REJET des pourvois formés par :
- X... Régis ;
1°) contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 18 septembre 1991, qui, dans une information suivie à son encontre du chef d'homicide volontaire, a ordonné le renvoi de la procédure au juge d'instruction pour règlement ;
2°) contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 11 décembre 1991, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du département du Var sous l'accusation d'homicide volontaire.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 18 septembre 1991 :
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 7 octobre 1991 disant n'y avoir lieu à examen immédiat du pourvoi ;
Attendu qu'aucun moyen n'est fourni à l'appui du pourvoi ;
II-Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 11 décembre 1991 :
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 105, 118, 170 et suivants, 203 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater l'irrégularité de la procédure tirée de l'audition en qualité de témoin du demandeur ;
" aux motifs que la chambre d'accusation, dans son arrêt du 15 mars 1989, n'avait pas relevé l'existence d'indices graves, précis et concordants à l'encontre de X..., mais avait constaté que la procédure était incomplète et ordonné en conséquence qu'elle soit poursuivie ; que le juge d'instruction et les policiers agissant sur commission rogatoire procédaient à de nouvelles investigations dont le résultat nécessitait que X... soit entendu une nouvelle fois en l'état de contradictions relevées, notamment pour en vérifier la teneur ;
" alors qu'il est interdit au juge d'instruction d'entendre comme témoin une personne contre laquelle il existe des indices graves et concordants de culpabilité ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que tant l'audition de la partie civile, Mme Y..., que de la propre fille du prévenu ont révélé l'existence d'indices graves, précis et concordants de culpabilité qui auraient dû conduire à son inculpation avant ses prétendus aveux ; que c'est donc en violation de l'article 105 du Code de procédure pénale et pour faire échec aux droits de la défense que le demandeur a été entendu en qualité de témoin et placé en garde à vue, et que la chambre d'accusation a refusé d'annuler la procédure " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 118, 152, 170 du Code de procédure pénale, 593 et 802 du même Code, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater la nullité de la procédure tirée de l'audition de l'inculpé qui était constitué partie civile et a renvoyé celui-ci devant la cour d'assises ;
" aux motifs que, malgré sa situation de partie civile, il convient de préciser qu'il s'était constitué partie civile dans les seuls intérêts de sa fille mineure et déclarait expressément renoncer à l'assistance de son conseil et acceptait d'être entendu ; qu'avec l'autorisation du juge d'instruction les policiers le plaçaient en garde à vue pour une nouvelle durée de 24 heures, une première mesure de garde à vue ayant été prise précédemment ;
" alors que les officiers de police judiciaire ne peuvent procéder aux auditions de la partie civile et du témoin bénéficiant des dispositions de l'article 104 qu'à la demande de ceux-ci ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que X... s'était constitué partie civile et n'avait pas demandé à être entendu ; qu'il a été procédé à son interrogatoire par deux fois, le 22 novembre 1990, en violation de la disposition susvisée " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 77, 154, 170, 593 du Code de procédure pénale, 802 du même Code, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater la nullité de la procédure tirée de la prolongation de la garde à vue dans des conditions irrégulières ;
" aux motifs qu'avec l'autorisation du juge d'instruction les policiers ont placé le demandeur en garde à vue pour une nouvelle durée de 24 heures, une première mesure de garde à vue ayant été prise précédemment ; que X... fournissait des explications nouvelles, reconnaissant s'être rendu ce matin-là au domicile conjugal, avoir eu une explication avec son épouse pour tenter de la faire taire, l'avait empoignée, avait chuté avec elle et avait constaté qu'elle était inerte ; que les nouvelles déclarations du demandeur et leur concordance avec les indices préalablement recueillis justifiaient qu'il soit mis fin à sa garde à vue et conduit devant le magistrat instructeur qui lui notifiait l'inculpation d'homicide volontaire ;
" alors que ce n'est qu'à titre exceptionnel et par décision motivée que la garde à vue peut être prolongée sans que la personne soit conduite devant le magistrat instructeur ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que la prolongation de la garde à vue s'est déroulée dans des conditions irrégulières dès lors que des indices graves, précis et concordants pesaient sur lui ; qu'en refusant dès lors d'annuler les actes relatifs à la garde à vue ainsi que la procédure subséquente, bien qu'elle se soit fondée au fond sur les investigations et interrogatoires qui se sont déroulés lors de la garde à vue irrégulière, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 23 novembre 1984 au matin, Roselyne Y..., épouse X..., en instance de divorce avec son mari Régis X..., était trouvée morte au domicile conjugal ; que l'autopsie permettait d'établir l'origine criminelle du décès, compte tenu des traces de strangulation à mains nues relevées sur la victime ; que les soupçons s'étant portés sur X..., celui-ci entendu notamment le 28 novembre 1984 et gardé à vue pendant 24 heures, niait être l'auteur du crime ; que le 30 mai 1988, le juge d'instruction rendait une ordonnance de non-lieu, aux motifs qu'aucune preuve ou indice ne permettait d'induire la culpabilité de Régis X... ou de quelqu'un d'autre ;
Attendu que sur appel de la mère de la victime, partie civile, la chambre d'accusation, par arrêt du 15 mars 1989, ordonnait la poursuite de l'information ; que sur commission rogatoire du juge d'instruction, le service de police judiciaire reprenait l'enquête effectuée à l'origine et qu'il apparaissait alors qu'à la suite de deux accès de violence de X... contre son épouse les 6 et 15 octobre 1984, celle-ci, qui avait obtenu le 19 novembre 1984 une ordonnance de non-conciliation lui confiant la garde de l'enfant commun, refusait à son mari un droit de visite pour le week-end du 23 au 25 novembre 1984 ;
Attendu que, placé en garde à vue le 22 novembre 1990, X... acceptait d'être entendu en renonçant expressément à la présence de son conseil ; qu'après une prolongation de cette mesure pour une nouvelle durée de 24 heures, il déclarait vouloir soulager sa conscience et reconnaissait être l'auteur matériel du décès de sa femme à la suite d'une bousculade ; que déféré devant le magistrat instructeur le 23 novembre 1990, X... confirmait ses aveux dans le procès-verbal de première comparution puis, dès le lendemain, se rétractait par lettre en invoquant des manoeuvres policières ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité des actes relatifs à la garde à vue et de la procédure subséquente qui lui était présentée par X... et tirée d'une prétendue violation de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles 105, 152 et 154 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation, après avoir observé que X... s'était constitué partie civile dans les seuls intérêts de sa fille mineure, relève notamment que son audition en qualité de témoin a été faite dans le respect des droits de la défense et avant qu'il n'ait été recueilli contre lui des indices graves et concordants de culpabilité ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la chambre d'accusation n'a violé aucun des textes visés aux moyens, dès lors, d'une part, qu'il n'est pas démontré que les officiers de police judiciaire délégués aient agi dans le dessein de faire échec aux droits de la défense en entendant comme témoin une personne contre laquelle l'arrêt avant dire droit du 15 mars 1989 n'avait pas retenu l'existence d'indices suffisants pour motiver son inculpation, d'autre part, que les règles édictées par l'article 154 du Code de procédure pénale concernant les gardes à vue auxquelles il est procédé lors de l'exécution des commissions rogatoires ne sont pas prescrites à peine de nullité ; qu'enfin, l'article 152 du même Code ne saurait faire obstacle à ce qu'un individu constitué partie civile pour autrui au cours de l'information, en tant que représentant légal d'un incapable, soit entendu sur les faits dont il a été personnellement témoin, en dehors de toute demande de sa part ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente ; qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle le demandeur est renvoyé ; que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE les pourvois.