux tiers, un acte juridique sous seing privé doit avoir date certaine ; que ce texte tend à empêcher, précisément, que les parties à une opération juridique puissent, en opposant à un tiers un acte antidaté, paralyser l'exercice par ce dernier d'un droit conditionné par
l'antériorité de son titre ; qu'en se bornant, en l'espèce, à considérer qu'aucun élément ne permettait de douter de l'authenticité de l'acte de révocation auquel les parties à ce dernier attribuaient une date antérieure à l'exercice par le locataire du droit de préemption, pour conclure à l'opposabilité à ce dernier de l'acte de révocation, alors qu'il ressortait notamment des débats que la promesse de vente du 6 juillet 1987 avait été produite au cours d'une instance judiciaire parallèle du 17 juillet 1987, sans qu'il ait été question, à cette date, de la révocation de ladite promesse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; 3°) que la fraude à la loi consiste à se soustraire artificiellement au domaine d'une disposition impérative afin de parvenir à un résultat contraire à la finalité de celle-ci ; que la loi du 31 décembre 1975 poursuit une double finalité de protection du locataire, d'une part, de lutte contre la spéculation immobilière, d'autre part ; qu'en permettant au titulaire du droit de préemption de conclure la vente projetée par le bailleur au prix mentionné dans l'acte apparent, elle sert ainsi l'intérêt de l'occupant préempteur, tout en garantissant la transparence du prix ; que la condition suspensive litigieuse tend, au contraire, au résultat directement inverse, puisqu'elle vise précisément à assurer la non-réalisation de la vente chaque fois qu'en raison de la présence du locataire, le prix qui sera perçu est le seul prix apparent ; qu'elle constitue ainsi une fraude manifeste au texte susvisé, ainsi violé par la cour d'appel ; 4°) qu'en tenant en échec l'exercice par le locataire du droit de préemption prévu par la loi, la clause a pour finalité de garantir le bailleur contre le risque de se voir lié par le prix apparent et de ne pas pouvoir bénéficier d'une simulation convenue avec un tiers ; qu'elle est nulle, par conséquent, en raison de l'illicéité de sa cause, si bien que la cour d'appel, en jugeant que les parties à une promesse de vente pourraient valablement subordonner la réalisation de cette dernière au non-exercice par le locataire de son droit légal de préemption, a violé, ensemble, l'article 1172 du Code civil et la loi du 31 décembre 1975 ;
Mais attendu qu'ayant constaté que M. X... n'avait procédé à aucune notification à ses locataires de l'une ou de l'autre promesse de vente de l'appartement, ce qui plaçait les rapports du bailleur et des époux Y... hors des prévisions du deuxième et du troisième alinéas de l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975, la cour d'appel, qui a retenu que la manifestation des locataires ne pouvait produire effet, à défaut d'offre de vente, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi